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https://www.lemonde.fr/archives/article/1981/10/09/l-invention-du-purgatoire_2710099_1819218.html
L'INVENTION DU PURGATOIRE
• Une révolution théologique ressuscitée par Jacques Le Goff.
Par EMMANUEL TODD.
Publié le 09 octobre 1981 à 00h00, modifié le 09 octobre 1981 à 00h00
Temps de Lecture 5 min.
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Chaque génération de chrétiens vit avec l'illusion que le catholicisme est une doctrine ferme, ancrée pour l'éternité. En réalité, cette religion est l'une des plus plastiques qu'ait jamais élaborées l'humanité. Elle a varié dans le temps plus fondamentalement que bien des systèmes de type syncrétiste, antique ou hindou. Le protestantisme est une scission. Mais le catholicisme proprement dit a subi dans le courant des siècles des transformations, des déformations capitales.
Une mutation définitive
Dans un livre remarquable, Dieu ou le Christ, étude psychosociologique inspirée des méthodes de Gabriel Tarde, Jean Milet, professeur à l'Institut catholique de Paris, soulignait bien l'un des fondements doctrinaux de l'instabilité structurelle du catholicisme (1). Monothéiste, mais refusant d'accorder une primauté absolue à Dieu le Père ou au Christ, la religion chrétienne a été condamnée, depuis l'origine, à osciller perpétuellement entre une conception " théocentriste " mettant l'accent sur un dieu transcendantal et une représentation " christocentrée " insistant sur la présence de Dieu parmi les hommes. Chacune des étapes traversées par l'Eglise peut être caractérisée par sa position à l'intérieur de ce système bipolaire. Ainsi, le protestantisme peut-il être considéré comme un déséquilibre menant à une conception presque complètement théocentrique du rapport au divin (à la manière du judaïsme).
C'est une mutation définitive plus qu'une oscillation qu'analyse Jacques Le Goff dans la Naissance du purgatoire, livre érudit, touffu, mais qui sait fort bien où il va. Le christianisme originel ignore le concept de purgatoire, troisième lieu entre l'enfer et le paradis, spécialisé dans le traitement du péché véniel. Avant le douzième siècle, les penseurs et les théologiens du monde occidental emploient parfois le terme dans sa forme adjective, dans l'expression " feu purgatoire ", par exemple. Mais, au douzième siècle, le substantif, évocateur d'une spatialisation, amorce d'une géographie plus précise de l'au-delà, se répand : d'abord chez les clercs, spécialistes de l'art scholastique, puis dans les sphères élevées de la hiérarchie chrétienne, et il est finalement considéré, vers le milieu du treizième siècle, comme un article du dogme par la papauté.