|
Cardinal Hollerich: «Certains prêtres vivent mal leur célibat»
Publié19. février 2024, 10:00
Cardinal Hollerich:
«Certains prêtres vivent mal leur célibat»
LUXEMBOURG - La situation de l'Église au Luxembourg, ses rapports avec le souverain pontife et même la politique locale, le cardinal Jean-Claude Hollerich, proche du pape François, se confie à L'essentiel dans une interview exclusive.
Thomas Holzer
par
Thomas Holzer
Mgr Jean-Claude Hollerich, 65 ans, est archevêque de Luxembourg depuis 2011.
Mgr Jean-Claude Hollerich, 65 ans, est archevêque de Luxembourg depuis 2011.
AFP
L'essentiel: Comment l'Église catholique s'est-elle adaptée à la «séparation en douceur» avec l'État, il y a bientôt dix ans?
Mgr Jean-Claude Hollerich, cardinal: Je suis très content qu'on ait fait ce pas, car l'Église ne peut plus avoir les privilèges d'antan dans la société pluraliste qu'est devenu le Luxembourg. Cela dit, plusieurs choses nous font mal comme les loyers pour les églises, mais surtout la fin des cours de religion à l'école. Il n'y a plus aucune instruction religieuse - il faut différencier les deux - et nos enfants sont en train de devenir incultes en la matière. Or, il faut connaître les religions pour comprendre le monde de demain.
Quelle est la dynamique de l'Église?
Le nombre de fidèles a diminué après le Covid, car ceux que j'appelle «les chrétiens de rite» ne sont pas revenus. L'Église luxembourgeoise est une église vieillissante, mais nous gagnons en catholiques non luxembourgeois, ce qui correspond à la dynamique du pays. Son visage change. Je ne sais pas si tout le monde l'a compris...
Vous figurez parmi les proches conseillers du pape François. Comment va-t-il?
Je pense qu'il va bien pour un homme de 87 ans. Il fatigue un peu plus vite, mais il est plein de dynamisme. Il ne renoncera pas tant qu'il est en capacité. Mon rôle auprès de lui? Nous nous voyons quatre à cinq fois par an pour des réunions de trois jours. C'est très intensif.
Le pape subit des critiques des conservateurs à l'intérieur de l'Église, notamment sur son approbation de la bénédiction des couples homosexuels...
Je suis absolument sur la même ligne que le pape. On refuserait la bénédiction à un couple d'homosexuels parce que «pécheurs» et on bénirait un entrepreneur qui va investir contre l'humanité? C'est hypocrite. Le pape se considère comme «pécheur» et moi aussi. Condamner les péchés des autres sans regarder les siens, le pape n'aime pas. Il ajoute: "Pourquoi ne s'intéresser qu'à la morale en dessous de la ceinture?"
AFP
L'Église doit-elle évoluer sur la question des mœurs?
Notre changement d'époque est phénoménal et l'Église doit être comprise par les gens. Beaucoup d'évêques se posent la question du mariage des prêtres par exemple...
Et vous?
Oui, je me pose la question. Certains vivent mal leur célibat. Leur donner le choix permettrait d'avoir quelques personnes de plus prêtes au sacerdoce. En Europe, ce «quelques-uns» peut faire la différence.
Plusieurs pays voisins dont l'Allemagne ont réalisé un grand travail d'analyse sur les enfants victimes d'abus sexuels. Et le Luxembourg?
J'ai fait observer toutes les archives par mes collaborateurs, mais nous n'avons pas trouvé grand-chose. Aussi parce qu'elles sont minces et que nous n'avons pas les moyens de réaliser des études d'aussi grande ampleur. Je pense que le Luxembourg a fait son devoir en la matière. Ce qui est certain, c'est que nous sommes très forts en prévention. Un candidat à la prêtrise doit participer à huit sessions d'analyse psychologique. S'il a une tendance pédophile, il ne sera pas ordonné.
Avez-vous rencontré le nouveau Premier ministre Luc Frieden?
Pas depuis sa prise de fonction, mais c'est un homme que j'apprécie, doté d'une grande intelligence. J'avais aussi une très bonne relation avec M. Bettel. Mais je ne me mêle pas de politique.
Le débat sur la mendicité vous a-t-il inspiré une opinion, tout de même?
Oui, et je pense que l'interdiction n'était pas justifiée. Je comprends très bien que l'on veuille faire quelques chose contre la mendicité organisée avec des bus qui arrivent de France tous les matins, jusqu'à chasser les mendiants historiques. Mais il faut comprendre les gens qui dorment dans la rue, et les aider quand même. Le Luxembourg est tout de même un pays riche, avec des problèmes de riches.
Le cardinal Hollerich pape, c'est possible?
Non, non, non. Je devrais changer mon vocabulaire (rires). Je suis au service du pape, à qui je dois obéissance. Il est là, je ne vais pas penser à le remplacer. Et il existe des hommes beaucoup plus qualifiés