Crise du bouddhisme en Thaïlande
Fabien Trécourt - publié le 29/01/2013
Le nombre de pratiquants est en chute libre, la faute à un clergé plus opulent qu’exemplaire.
Officiellement, la Thaïlande compte 250 000 bouddhistes, mais la réalité est toute autre. Il n’y aurait plus que 70 000 bonzes dans le royaume, environ un par village. D’après France 24, la modernisation et le développement de la société de consommation bousculent les traditions thaïlandaises. Les habitants ne se confient plus aux moines, à l’instar de la confession chrétienne qui s’est amenuisée en Europe. Les temples sont désertés, notamment dans les campagnes. Selon le Dr Sulak, Sivaraksa, spécialiste du bouddhiste thaïlandais, c’est devenu « une simple cérémonie », « exactement le contraire de ce qu’enseigne le bouddha ».
« Le clergé va à sa perte, conclut-t-il. Le bouddhisme en Thaïlande est déjà mort. » L’enrichissement des moines est en ligne de mire. Comme le montrent de nombreuses archives, le double discours de bonzes prêchant le renoncement et gagnant dix fois plus d’argent qu’un pêcheur local agace beaucoup de Thaïlandais. En 2003 déjà, un article de la Far Eastern Economic Review évoquait le problème : « le consumérisme rampant a créé un complexe d’infériorité parmi les moines, notait la revue. Beaucoup considèrent que l’argent et le pouvoir permettront de préserver leur statut dans la société moderne. »
Certains moines ont été jusqu’à assurer à leurs fidèles que le salut dans l’au-delà dépendait de l’importance des dons en liquide. Le manque de transparence financière et l’absence de toute comptabilité n’ont rien arrangé. Un bonze a été retrouvé mort avec près de trois millions de dollars en liquide, provenant vraisemblablement de son temple. Ces scandales à répétition et le tabou qui règne en Thaïlande autour de cette question écornent la réputation du bouddhisme.
La moralité des bonzes pose problème depuis longtemps, comme le montre une publication universitaire publiée à la fin des années 90 : La triple crise du bouddhisme en Thaïlande (1990-1996). Scandales financiers, frasques sexuelles, cécités des autorités… Les représentants bouddhistes ont régulièrement eu mauvaise presse. Résultat : le nombre de pratiquants est en berne depuis le début du siècle. Un article de Libération, publié la même année, titrait déjà sur « La déliquescence du bouddhisme thaïlandais : Drogue, viols, vols et meurtres ». Bref, c’est une tendance lourde. Et si les autorités ne se livrent pas à une autocritique radicale, les Thaïlandais pourraient définitivement snober les temples.
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