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L’immortalité de l’âme,
conception humaine ou révélation biblique ?
« L’homme comprend seulement avec beaucoup de difficulté ce qu’il ne désire pas comprendre en son for intérieur. Il ferme instinctivement son intelligence devant des faits qui le contraignent à abandonner ce qui lui plaît (1) » ( Alexis Carrel).
Alors que la résurrection des morts – enseignée dans la Bible – constitue (devrait constituer) l’une des principales bases (2) de la foi chrétienne, on peut se demander pourquoi si peu de personnes y croient aujourd’hui ? En effet, selon un sondage TNS Sofres/Logica publié par l'hebdomadaire Pèlerin, seulement 10 % des Français (13 % chez les catholiques) croient à la résurrection des morts (3) !
Une autre conception en matière de « retour à la vie » triompherait-elle au sein du christianisme contemporain ? A ce propos (toujours selon le même sondage), 7 % des catholiques déclarent croire en la réincarnation (4) ! Comme les adeptes des religions orientales ou des philosophies empreintes d’orientalisme, de très nombreux chrétiens croient donc à la réincarnation !
Pourquoi cette croyance est-elle acceptée aussi facilement ? En fait, cette manière de penser si largement répandue aujourd’hui dans le monde fait suite à une autre croyance, essentielle et quasi générale qui remonte à des millénaires : la croyance en l’immortalité de l’âme. Sans l’adhésion à cette idée, il est impossible de croire en la réincarnation.
Or, on sait que cette notion d’immortalité de l’âme fait partie de l’enseignement officiel de l’Eglise catholique dont le catéchisme déclare : « Chaque âme spirituelle est immédiatement créée par Dieu – elle n’est pas produite par les parents – ; l’Eglise nous apprend aussi qu’elle est immortelle : elle ne périt pas lors de la séparation du corps dans la mort, et s’unira de nouveau au corps lors de la résurrection finale (5). »
Bref, si pour beaucoup de chrétiens, les conceptions sur l’au-delà ressemblent étrangement à celles des tenants de la réincarnation, c’est essentiellement parce qu’elles reposent sur une base commune quant à la nature de l’homme : une vision dualiste qui dépeint l’homme comme un être composite formé d’un corps matériel, mortel et d’une âme immatérielle, immortelle.
Sans qu’il soit possible d’étudier ici toutes les raisons conduisant les chrétiens à accepter aussi facilement la réincarnation, on peut dire que la croyance en l’immortalité de l’âme y contribue avant tout ! Soulignons seulement que la réincarnation se présente comme une négation de la rédemption et de la résurrection. Aussi, l’Eglise catholique a toujours condamné explicitement cette conception païenne en totale contradiction avec le message évangélique.
Après une introduction certes un peu longue, mais ayant néanmoins le mérite de nous conduire progressivement à notre sujet, il nous paraît utile de confronter la théorie de l’immortalité de l’âme à la lumière de l’Ecriture. Mais avant, essayons d’explorer les origines lointaines de cette notion d’âme survivant après la mort, idée considérée généralement comme irréfutable !
D’où vient la notion d’immortalité de l’âme ?
Depuis le début de l’histoire humaine, la mort a sans cesse effrayé les hommes qui ont constamment essayé de comprendre ce qui se passe au-delà de cette échéance ultime. Face au néant insupportable, ceux-ci ont toujours tenté de nier la mort en se rattachant à l’idée apaisante d’une survie immédiate. Pour la majorité des hommes de chaque civilisation, l’antique notion d’immortalité de l’âme semble donc avoir été une réponse rassurante – mais imparfaite – à l’angoisse de l’au-delà.
Selon cette conception, l’âme survit tel un « double du vivant ». Ainsi, la mort n’est pas vraiment la mort puisque « la vie » se poursuit sous une autre forme ! Plus ou moins différente selon les peuples – nous nous limiterons à un rapide aperçu historique –, la représentation de la vie de l’âme après la mort du corps a toujours été empreinte de mystère. Et cet aspect a généralement induit la crainte (peur de l’enfer, pensée que l’âme pourrait interagir avec les vivants) dans le cœur des hommes, un sentiment qui aujourd’hui encore dans nos sociétés occidentales, influence considérablement le culte rendu à « l’âme de nos morts » !
L’immortalité de l’âme est donc une idée qui remonte à la nuit des temps. On trouve déjà, en effet, la notion d’âme survivant après la mort chez les ancêtres lointains des tribus animistes d’Afrique. Pour les Egyptiens, « l’âme, après la mort, va se joindre aux étoiles innombrables (version la plus antique) ou se fondre dans l’âme universelle qui habite le soleil (version panthéiste plus tardive) (6) ». Inconnue jusqu’alors, la pensée de l’immortalité de l’âme apparaît en Grèce au VIe siècle av. J.-C. à travers l’orphisme, courant religieux issu du mythe d’Orphée, enseignant à la fois l’immortalité de l’âme et la réincarnation.
Disciple de l’orphisme, le philosophe Pythagore, lui aussi, n’accepte pas que la vie s’achève par la mort ! A son tour, il influence fortement l’autre philosophe grec – non moins célèbre – Platon (427-347 av. J. C.) pour qui l’âme est immortelle et de nature divine. Ce dernier cherche à le prouver dans son œuvre, Phédon : « Ce qui est divin, immortel, intelligible, ce dont la forme est une, ce qui est indissoluble et possède toujours en même façon son identité à soi-même, voilà à quoi l’âme ressemble le plus (7). »
Si, jusqu’au milieu du IIe siècle, les premiers chrétiens fidèles à la Bible – qui appréhende l’homme dans son unité – ne se laissent pas séduire par la théorie de l’immortalité de l’âme, ce n’est plus le cas par la suite. Au fil des années, de façon remarquable, cette idée chère au « grand Platon » s’impose de plus en plus à l’esprit des philosophes et des Pères de l’Eglise qui l’adoptent et tentent de l’affiner avant de l’intégrer au christianisme !
C’est ce que témoigne par exemple cette fiche pédagogique de la Bibliothèque Nationale de France : « On pourrait dire que si Saint Augustin a eu la volonté de "christianiser" Platon en l'introduisant dans ses théories religieuses, Saint Thomas d'Aquin "christianisa" à son tour Aristote [disciple de Platon], huit siècles plus tard, avec cette même volonté d'harmoniser le savoir, la sagesse antique et la foi chrétienne (
. » Toutefois, ce n’est qu’en 1513 au concile de Latran V que le dogme de l’immortalité de l’âme est proclamé officiellement (9).
« Le triomphe de la notion d’immortalité de l’âme est, en définitive, [écrit Charles Gerber] une victoire de l’orgueil humain. » Et cet auteur de citer Aloys Berthoud : « Le dogme de l’immortalité de l’âme est la résultante de l’instinct inné de notre race et d’une raison superbe, ivre de ses facultés. C’est bien, en un sens, ce que l’homme a de plus excellent ; mais c’est la créature se divinisant elle-même dans l’oubli de sa déchéance. C’est l’homme naturel dans le plein épanouissement de son génie, et qui, parce qu’il lui a poussé des ailes, comme au vermisseau devenu papillon, se croit en mesure de défier l’espace et le temps et la mort : orgueil titanesque qui se sent de taille à escalader l’Olympe ! Hélas, c’est toujours l’esprit de la Tour de Babel qui, par ses propres forces et en dépit de Dieu même, se flatte de monter jusqu’au ciel (10). »
Du IIe siècle à nos jours, la théorie de l’immortalité de l’âme domine donc irrésistiblement… bien que celle-ci ne trouve aucun appui dans l’Ecriture comme nous allons le voir plus loin ! Dans la pensée chrétienne traditionnelle, cette manière de concevoir l’état de l’âme entre la mort et la résurrection permet en fait de sauver la continuité de l’identité de l’homme, « une véritable continuité entre l’homme qui a vécu sur terre et l’homme qui ressuscitera. Sans cette continuité d’un élément humain subsistant, l’homme qui a vécu sur terre et celui qui ressuscitera ne seraient pas le même “moi“. […] Cette âme, même séparée, accomplit des actes personnels d’intelligence et de volonté. De plus, la subsistance de l’âme séparée est claire dans la pratique de l’Eglise, qui adresse des prières aux âmes des bienheureux (11) ».
Ainsi, depuis l’Eglise ancienne – surtout à la suite de Saint Augustin – les Eglises traditionnelles affirment que la perspective de l’immortalité de l’âme n’est pas incompatible avec la résurrection des morts, avec un bémol cependant pour les réformateurs qui privilégient la résurrection.
Ce n’est seulement qu’à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle que l’on commence à revenir à des conceptions de l’au-delà éloignées de la philosophie grecque et plus en phase avec l’espérance biblique de la résurrection. Peu à peu, une autre théorie eschatologique se propage sous l'influence de quelques théologiens évangéliques – suivis par plusieurs théologiens catholiques (12) – qui pensent que l’homme meurt tout entier, corps et âme, la résurrection à la fin des temps étant conçue comme une nouvelle création à partir du néant.
Pour André Dartigues (qui a enseigné durant 35 ans à la faculté de philosophie de l’Institut catholique de Toulouse), ce sont « le renouveau des études bibliques et les questions posées par un nouveau contexte scientifique et culturel » qui ont conduit la théologie contemporaine à opter pour la résurrection des morts plutôt que l’immortalité de l’âme. Tout en appuyant les observations précédentes, cet auteur écrit notamment : « En réaction contre une eschatologie qui estompait la foi en la résurrection au profit d’une argumentation philosophique en faveur de l’immortalité, de nombreux théologiens réformés, sous le signe d’un retour à Luther, récusent qu’on puisse trouver dans l’homme un quelconque résidu spirituel ou corporel qui assurerait la transition entre vie terrestre et vie ressuscitée. La mort apparaît alors comme anéantissement total et la résurrection comme nouvelle création ex nihilo. […] Les théologiens catholiques s’accordent pour mettre eux aussi l’accent sur un retour nécessaire à une thématique biblique qui, sous le chiffre de la résurrection, donne la primauté à l’action divine (13). »
Mais « l’espace vide » entre la mort et la parousie se révélant embarrassant pour certains chrétiens dans la mesure où la continuité existentielle entre l’homme qui disparaît totalement à la mort et celui qui ressuscitera ne serait plus assurée, on élabore alors un nouvelle théorie (14) qui affirme la résurrection… aussitôt après la mort ! Un schéma eschatologique ne s’accordant pas, en revanche, avec le Nouveau Testament qui spécifie que la résurrection est en lien avec le retour du Christ et aucunement avec la mort de l’homme.
A présent, comme en témoigne L’Encyclopédie catholique pour tous, l’Eglise, à propos de la notion d’âme, semble avoir du mal à répondre aux critiques de la pensée moderne : « Il est évident que l’histoire de la conception de l’âme explique les difficultés que rencontre aujourd’hui l’Eglise pour en parler (15). »
Trouve-t-on cette notion dans les Ecritures ?
En réalité, celles-ci nous apprennent – non sans étonnement peut-être – que Satan lui-même, en affirmant : « Non, vous ne mourrez pas, […] vous serez comme des dieux » (Genèse 3.4-5, TOB), aurait été le premier à introduire ce concept d’immortalité humaine… faisant ainsi mentir Dieu qui avait dit au premier homme : « Tu mourras » (Genèse 2.17).
Cela dit, le mot hébreu nèphèsh dans l’Ancien Testament et le mot grec correspondant psychè dans le Nouveau Testament, souvent rendus par « âme », peuvent exprimer en fait divers sens mais très fréquemment signifient l’être entier et non seulement une « division » de celui-ci. C’est ce qu’affirme d’ailleurs L’Encyclopédie catholique pour tous : « La Bible ne distingue pas clairement en l’homme le corps et l’âme, division qui trouve son origine dans la philosophie grecque. […] L’homme selon la Bible est un tout (16). »
D’autre part, dans les Ecritures, quel que soit le sens donné au mot « âme », il s’avère que celui-ci est toujours dépourvu de l’idée d’immortalité. Qu’on l’accepte ou non, nous devons nous rendre à l’évidence : les Ecritures n’emploient jamais l’expression « immortalité de l’âme » ! Si les mots « âme » et « esprit » y apparaissent plus de 1600 fois (17), dans aucun cas, ceux-ci sont qualifiés par l’adjectif « immortel(le) ». Par définition, Dieu seul possède l’immortalité : « le Seigneur des seigneurs, qui seul possède l’immortalité » (1 Timothée 6.16). Contrairement à lui, tous les hommes sont donc sujets à la mort.
La Bible nous affirme aussi que dans le séjour des morts (lieu désigné dans l’Ancien Testament par le mot hébreu shéol et dans le Nouveau Testament par le mot grec hades), les morts « ne savent rien » et « n’espèrent plus » : « Les vivants savent au moins qu’ils mourront, mais les morts ne savent rien du tout. Il n’y a plus pour eux de salaire, puisque leur souvenir est oublié. […] Tout ce que ta main trouve à faire, fais-le tant que tu en as la force, car il n’y a ni œuvre, ni réflexion, ni savoir, ni sagesse dans le shéol où tu t’en vas » (Ecclésiaste 9.5, 10, La Bible de Jérusalem) ; « Car dans la mort, nul souvenir de toi : dans le shéol, qui te louerait ? » (Psaume 6.6, La Bible de Jérusalem) ; « Ce n’est pas le séjour des morts qui te loue, ce n’est pas la mort qui te célèbre ; ceux qui sont descendus dans la fosse n’espèrent plus en ta fidélité » (Esaïe 38.18).
Dans le Nouveau Testament, Jésus considère la mort comme un sommeil… tout simplement ! Nous trouvons cette affirmation entre autres (une cinquantaine de versets dans le N. T. évoquent le sommeil de la mort) dans le récit de la mort et de la résurrection de Lazare : « Après ces paroles, il leur dit : Lazare, notre ami, dort ; mais je vais le réveiller. Les disciples lui dirent : Seigneur, s’il dort, il sera guéri. Jésus avait parlé de sa mort, mais ils crurent qu’il parlait de l’assoupissement du sommeil. Alors Jésus leur dit ouvertement : Lazare est mort » (Jean 11.11-14).
Selon ces textes, les morts sont totalement inconscients et ne peuvent donc communiquer, les Ecritures ne nous laissent aucun doute à ce sujet. Notons par ailleurs que les prières en faveur des morts tout comme l’intercession des morts en faveur des vivants ne reposent sur aucune base biblique… si ce n’est le deuxième livre des Maccabées (2 M 12.45), livre totalement ignoré par le Christ, qui ne fait pas partie des livres canoniques juifs !
En outre, il convient de rappeler que Dieu – confirmant la réalité de la mort – réprouve tous ceux qui tentent de communiquer avec les morts : « Ne vous tournez point vers ceux qui évoquent les esprits, ni vers les devins ; ne les recherchez point, de peur de vous souiller avec eux » (Lévitique 19.31) ; « Si quelqu’un s’adresse aux morts et aux esprits, pour se prostituer à eux, je tournerai ma face contre cet homme, je le retrancherai du milieu de son peuple. […] Si un homme ou une femme ont en eux l’esprit d’un mort ou un esprit de divination, ils seront punis de mort » (Lévitique 20.6, 27).
Si l’on se réfère à la Bible, on comprend que les morts ne doivent pas être impliqués dans les phénomènes spirites. N’oublions pas que cette dernière parle de l’existence des bons mais aussi des mauvais esprits (les anges déchus ou les démons qui peuvent, en effet, communiquer avec les moyens dont ils disposent) !
Les Ecritures enseignent la résurrection
« Si la Bible nous enlève [comme le remarque avec perspicacité le théologien Alfred Vaucher] les fausses consolations de la survivance consciente et du surnaturel spirite, elle nous donne la consolation véritable : celle de la résurrection. La consolation que la Bible offre aux affligés, ce n’est pas l’indestructibilité du moi, c’est le réveil de l’être tout entier (18). » Ainsi, pour Jésus, la mort n’est qu’un sommeil… que seul le réveil de la résurrection viendra interrompre. Cette résurrection qui aura lieu à son retour est véritablement l’une des principales bases de la foi chrétienne.
Rappelons que dans sa première lettre aux Corinthiens, l’apôtre Paul réagit vigoureusement devant ceux qui doutent de l’authenticité de la résurrection : « Nous prêchons donc que le Christ est revenu d'entre les morts : comment alors quelques-uns d'entre vous peuvent-ils dire que les morts ne se relèveront pas ? Si tel est le cas, le Christ n'est pas non plus ressuscité ; et si le Christ n'est pas ressuscité, nous n'avons rien à prêcher et vous n'avez rien à croire. De plus, il se trouve que nous sommes de faux témoins de Dieu puisque nous avons certifié qu'il a ressuscité le Christ ; or, il ne l'a pas fait, s'il est vrai que les morts ne ressuscitent pas. Car si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n'est pas ressuscité. Et si le Christ n'est pas ressuscité, votre foi est une illusion […] Si nous avons mis notre espérance dans le Christ uniquement pour cette vie, alors nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes » (1 Corinthiens 15.12-19, BFC).
Et Paul de poursuivre dans une autre de ses lettres : « Le Seigneur lui-même, à un signal donné, à la voix d’un archange et au son de la trompette de Dieu, descendra du ciel, et les morts en Christ ressusciteront d’abord » (1 Thessaloniciens 4.16).
Ainsi, c’est seulement à la seconde venue de Jésus que ceux qui ont choisi de marcher avec Dieu durant leur existence terrestre – après, c’est trop tard – recevront l’immortalité et que commencera vraiment pour eux la vie éternelle promise. C’est ce que précise Paul lorsqu’il aborde, à la fin de sa première épître aux Corinthiens, la question de l’état des ressuscités : « Car il faut que ce corps corruptible revête l’incorruptibilité, et que ce corps mortel revête l’immortalité. Lorsque ce corps corruptible aura revêtu l’incorruptibilité, et que ce corps mortel aura revêtu l’immortalité, alors s’accomplira la parole » (1 Corinthiens 15.53-54). Remarquons qu’il s’agit là du seul passage des Ecritures où l’immortalité est attribuée à l’homme, plus précisément au corps ressuscité et, selon la pensée paulinienne, à l’être humain dans son unité.
Par contre, dans cette compréhension de l’eschatologie biblique (non influencée par l'hellénisme), on objecte parfois en effet que la continuité de l'identité personnelle au-delà de la mort ne pourrait être sauvée par Dieu ! Mais, en retournant à la poussière d’où il est venu, l’homme mortel peut avoir l’assurance que l’essence de sa personnalité sera – jusqu’à sa résurrection – sauvegardée dans la mémoire divine.
C’est ce qu’explique avec conviction le pasteur José Elysée : « Dieu nous porte d’une manière particulière. Il tient en sa possession notre essence ; notre identité est dans ses mains. Et grâce à cela, nous avons l’espérance de la vie éternelle. [...] Dieu a mis au point un plan pour que chaque enfant de Dieu, quoiqu’il puisse arriver à son corps, puisse être préservé et recréé en tant qu’entité individuelle. Dieu possède un moyen de préserver l’information vitale. [...] Comment est-ce possible ? Parce que Dieu a une capacité infinie de stocker l’information. Il possède suffisamment de mémoire, suffisamment de méga-bites pour remplir l’univers tout entier. Il est celui qui a conçu notre pensée à l’origine, il est l’auteur du miracle de notre personnalité unique. Et il est Celui qui peut la préserver même au-delà de la tombe (19). »
Une entière certitude que nous apporte surtout le prophète Esaïe, qui est convaincu que Dieu est incapable d’oublier ses enfants… car il a « gravé » leur nom sur ses « mains » (Esaïe 49.16) ! Enfin, dans le même ordre d’idée, soulignons que Jésus-Christ – qui affirme être un « bon berger » – déclare connaître parfaitement chacune de ses « brebis » (Jean 10.14) et les « appelle par leur nom » (Jean 10.3).
Vers une remise en question de la conception traditionnelle du statut des âmes entre la mort et la résurrection ?
On ne peut aborder la question de l’immortalité de l’âme à la lumière de l’Ecriture sans prendre le risque d’entrer dans le champ de la controverse. Mais, faisant preuve d’une indépendance de pensée courageuse, de nombreux auteurs l’ont fait. Citons-en quelques-uns parmi les plus significatifs.
Tout d'abord, voici ce qu'écrit à ce propos l’ancien professeur d’Université Oscar Cullmann (il a enseigné à Paris et à Bâle) : « Posez à un chrétien, protestant ou catholique, intellectuel ou non, la question suivante : qu'enseigne le Nouveau Testament sur le sort individuel de l'homme après la mort, à très peu d'exceptions près vous aurez toujours la même réponse : l'immortalité de l'âme. Et pourtant cette opinion, quelque répandue qu'elle soit, est un des plus graves malentendus concernant le christianisme. Il est inutile de vouloir passer ce fait sous silence ou de le voiler par des interprétations arbitraires qui font violence au texte. […] La réponse à la question que nous avons posée : immortalité de l'âme ou résurrection des morts dans le Nouveau Testament, sera claire. La doctrine du grand Socrate, du grand Platon est incompatible avec l'enseignement du Nouveau Testament (20). »
Pour sa part, l’autre théologien, écrivain (il a écrit plus de 40 livres) et ex-professeur bien connu (Université de Bordeaux), Jacques Ellul, affirme qu’ « il y a eu une contamination par la pensée grecque, concernant l’immortalité de l’âme. Dans la pensée juive, la mort est totale. Juive ou chrétienne, de toute façon, puisque les deux Testaments de la Bible ne s’opposent pas du tout. Il n’y a pas d’âme immortelle. Il n’y a pas de division entre le corps et l’âme. Il n’y a, à la mort, aucune séparation entre ces deux choses. L’âme est mortelle, parce que le corps l’est. Mais il y a résurrection. [...] Or la philosophie grecque va faire pénétrer cette notion d’âme immortelle chez les théologiens. Puis, comme c’était une croyance répandue dans les religions populaires, elle va être intégrée au christianisme. Mais c’est une perversion totale par rapport à la pensée biblique (21) » !
Roland Meyer, chercheur et conférencier, ne tient pas un autre langage : « Nulle part la Bible ne décrit l’homme, ou une “partie“ de celui-ci, comme immortel. […] La notion d’immortalité de l’âme n’est pas biblique. Il faut donc chercher ailleurs cette origine et en particulier chez Platon (22). »
Le professeur Charles Wackenheim abonde dans le même sens : « Les Hébreux ignorent le culte des morts compris au sens des Egyptiens. [...] Dans la perspective de la Bible, on ne peut pas envisager une doctrine de l’immortalité de l’âme, tout simplement parce que l’homme biblique n’est pas doté d’une âme immortelle telle que Platon l’avait conçue (23). »
Le pasteur Roger Mehl qui a été professeur à la Faculté de Théologie protestante de l’Université de Strasbourg est peut-être le plus catégorique : « L’âme [écrit-il] n’est pas un îlot de divinité qui se trouverait enfermé dans un corps mortel. L’âme participe au sort de la personne tout entière. […] C’est donc la mortalité de l’âme que le christianisme enseigne. La rupture avec la philosophie est ici éclatante (24). »
Cédons maintenant la parole au théologien Philippe-Henri Menoud : « L’idée de l’immortalité de l’âme et la foi en la résurrection des morts ne sont pas deux affirmations plus ou moins équivalentes […] Ce sont, au contraire, deux conceptions situées sur deux plans totalement différents et entre lesquelles il faut choisir. L’espérance chrétienne n’a pas son point d’appui dans la croyance en l’immortalité de l’âme humaine. Le Nouveau Testament ne fait pas la moindre allusion à cette théorie. [Ce dernier] n’enseigne pas, à la manière de la philosophie grecque, l’immortalité naturelle de l’âme humaine, comme s’il suffisait d’être délivré du corps pour vivre éternellement (25). »
Quant à Roland de Pury, le célèbre pasteur évangélique suisse, il voit dans le « dogme païen (platonicien ou stoïcien) de l’immortalité de l’âme », une « solution humaine devenue pour beaucoup la solution chrétienne » et qui « tend insidieusement à se confondre avec la promesse de l’Evangile. Les ravages que ce dogme a faits dans la prédication chrétienne sont incalculables et bouleversants, car il finit par être le fondement de la plupart de nos discours funéraires. Quelle ironie dans le fait que le peuple qui fut de tous le plus attaché à cette croyance, et qui nous en a laissé les témoignages les plus émouvants, soit le peuple d’Egypte, celui sur lequel la Bible fait peser la malédiction de Dieu ! [Esaïe 19, Jérémie 46] Alors que la Bible elle-même, sur quoi doit reposer notre prédication, ne contient nulle part la moindre trace d’une croyance à l’immortalité de l’âme (26) ».
De son côté, Christian Delorme, prêtre à Lyon, écrit dans l'historique Pèlerin : « Avec vous, je peux interroger les données bibliques. J'y trouve ainsi deux grands courants. Pour l'un, conforme à la mentalité sémitique, il n'y a pas de distinction possible entre l'âme et le corps. A la mort, c'est l'homme tout entier qui disparaît, en attendant le jour où il sera relevé par Dieu d'entre les morts. Mais il y a aussi un autre courant, certainement influencé par la pensée de Platon, qui admet dans l'homme la présence d'une âme immortelle, distincte de son corps mortel (27). »
Citons également l’éminent théologien dominicain, Louis Dingemans, (celui-ci a notamment enseigné la sociologie à Rome et participé, pendant le Concile Vatican II, à la rédaction de la Constitution pastorale Gaudium et Spes) : « J’ai beau scruter les Ecritures, je n’y trouve pas trace d’une âme immortelle, aucune confirmation de cette définition de l’homme donnée par le petit catéchisme de Malines de mon enfance : “L’homme est une créature de Dieu, composé d’un corps mortel et d’une âme immortelle”. Par contre, je trouve dans le Symbole des Apôtres cette affirmation : “Je crois en la résurrection de la chair”. En fait, la théologie hébraïque ne faisait aucune allusion à la séparation de la chair et de l’esprit, tout en sachant bien que nous vivions concrètement des tensions entre les aspirations de notre esprit et la pesanteur de notre corps. Mais l’anthropologie juive n’était pas du tout dualiste (28). »
Et Louis Dingemans de poursuivre : « D’où vient donc cette âme immortelle ? Ce thème a pénétré la pensée chrétienne sous l’influence de l’anthropologie dualiste des philosophes grecs, principalement de Platon. Il ne pouvait pas imaginer que l’esprit humain capable d’abstraction puisse périr en même temps que le corps dont il était en quelque sorte prisonnier. Même si d’autres philosophes comme Aristote associent davantage le corps et l’esprit, ils restent dans la lignée platonicienne. Cette dernière n’est pas seulement étrangère à la pensée hébraïque, mais elle l’est aussi à la science moderne. [...] Notre cerveau est plus qu’un ordinateur incroyablement perfectionné. Mais cependant, l’idée d’une âme ou d’un esprit séparé du corps et fonctionnant indépendamment de lui est devenue totalement étrangère à la pensée scientifique. Je crois donc à la résurrection de la chair, c’est-à-dire de l’homme tout entier et non pas à une survie naturelle d’une âme immortelle. Les théologiens imprégnés du dualisme grec ont d’ailleurs dû se livrer à d’étranges contorsions en distinguant deux jugements de Dieu : en premier lieu le jugement particulier de chaque âme immortelle aussitôt après la mort du corps et en second lieu le jugement dernier où le corps ressuscité vient rejoindre l’âme. [...] Je n’ai pas d’âme immortelle, et la résurrection que j’espère n’est pas un fruit de ma nature. Elle est pur don gratuit de Dieu et c’est en cette infinité de sa bonté que je mets ma confiance (29). »
En fait, « tous les théologiens sont d’accord (pour une fois), [observe Richard Lehmann, docteur ès sciences religieuses] pour reconnaître que la croyance selon laquelle l’homme serait formé d’un corps mortel et d’une âme immortelle n’est pas biblique, mais qu’elle relève de la philosophie platonicienne qui s’est infiltrée dans la pensée chrétienne dès les premiers siècles et que Saint Augustin a systématisée. […] Si l’âme est immortelle et se réincarne ou s’envole au paradis ou en enfer, la foi en la résurrection des morts n’a aucun sens, celle de Jésus non plus, et l’espérance chrétienne n’est qu’une utopie. Le jugement dernier ne serait qu’une parodie dans la mesure où, dès la mort, le destin de l’âme est fixé (30) ».
Enfin, il serait injuste de ne pas citer Pierre Rabischong – professeur émérite et doyen honoraire de la faculté de Médecine de Montpellier, vice-président de l’Académie mondiale des technologies biomédicales à l’UNESCO – qui tente dans un ouvrage scientifique très sérieux de répondre à la question des origines de l’homme et de son devenir après la mort : « Tout être vivant va à la mort, qui est la fin du fonctionnement des cellules et des organes, avec une extinction irréversible de l’esprit, lié de façon directe et totale avec le cerveau. La survie de la mort est dans la mémoire des vivants. Aucun phénomène spirituel ne peut exister par lui-même sans un système neuronal, qui l’identifie comme tel. […] Les grandes religions monothéistes parlent d’une autre vie après la mort […] Le fait, qu’on puisse, ce qui est toléré par certaines religions, incinérer le corps après la mort le réduisant en cendre, impose d’imaginer une constante de l’individu, qui permettrait, après une période de néant d’une longueur inconnue, sa survie complète, c’est-à-dire consciente. Or il n’y a pas conscience sans cerveau et on peut, à titre d’hypothèse, considérer que la confusion introduite par les philosophes grecs entre l’esprit et l’âme devrait être modifiée profondément en donnant à l’âme une signification différente. L’esprit est un concept biologique. L’âme ne l’est pas. S’il doit y avoir une résurrection, qui en fait devra être une “re-création” d’un corps différent, puisque l’autre aura réellement disparu, il faudra un équivalent de cerveau, pour nous redonner la conscience d’être et de comprendre […] L’âme pourrait donc être une carte d’identité de l’individu unique, que nous sommes tous, une sorte de carte à mémoire faite avec une “puce divine” qui nous inscrirait définitivement dans le code du Constructeur (31). »
Conclusion
L’immortalité de l’âme est une pensée qui remonte à des millénaires, un prétexte pour nier la mort en même temps qu’une thèse rassurante – quoique incertaine et non vérifiable – répondant (imparfaitement) à l’angoisse de l’au-delà mystérieux. Depuis longtemps, une idée considérée généralement comme irréfutable fortement ancrée dans la plupart des croyances… bien que paraissant difficilement compatible avec le message limpide de la résurrection révélé dans la Bible !
Mais, curieusement, depuis la deuxième moitié du XIXe siècle, on observe une tendance à un retour à des conceptions de l’au-delà plus en rapport avec l’espérance biblique de la résurrection. Particulièrement en ce début de XXIe siècle, force est de constater que de plus en plus de personnes (32) – conscientes que la sagesse humaine n’est pas un guide suffisant et persuadées qu’elles ont encore beaucoup à apprendre de la Bible – sont prêtes pour progresser vers la vérité à renoncer à faire aveuglément confiance à certaines idées reçues, même lorsque celles-ci ont traversé les millénaires.
Claude Bouchot
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1. Alexis Carrel, cité par Martino Tomasi, La mort et la résurrection, le ciel et l’enfer, Dammarie-lès-Lys : Vie et Santé, 1985, p. 61.
2. Rappelons que le texte des Ecritures associe la résurrection des morts au retour de Jésus, mais aussi au commencement de l’éternité, cette apothéose promise au terme de notre vie terrestre. Trois notions étroitement liées qui expliquent l’espérance chrétienne.
3. Sondage TNS Sofres/Logica publié jeudi 9 avril 2009 par l'hebdomadaire Pèlerin et repris par le journal La Croix à la même date dans un article de Nicolas Senèze intitulé « Seul un Français sur dix croit en la résurrection ».
4. Ibid.
5. Catéchisme de l’Eglise catholique, Paris : Mame / Plon, 1992, p. 84.
6. Jean-Dominique O. P., « La réincarnation », Le Sel de la Terre (Revue trimestrielle des Dominicains d'Avrillé), n° 11, Hiver 1994-95, p. 47.
7. Platon, Phédon, Tome IV, 1e partie, Traduction par Léon Robin, Paris : Les Belles Lettres, 1941.
8. Anonyme, Biographie de Saint Thomas d’Aquin, [En ligne] http://classes.bnf.fr/dossitsm/b-thomaa.htm, (consulté en avril 2013).
9. Cf. Catéchisme de l’Eglise catholique, op. cit., p. 84.
10. Charles Gerber, Les sentiers de la foi, Dammarie-lès-Lys : S.D.T., 1981, p. 240.
11. Commission théologique internationale, Quelques questions actuelles concernant l’eschatologie, document publié en 1992 avec l’autorisation du cardinal Joseph Ratzinger, président de la Commission, [En ligne] http://www.vatican.va/, (consulté en avril 2013).
12. Notons qu’après avoir examiné cette nouvelle tendance, « le Saint-Siège, par une lettre adressée à tous les évêques, la jugea non conforme au légitime pluralisme théologique » (Ibid.).
13. André Dartigues, « Résurrection des morts », Dictionnaire critique de théologie, Paris : Quadrige / PUF, 2007, p. 1208.
14. Commission théologique internationale, op. cit.
15. Théo, l’Encyclopédie catholique pour tous, Paris : Droguet-Ardant / Fayard, 1992, p. 720.
16. Ibid. p. 718, 720.
17. Roland Meyer, Le retour à la vie, Dammarie-lès-Lys : Vie et Santé, 1997, p. 45.
18. Alfred Vaucher, cité par Charles Gerber, op. cit., p. 245.
19. José Elysée, Sauvegardez votre mémoire, Message présenté le 4-11-2007, Site « Il est écrit », [En ligne] http://www.ilestecrit.tv/, (consulté en octobre 2008).
20. Oscar Cullmann, Immortalité de l'âme ou résurrection des morts ? - Le témoignage du Nouveau Testament, Neuchâtel - Paris : Delachaux & Niestlé, 1956.
21. Jacques Ellul, interviewé par le journal SDT, 1985, n° 503.
22. Roland Meyer, op. cit., p. 44-45.
23. Charles Wackenheim, Immortalité de l'âme ou résurrection des morts ?, Conférence à l’Université du 3e Age, Année 85-86, Cycle Théologie, Strasbourg.
24. Roger Mehl, Notre Vie et notre Mort, Paris : Société centrale d’évangélisation, 1953, p. 56.
25. Philippe-Henri Menoud, Le sort des trépassés d’après le Nouveau Testament, Neuchâtel - Paris : Delachaux & Niestlé, 1945.
26. Roland de Pury, Présence de l’Eternité, Neuchâtel - Paris : Delachaux & Niestlé, 1946, p. 150-151.
27. Christian Delorme, « L'âme et le corps », Pèlerin, 18 mai 2006, n° 6442, p. 12.
28. Louis Dingemans, La résurrection sans âme immortelle, Site des dominicains de Belgique - Sud, [En ligne] http://www.predication.org, (consulté en novembre 2007, extrait reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur donnée de son vivant).
29. Ibid.
30. Richard Lehmann, « La nature de l’homme et la résurrection », Spes Christiana, Vol. 21, Theologische Hochschule Friedensau, 2010, p. 68-70.
31. Pierre Rabischong, Le programme Homme, Paris : PUF, 2003, p. 262, 327-328 passim.
32. On constate en effet depuis quelques années – notamment dans les milieux protestants – un nouvel intérêt pour ces conceptions alternatives concernant l’au-delà.
Bouquet philosophique