● La façon dont Jean 1:1 est rendu dans la Traduction du monde nouveau en anglais viole-t-elle les règles de la grammaire grecque et s’oppose-t-elle au culte d’un seul Dieu ?
La Traduction du monde nouveau en anglais rend ainsi Jean 1:1: “Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était un dieu.” Certains critiquent la traduction “un dieu” en prétendant qu’il ne faut pas mettre l’article “un” devant “dieu”. Est-ce vraiment une mauvaise traduction ?
[Pour marquer la valeur d’attribut du nom “dieu”, la Traduction du monde nouveau en langue anglaise a inséré entre le verbe “était” et le nom “dieu” l’article indéfini “un” : “La Parole était un dieu.” Cela est tout à fait conforme au génie de la langue anglaise. Notre langue, par contre, suivant en cela le grec, qui n’a pas d’article devant théos, n’impose pas l’emploi idiomatique de l’article indéfini devant l’attribut : d’où notre traduction : “La Parole était dieu” (sans article), c’est-à-dire : La Parole avait la qualité divine, elle possédait la divinité, elle était dieu (d minuscule). Notez au passage ces traductions de Jean 1:1: “Le Verbe était un être divin.” (Bible du Centenaire). “La Parole était dieu.” (Oltramare, 1879). “La Parole était d’essence divine.” (Oltramare révisée). N.D.L.T.]
La langue grecque a l’article défini ho, souvent traduit par “le” en français, mais n’a pas d’article indéfini. Ainsi, on trouve ho Khristos, “le Christ”, ho Kurios, “le Seigneur”, et ho Théos, littéralement “le Dieu”.
Dans le grec, cependant, les noms sont souvent utilisés sans article. Ainsi, dans la dernière proposition de Jean 1:1, le mot grec théos, traduit par “dieu”, n’est pas précédé de l’article défini ho. Comment les traducteurs anglais rendent-ils les noms utilisés sans article ?
Ils ajoutent souvent l’article indéfini anglais “a” (en français “un”) pour rendre comme il faut le passage. Par exemple, selon la traduction interlinéaire anglaise d’Alfred Marshall, un ecclésiastique, le texte grec littéral de la fin de Jean 9:17 se lit comme suit : “Et il dit : ‘Un prophète il est.’” Dans le grec, il n’y a pas d’article devant “prophète”. C’est pourquoi, comme bien d’autres traducteurs, Marshall a écrit “un prophète”. — Authorized Version, New American Standard Bible.
Cela ne signifie pas que chaque fois qu’un nom apparaît sans article dans le texte grec il faut y ajouter l’article indéfini en anglais. Il arrive parfois que des traducteurs ajoutent l’article défini devant le nom, parce qu’ils pensent que celui-ci est défini. Ainsi, certaines traductions écrivent dans Matthieu 27:40: “Le Fils de Dieu”, alors que dans le grec le mot “fils” n’est pas précédé de l’article défini.
Mais revenons à Jean 1:1. Marshall le traduit comme suit dans sa traduction interlinéaire en anglais : “Au [à le] commencement était la Parole, et la Parole était avec — Dieu, et Dieu était la Parole.” Comme nous l’avons noté plus haut, dans le grec le mot “Dieu” qui apparaît dans la dernière proposition du verset n’est pas précédé de l’article défini. Le Comité de la Traduction du monde nouveau en anglais a décidé d’insérer l’article indéfini “un”, afin de faire la distinction entre la Parole, c’est-à-dire Jésus Christ en tant que dieu ou personne divine doté d’un pouvoir immense, et le Dieu “avec” qui elle était, c’est-à-dire Jéhovah le Tout-Puissant. Certains hellénistes prétendent que ce faisant les traducteurs anglais ont violé une règle importante de la grammaire grecque. Pourquoi ?
Selon eux, le problème réside dans l’ordre des mots. En 1933, l’helléniste E. C. Colwell publia en anglais un article intitulé “Une règle précise sur l’utilisation de l’article dans le Nouveau Testament grec”. Il écrivait : “L’attribut défini au nominatif est précédé de l’article quand il suit le verbe ; il ne prend pas l’article quand il précède le verbe. (...) L’attribut au nominatif ne peut être traduit comme étant indéfini ou ‘qualitatif’ pour la seule raison qu’il n’est pas précédé de l’article. Si le contexte laisse entendre que ce nom attribut est défini, on doit le traduire comme un nom défini, bien qu’il ne soit pas précédé de l’article.”
Dans Jean 1:1, le nom attribut théos utilisé sans l’article défini précède le verbe ; la proposition se présente littéralement dans cet ordre : “Dieu [attribut] était [verbe] la Parole [sujet].” Concernant ce verset, Colwell tirait cette conclusion : “Le premier verset de l’Évangile selon Jean contient un des nombreux passages pour lesquels cette règle suggère de traduire l’attribut comme un nom défini.” C’est pourquoi certains biblistes affirment que la seule bonne façon de traduire la proposition en question est celle-ci : “Et la Parole était Dieu.”
Les déclarations de Colwell prouvent-elles que dans cette proposition il est faux de traduire en anglais théos par “un dieu” [“dieu” en français] ? Vous aurez noté que, selon cet helléniste, un nom attribut utilisé sans article défini doit être considéré comme défini “si le contexte [le] laisse entendre”. Dans son argumentation, Colwell ajoute un peu plus loin que dans cet ordre l’attribut est indéfini “seulement si le contexte l’exige”. Il ne dit donc nulle part que tous les noms attributs et privés de l’article défini doivent être considérés comme définis s’ils précèdent le verbe. Ce n’est donc pas une règle de grammaire inviolable, mais c’est le contexte qui doit guider le traducteur en pareil cas.
Dans les Écritures chrétiennes, on trouve de nombreux exemples de noms attributs dépourvus d’article défini qui, bien qu’étant pourtant placés devant le verbe dans le grec, ont été traduits par de nombreux traducteurs avec un article indéfini. Par exemple, voyons comment Marshall traduit les deux textes suivants : “Lui dit la femme : Seigneur, je m’aperçois qu’un prophète [attribut] es [verbe] tu [sujet].” (Jean 4:19). “Lui dit donc — Pilate : Vraiment un roi [attribut] n’es [verbe] tu [sujet] pas ? Répondit — Jésus : Tu l’as dit qu’un roi [attribut] je suis [verbe et sujet en un seul mot].” — Jean 18:37.
Vous avez sans doute remarqué les expressions “un prophète” et “un roi” (deux fois). Ce sont pourtant des noms attributs sans article qui précèdent le verbe dans le grec. Cependant, le traducteur anglais les a traduits en y ajoutant l’article indéfini “un”. On pourrait citer beaucoup d’autres exemples de ce genre. Rien que dans l’Évangile selon Jean, d’après la New English Bible, on peut citer “un diable” (6:70), “un esclave” (8:34), “un homicide (...) un menteur” (8:44), “un voleur” (10:1), “un berger” (10:13) et “un parent” (18:26.)
Alfred Marshall explique pourquoi il a ajouté l’article indéfini dans les textes cités dans les deux paragraphes précédents et dans bien d’autres : “Son utilisation en traduction est une question de jugement personnel. (...) Nous [l’]avons utilisé (...) là où il semblait nécessaire.” Évidemment, ni Colwell, cité plus haut, ni Marshall n’ont jugé son emploi nécessaire dans Jean 1:1. Mais ce n’est pas à cause d’une règle de grammaire inflexible. C’est une question de “jugement personnel”, jugement que biblistes et traducteurs ont le droit d’exprimer. Eh bien, le Comité de la Traduction du monde nouveau a été d’un autre avis et l’a montré en traduisant en anglais le nom attribut théos par “un dieu” [“dieu” en français]*.
Certains biblistes ont souligné le fait qu’en grec des noms attributs utilisés sans l’article défini et qui précèdent le verbe peuvent avoir une valeur qualitative, c’est-à-dire décrire la nature ou l’état du sujet, Voici comment certains traducteurs anglais rendent Jean 1:1: “Le Logos était divin.” (Moffatt) “La Parole était divine.” (Goodspeed). De même, en français, on trouve cette leçon : “La Parole était d’essence divine.” (Oltramare révisée).
Le fait que Jésus Christ soit “divin” ou semblable à Dieu signifie-t-il qu’il est tout-puissant et éternel comme Dieu le Père ?
Les partisans de la trinité accordent une signification particulière à la nature divine de Jésus. Pour en parler, ils emploient le terme grec homoousios (“de la même substance”, “de la même essence”), qu’on ne trouve pas dans la Bible. La Nouvelle encyclopédie catholique (angl.) donne cette explication sous le titre “Consubstantialité” : “La consubstantialité définie par [le concile de] Nicée I [325 de n. è.] (...) affirme essentiellement que le Fils est égal au Père, aussi divin que le Père, puisqu’il est tiré de Sa substance et qu’il est de la même substance que lui ; il s’ensuit nécessairement que le Fils ne peut appartenir à ce qui est créé. (...) Étant donné l’unicité, l’unité et la simplicité absolues de Dieu, l’identité de substance n’est pas seulement spécifique [comme dans le cas des humains qui ont la nature humaine en commun], mais absolue ou numérique.”
Mais où trouve-t-on pareil raisonnement dans la Bible ? La réponse est simple : nulle part. La Parole écrite de Dieu ne renferme pas le mot grec homoousios ni l’idée que les partisans de la trinité expriment par ce mot. C’est de la pure philosophie.
En disant que Jésus Christ est “dieu” [en anglais “un dieu”], s’oppose-t-on à l’enseignement des Écritures qui veut qu’il n’y ait qu’un seul Dieu (I Cor. 8:5, 6) ? Pas du tout. Parfois les Écritures hébraïques utilisent le mot ʼèlohim, traduit par Dieu, pour parler de créatures puissantes. Par exemple, au Psaume 8:5 nous lisons : “Tu te mis aussi à le faire [l’homme] de peu inférieur à ceux qui sont semblables à Dieu.” (Hébreu ʼèlohim ; “moindre qu’un dieu”, Jérusalem). La version grecque des Septante traduit ici ʼèlohim par “anges”. Les traducteurs juifs de cette version n’ont pas jugé contraire au monothéisme d’appliquer le mot utilisé pour Dieu à des créatures spirituelles (voir Hébreux 2:7, 9). Pareillement, les Juifs du premier siècle n’ont pas jugé contraire à leur croyance en un seul Dieu le Psaume 82, alors que dans les Ps 82 versets 1 et 6 le mot ʼèlohim (dans la Septante, théoï, pluriel de théos) est utilisé à propos de juges humains. — Voir Jean 10:34-36.
D’après les Écritures, Jésus Christ est “l’image du Dieu invisible”. (Col. 1:15.) Pourtant les chrétiens qui ont reçu l’appel céleste espèrent porter l’image du Christ dans toute sa plénitude en ayant part à la “nature divine” quand ils seront au ciel (II Pierre 1:4 ;I Cor. 15:49 ; Phil. 3:21). Pour parvenir à ce but, ils ont déjà reçu une “nouvelle naissance” spirituelle, bien qu’ils soient encore sur la terre (I Pierre 1:3, 4). Toutefois cela ne signifie pas qu’ils deviendront coégaux avec Dieu, pas plus que Jésus est coégal avec Dieu parce qu’il a part avec eux à la “nature divine”.
La traduction de Jean 1:1 dans la Traduction du monde nouveau ne viole donc aucune règle de grammaire grecque. Elle ne s’oppose pas non plus au culte de Celui que Jésus Christ ressuscité appela “mon Dieu” et à qui il est soumis. — Jean 20:17 ; Rév. 3:2, 12 ; I Cor. 11:3 ; 15:28.