La péricope qui rapporte l’histoire de la femme adultère est bien connue, surtout à cause de son message qui met en évidence la grande miséricorde de Dieu, laquelle se manifeste dans la personne de Jésus. Pourtant, les exégètes modernes y ont consacré des fleuves d’encre surtout pour d’autres raisons : ce sont d’abord les problèmes historico-critiques de l’authenticité du texte de Jean et de sa place dans le canon, c’est aussi la signification du geste mystérieux de Jésus qui écrit avec son doigt sur le sol. Parmi les problèmes historico-critiques, le plus important est celui que soulève la critique textuelle qui, avec la majorité des chercheurs, affirme qu’à l’origine la péricope n’appartenait pas à l’évangile de Jean1. C’est pourquoi certains commentaires importants ne la considèrent même pas2, ou s’ils la considèrent, ils ne la font pas remonter à Jésus et jugent qu’elle ne peut être comptée parmi les textes d’« une tradition communautaire de style juif3 ». Toutefois, la majorité des exégètes fait valoir à juste titre que le récit a toutes les caractéristiques d’une ancienne tradition sur Jésus4, reprenant souvent les mots de Wilhelm Heitmüller, qui appelle la péricope une « perle égarée de la tradition antique5 ».
La preuve textuelle contre l’appartenance de la péricope au texte original du quatrième Évangile est très claire. Pour ce qui est de la preuve externe la péricope est absente des manuscrits indépendants les plus anciens12 et chez les Pères de l’Église jusqu’au quatrième siècle. Le témoin le plus ancien qui relate la péricope est le codex de Bèze (Ve siècle) ; viennent ensuite de nombreux manuscrits grecs, la majorité de la tradition de la Vieille latine et de la Vulgate. Cependant, le récit est déjà mentionné dans la Didascalia apostolorum (un document de l’Église syrienne du IIIe siècle) et sa canonicité est assidûment défendue par les Pères latins (Ambroise, Augustin et Jérôme). L’examen de la preuve interne conduit à une conclusion similaire, soit à cause des caractéristiques du vocabulaire non johannique utilisé13, soit à cause d’une certaine interruption dans la continuité de la narration de 7,1 à 8,59. En outre, la position de la péricope dans les manuscrits n’est pas constante. Bien que la majorité la rapporte en Jn 7,53–8,11, certains la mettent après Jn 7,36 ou à la fin de Jean, après Luc 21,38 ou à la fin de Luc.
https://journals.openedition.org/rhetorique/488