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[size=42]L’Hadès céleste: histoire du purgatoire dans l’Antiquité. Kaïnon – Présence de la philosophie ancienne, 1
Adrian Mihai, L'Hadès céleste: histoire du purgatoire dans l'Antiquité. Kaïnon – Présence de la philosophie ancienne, 1. Paris: Classiques Garnier, 2015. 469. ISBN 9782812433962. €49.00 (pb).
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Review by
François Doyon, Cégep de Saint-Jérôme. [email=fdoyon%20@cstj.qc.ca]fdoyon @cstj.qc.ca[/email]
Table des matières
Cet ouvrage met au jour, dans près d’un millénaire d’histoire de la pensée païenne, l’existence d’un lieu purgatoire, lieu intermédiaire de purification des âmes situé entre le monde physique et le monde métaphysique. C’est une magistrale remise en question de la thèse de Jacques Le Goff, selon laquelle le purgatoire est une invention du XII e siècle. La première partie de l’ouvrage expose la doctrine du purgatoire dans l’ancienne Académie et dans le stoïcisme, où l’auteur traite l’influence de l’ Épinomis et de la controverse sur l’existence d’une l’eschatologie luni-solaire chez Posidonius d’Apamée. La deuxième partie de l’étude se penche sur différentes conceptions de l’Hadès céleste, qui est au départ conçu comme atmosphérique et qui finit par devenir planétaire. Les doctrines sur le purgatoire de Plutarque, de Virgile, Cicéron, du gnosticisme et de l’hermétisme sont abordées dans le détail. Enfin la troisième partie montre que chez les néoplatoniciens, le purgatoire retrouve sa localisation d’origine; les entrailles de la Terre. On trouve en annexes une anthologie de témoignages ponctuels sur l’Hadès céleste ainsi qu’une traduction et un commentaire du In Meteor de Philopon.
L’auteur défend la thèse selon laquelle dans l’Antiquité, le problème du sort de l’âme désincarné est toujours pensé en fonction de la radicale séparation physique et ontologique entre le monde supralunaire et le monde sublunaire ainsi qu’en fonction de l’importance croissante de la médiation entre ces deux régions cosmiques. Pour démontrer sa thèse, l’auteur s’attache à interpréter les variations de la notion d’Hadès céleste au cours du temps, en retraçant les motivations successives qu’on trouve chez les penseurs dans l’élaboration de cet espace purgatoire qui a été jusque là interprété fautivement comme un espace homogène à l’abri de toute évolution notable. La démonstration de l’auteur prend la forme d’une présentation entièrement consacrée au sujet de l’Hadès céleste et à son évolution durant toute l’Antiquité, la première, à notre connaissance.
Dans la littérature homérique, l’Hadès est un lieu souterrain, le lieu physique du séjour des âmes après la mort du corps. La transformation de la religion traditionnelle sous l’influence de la critique philosophique et de l’interprétation dualiste des dialogues platoniciens a fait évoluer la conception antique de l’Hadès qui a cessé d’être pour tous les penseurs un lieu terrestre ou infra-terrestre. L’Hadès est devenu céleste (mais il redeviendra chthonien chez Proclus). Dans cette traversée de plus de huit siècles de philosophie et de religion antiques, l’auteur a relevé le caractère central et durable de la notion d’Hadès céleste, notion qui est habituellement considérée comme marginale et limitée aux premiers siècles de l’ère chrétienne. L’auteur montre que ce jugement doit être révisé : « la notion du dieu Hadès comme souverain du monde sublunaire est encore soutenue par les néoplatoniciens à la fin de l’Antiquité, même si le domaine du purgatoire est limité au monde chthonien traditionnel » (p. 395).
L’étude expose de façon minutieuse et détaillée les principes de la doctrine du purgatoire durant l’Antiquité. On apprend que la division cosmologique et ontologique entre le monde supralunaire et le monde sublunaire a posé le problème de la transition du monde physique vers le monde métaphysique qui correspond à ces deux régions du cosmos. Le développement de la notion de l’Hadès ouranien comme lieu intermédiaire entre le sensible et l’intelligible est la réponse à ce problème que pose cette forme de dualisme platonicien.
Il se pose alors le problème de l’emplacement précis de cet Hadès céleste. Dans le monde antique, on rencontre deux systèmes eschatologiques, donc deux modèles cosmologiques : la plus ancienne est une cosmologie à trois niveaux (la Terre, la Lune, la sphère des étoiles fixes et le Soleil) et l’autre est une cosmologie qui comporte sept niveaux, qui correspondent aux sept astres visibles dans l’Antiquité, si l’on fait abstraction des étoiles fixes. Selon l’ordre des astres adopté par chaque auteur, nous trouvons une eschatologie et un emplacement de l’Hadès ouranien différent.
L’Hadès céleste, que les chrétiens appellent purgatoire, explique l’ascension et la purification de l’âme après la mort du corps. La partie la plus pure de l’âme, l’intellect (le νοῦς), étant incorporelle, elle a besoin d’un véhicule corporel (l’ὄχημα) afin de voyager à travers les sphères planétaires avant et après son incorporation.
En fonction de leur cosmologie, les auteurs antiques ont ainsi proposé différentes localisations de l’Hadès (je reprends la synthèse de l’auteur, p. 396) :
1. un Hadès sublunaire, situé entre la terre et la Lune (Plutarque, Xénocrate, Philippe d’Oponte, Apulée, Macrobe, etc.) ;
2. un Hadès situé entre la terre et le Soleil (Héraclide du Pont, Jamblique) ;
3. un Hadès situé entre la sphère des Fixes et la Lune, le Tartare étant situé à son tour entre la Lune et la terre (les écrits hermétiques, Numénius) ;
4. un Hadès chthonien (les néoplatoniciens grecs, tels Porphyre, Proclus et Damascius).
Mais l’auteur n’a pas fait que situer l’emplacement de l’Hadès dans l’histoire de l’eschatologie antique. Il a aussi proposé une interprétation de l’Hadès comme étant un purgatoire païen. En effet, pour le néoplatonisme, l’Hadès retourne dans les creux de la terre, où sont aussi situées les prisons de rétribution. Pour Proclus, c’est un lieu souterrain réel. Le véhicule astral hypercosmique et le véhicule pneumatique planétaire accompagnent l’âme dans son exil aux creux dans les creux de la terre. L’âme est châtiée dans l’Hadès souterrain, mais les juges des âmes sont localisés dans la région lunaire. Proclus suit ici Platon qui situait dans la région lunaire la résidence des démons. « Cette tradition platonicienne nous ramène encore une fois aux premières spéculations sur le purgatoire céleste commencées dans l’ancienne Académie, et avec les néoplatoniciens de l’Antiquité tardive se ferme la boucle, le dernier mot sur le purgatoire païen retourne se perdre en son début » (p. 394).
Cette étude est fascinante, même si la notion de purgatoire peut sembler désuète, car l’auteur nous fait découvrir toute la richesse de la pensée métaphysique et cosmologique de près d’un millénaire de spéculations. Nous avons là une démonstration aussi rigoureuse qu’originale de la très grande influence de la pensée païenne sur la formation de concepts que l’on croit généralement d’origine chrétienne.
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Super l'article montre bel et bien l'origine païenne de cette doctrine.