Les premières années de formation
David Martin naît à Revel, en Languedoc, le 7 septembre 1639, dans une famille protestante. Son père, Paul, avait été revêtu deux fois de la qualité de Consul dans cette ville. Sa mère s'appelait Catherine Cardes (ou Corde).
David fait de solides études : en 1653, Rhétorique à Montauban, en 1657 Philosophie à Nîmes avec le célèbre professeur Derodon. Le 21 Juillet 1659, il prend le grade universitaire de Maître-ès-arts et de Docteur en philosophie après avoir soutenu avec éclat, depuis le matin jusqu'au soir et sans président, des thèses "in universam philosophiam" (Il s'agissait de disserter, en toute improvisation, avec les membres du jury sur des thèmes philosophiques pris au hasard).
Dès lors David se destine à la carrière ecclésiastique : il fréquente les cours de théologie de Verdier et de André Martel, à l'Académie protestante de Montauban, transférée à cette époque à Puylaurens. Il se fait remarquer parmi ses condisciples pour son application et ses succès.
David est doué d'un esprit vif et pénétrant : il a pour préférence l'étude des Écritures Saintes, qui le conduit à se pencher sur les écrits des Pères de l'Église, les langues orientales, l'Histoire ecclésiastique. La lecture des chefs-d'oeuvre de l'Antiquité, sacrée ou profane, est son divertissement préféré.
À cette époque, son ardeur aux études lui occasionna une forte fièvre cérébrale qui faillit lui coûter la vie. Mais à peine remis, il se rend au Synode provincial de Mazamet qui l'admet au ministère pastoral en 1663. Agé de 24 ans, il est nommé pasteur à Esperausses, près de Castres : la communauté est alors agitée par de funestes dissensions. Son humeur douce et conciliante ne tarde pas à rétablir la paix que son prédécesseur n'avait pas su maintenir. Puis, à partir de 1670, il s'occupe aussi d'un autre troupeau de fidèles au bourg voisin de La Caune.
En 1666 à Castres, David Martin épouse Florence de Malecare, fille de Pierre de Malecare, avocat à la Chambre de l'Édit. Ils ont trois fils, David, Louis et N., et deux filles, Marie (qui épousera un certain Renouard, marchand à Londres) et Florence. Lorqu'en 1695 meurt Isaac Claude, ministre de l'Église de La Haye, David Martin prend la tutelle de son fils Jean-Jacques, âgé de 11 ans. Cet enfant est le petit-fils du célèbre Jean Claude, grand théologien protestant français, ami intime et allié de David Martin. Celui-ci s'occupe de sa formation à l'Académie d'Utrecht et le conduit dans la carrière ecclésiastique. Mais après avoir commencé son ministère en Angleterre, Jean-Jacques meurt au cours d'une épidémie de variole à l'âge de 28 ans.
Chéri de son troupeau, David Martin fut également respecté des Catholiques, dont il s'était concilié l'estime par la douceur de ses moeurs. Il se plaît dans cette position de pasteur et reste fidèle à sa petite église en refusant coup sur coup une vocation de pasteur à l'église de Milhau, renouvelée à plusieurs reprises et toujours déclinée, puis une chaire de théologie à l'Académie de Puylaurens, qu'on lui offre en 1681, à la mort de Théophile Arbussi.
Le temps difficile de la persécution
Dragonnade
L’illustration ci-dessus est une satire contemporaine des dragonnades : en voici les légendes, de gauche à droite : Dragon Missionère ; Qui peut me résister est bien fort ; raison invincible (au dessus du fusil) ; Appel évangélique (sous le tambour) ; Hérétique signant sa conversion ; La force passe la raison ; Nouveaux missionnaires envoyés par ordre de Louis le Grand par tout le royaume de France pour ramener les hérétiques à la foi catholique... (dans l’encadré)
C
e fut seulement la révocation de l'Édit de Nantes qui réussit à l'arracher à son troupeau. En 1685, avec la révocation de l'Édit de Nantes par Louis XIV, les protestants commencent à être pourchassés : ils sont interdits de séjour en France. Ceux qui ne s'exilent pas doivent abjurer, c'est-à-dire renier leur foi et entrer dans le Catholicisme.
L'époque est troublée : c'est le temps des persécutions qui précèdent cette révocation de l'Édit de Nantes : sous l'influence du clergé catholique, des ministres Colbert et Louvois, se développent les dragonnades : des militaires sont logés de force chez les protestants et en profitent pour les maltraiter (viols, vols, coups, humiliations). Une seule solution pour échapper à ces missionnaires bottés: abjurer le calvinisme et se faire catholique.
À cette époque, David Martin rend d'importants services aux églises. Son zèle, sa fermeté et sa prudence sont si connues que ses collègues le chargent toujours de la défense des intérêts de l'Église protestante dans les affaires délicates. Aussi est-il particulièrement en butte à la haine du clergé romain. Les prélats catholiques lui suscitent un procès : mais Martin parvient à se défendre avec tant de dignité, de force et d'esprit qu'il confond ses détracteurs et forçe même l'Évêque de Castres à reconnaître son innocence. Son zèle le jete dans un plus grand danger lorsque la révocation de l'Édit de Nantes ferme son temple.
onvaincu qu'il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes, il veut continuer les fonctions de son ministère mais sur l'avis de quelques amis catholiques qui l'avertissent à temps qu'on s'apprête à l'arrêter, il fuit en novembre 1685 en Hollande. Ses amis catholiques cachent sa femme et ses enfants et réussissent à leur faire rejoindre clandestinement la Hollande.
Campagne d’Utrecht
Sur l’illustration, la campagne d’Utrecht, en bordure du Rhin, telle que David Martin a pu la découvrir à la fin du XVIIe siècle.
(Gravure de Johannes Ruischer, XVIe siècle).
David Martin est alors placé comme ministre surnuméraire à l'Église d'Utrecht, où il demeurera jusqu'à la fin de ses jours. Son mérite ne tarde pas à lui accorder une place de pasteur ordinaire.
Le 16 février 1686 il est nommé professeur de théologie à l'illustre École de Deventer, mais la régence d'Utrecht, qui avait trop apprécié ses talents, le retient à Utrecht. En vain plusieurs universités lui offrent des postes honorables : il les refuse pour ne pas se séparer de son église. En 1695, il décline la vocation de pasteur que l'Église de La Haye lui propose pour succéder à Isaac Claude qui vient de mourir.
Modeste et sans ambition, il n'aspire pas à briller, mais à être utile. Il s'acquitte de ses fonctions pastorales avec une scrupuleuse fidélité. Il consent même à recevoir chez lui quelques jeunes gens pour leur enseigner la philosophie et la théologie et leur inspirer l'amour de la vertu par son instruction et son exemple. Il connaît aussi l'honneur de compter parmi ses élèves des fils de souverains.
Le voeu le plus ardent de David Martin était de mourir en chaire : il fut exaucé. Le 7 septembre 1721, à l'âge de 82 ans, il prêche son dernier sermon sur la sagesse de la Providence, où il se surpassa. Mais après avoir fini, il se sentit si épuisé qu'il fallut le ramener aussitôt chez lui. Il fut alors victime d'une violente fièvre qui l'emporta en deux jours.
oici un jugement tiré de la Vie de David Martin, écrite par un fils de Isaac Claude, dont le prénom nous est inconnu : il publia des souvenirs sur sa famille en Angleterre en 1733.
"Il parlait avec autant de facilité et aussi bien qu'il écrivait. On ne s'en étonnera pas si l'on fait attention qu'il avait l'esprit vif, pénétrant et très présent, la mémoire heureuse, le jugement excellent. Il cherchait toujours à s'instruire : continuellement, il faisait des questions, sans avoir la fausse honte de donner à connaître qu'il ignorait quelque chose ; tout excitait sa curiosité : les arts, les sciences, les affaires. Cependant rien ne se confondait dans son esprit, il ne mettait chaque chose qu'en sa place... Avec lui la conversation ne tarissait jamais, il y portait la franchise et la gaieté de son pays : il était plein de feu et il avait la répartie prompte... À le considérer du côté du coeur, on le trouvait affectueux, tendre, compatissant. Il était si attaché à ses amis qu'on l'a vu, trente ou quarante ans après leur mort, s'intéresser vivement au sort de ceux qui leur avaient appartenu."
L'érudition de David Martin, théologien
avid Martin s'appliqua avec un soin particulier à l'étude de la Langue Francaise et il en possédait si bien les règles qu'il n'hésita pas à envoyer à l'Académie Française des remarques, lorqu'elle voulut faire imprimer une seconde édition de son fameux Dictionnaire. Le comité trouva ses observations judicieuses si l'on en croit la lettre de remerciement très flatteuse qui lui fut adressée en retour.
Martin est l'un des meilleurs écrivains du Refuge (c'est-à-dire de la communauté protestante française exilée à l'étranger depuis la révocation de l'Édit de Nantes). Ses travaux sur la Bible lui assigne un rang honorable parmi les pasteurs du XVIIe siècle, tous renommés pour leur érudition. Son style est clair et correct bien que certains critiques lui reprochaient un manque de souplesse et de chaleur. David Martin s'est montré tout à la fois un protestant rigide dans ses convictions, ennemi de toute nouveauté. Cependant il combattait toujours ses adversaires avec modération et courtoisie, dans un esprit de douceur, de pacifisme et de conciliation. Ses sermons sont remplis de pensées solides.
Ce ne fut donc que dans l'exil que David Martin chercha à tirer profit de ses immenses connaissances en composant des ouvrages destinés à l'instruction et à l'édification des églises protestantes.
'est à l'âge de 60 ans que ses premiers écrits sont publiés : en 1696, à Utrecht, chez F. Halma, in-4°, il publie : "le Nouveau Testament de Notre Seigneur Jésus-Christ expliqué par des notes courtes et claires sur la version ordinaire des église réformées : avec une préface générale touchant la vérité de la religion chrétienne, et diverses autres préfaces particulières sur chacun des livres du N.T.", ouvrage entrepris à la demande de ses coreligionnaires de Hollande. Dans la préface générale, Martin défend l'autorité de l'Écriture et la vérité de la religion chrétienne contre les Sociniens et les Juifs. Les notes sont dogmatiques ou simplement littéraires.
En 1700, sort à Utrecht un volume in-12° intitulé "Rome convaincue d'avoir usurpé tous les droits qu'elle s'attribue injustement sur l'Église chrétienne". C'est une réponse de David Martin faite à une lettre pastorale adressée en mars 1699, par l'archevêque de Paris, aux nouveaux catholiques de son diocèse.
La même année, chez P. Mortier à Amsterdam, est publié une "Histoire du Vieux et du Nouveau Testament", en 2 vol. in-folio : c'est un chef d'oeuvre d'imprimerie auquel David Martin a contribué : il légende les 424 excellentes gravures contenues dans cet ouvrage hors du commun. À titre informatif, pour illustrer la valeur de cette édition, il faut savoir qu'au début de l'année 2002, un exemplaire original était en vente sur le web, chez un antiquaire américain, au prix de quelque 11 500$ !
Puis, en 1707, à Amsterdam, David Martin publie son ouvrage majeur, en deux volumes in-folio : "La Sainte Bible qui contient le Vieux et le Nouveau Testament, expliqués par des notes de théologie et de critique sur la version ordinaire des églises réformées, revue sur les originaux et retouchée dans le langage". Chargé de ce travail par le Synode des Églises Wallones, David Martin rédige des notes, retouche la version ancienne pour actualiser son langage et met en tête des considérations générales remplies d'érudition : préface générale sur les versions du texte sacré, notes théologiques, morales, critiques et l'indication des passages parallèles. En mai 1710, cette traduction est approuvée par le Synode de Leuwarden et elle devient la version officielle des églises protestantes de langue française. Cette bible sera réimprimée des centaines de fois dans divers formats. Le style, retouché par David Martin dans ce qui avait vieilli, eut besoin d'être de nouveau rajeuni. En 1744, un pasteur de Basle, Pierre Roques, en fit une révision : c'est ce texte qui est publié sur www.biblemartin.com (L'illustration ci-contre présente cette édition originale au format in-8°). Puis, les pasteurs de Genève sous la direction de Jean-Frédéric Ostervald procèderont aussi à une révision de la Bible de David Martin, connue sous le nom de Bible Ostervald.
En 1708, à Amsterdam, paraissent des "Sermons sur divers textes de l'Écriture", et en 1710 "L'Excellence de la foi et de ses effets, expliquée en vingt sermons".
Trois ans plus tard paraît un "Traité de la Religion Naturelle". Cet ouvrage, plein de solidité, de force et de clarté connait un grand succès : il est traduit en hollandais et en anglais en 1720, puis en allemand en 1735.
En 1715, David Martin publie à Amsterdam un traité critique intitulée "Le vrai sens du Psaume Cent, opposée à l'application qu'en a faite à David Martin l'auteur de la dissertation insérée dans les trois premiers volumes de l'Histoire critique de la république des lettres". Dans ce traité, David Martin s'oppose aux assertions du pasteur français Jean Masson, établi en Angleterre, qui proposa en 1713 une interprétation particulière du Psaume 100. Les propos de Masson furent ensuite condamnés par le Synode de Breda.
Puis en 1717, dans "Deux dissertations critiques" publiées à Utrecht, David Martin soutient l'authenticité du passage des trois témoins de 1 Jean 5:7, et de celui de l'historien Josèphe touchant Jésus-Christ. Son opinion sur 1 JEAN 5:7 déclencha les critiques de deux adversaires. Le premier était Thomas Emlyn, un socinien qui refusait ce passage sous prétexte qu'il établissait l'unité du père, du Fils et du Saint-Esprit ; le second était le Pasteur Lelong qui refusait ce passage sous prétexte qu'il manquait dans les manuscrits ayant appartenu à Robert Estienne. David Martin déploya beaucoup de zèle dans cette controverse. Il publie en 1719 chez un libraire de Londres un "Examen de la réponse de M. Emlyn à la Dissertation critique sur I Jean V,7", puis, en 1720 à Utrecht, un autre traité : "La vérité du texte de I Jean V,7 démontrée par des preuvres qui sont au-dessus de toute exception".
En 1719, parution à Leuwarden d'un "Traité de la religion révélée, où l'on fait voir que les livres du Vieux et du Nouveau Testament sont d'inspiration divine ; on donne des règles générales pour les expliquer, et l'on prouve invinciblement, contre les hérétiques modernes, les vérités des plus profondes doctrines de la religion chrétienne."
On trouve, en outre de David Martin une "Réponse à la lettre du P. Lelong", relative au fameux passage sur I Jean V,7, dans "L'Europe savante" Tome XII.
Avant de quitter la France en 1685, David Martin avait entrepris une réfutation de l'Exposition de Bossuet, qui n'a pas vu le jour, ainsi qu'un Commentaire latin sur l'Épître aux Éphésiens que la maladie le força d'interrompre au 4e chapitre.
David Martin oublié
A
notre connaissance, aucun travail de recherche sérieux n'a été entrepris sur la vie et l'oeuvre de David Martin. Dans les meilleurs ouvrages récents spécialisés sur la Bible ou sur le Protestantisme, David Martin n'est connu que pour sa traduction de la Bible de 1707 et les notices bibliographiques qui lui sont consacrées sont très succinctes.
Le présent article a essayé de mieux faire connaître aux lecteurs de la BIBLE MARTIN, l'homme qui se cache derrière cette traduction : on y rencontre un frère en Christ humble malgré sa science, doux malgré la force de ses combats, intègre malgré les vicissitudes de son siècle. J'espère qu'avec le temps, je pourrais disposer de plus d'informations sur notre aîné en Christ. Je ne manquerai pas alors de les communiquer sur le présent site.
APPEL aux LECTEURS : dans le cadre de mes recherches, je serai infiniment reconnaissant à quiconque serait capable de me communiquer des sources biographiques ou bibliographiques difficiles à trouver sur David Martin.
Si tu as connaissance d'une Bibliothèque qui possèderait un ouvrage de cet auteur, si tu possèdes un de ses ouvrages, si tu découvres quelque chose chez un libraire de livres anciens, si tu tombes sur une allusion dans un livre d'Histoire, n'hésite pas à me contacter.
Les résolutions deviennent inutiles où il n'y a point de conseil ; mais il y a de la fermeté dans la multitude des conseillers.
Proverbes 15:22 (Version Bible Martin).
Un Grand Merci en Jésus-Christ !
Samuel@Bibliorama.com
http://godieu.com/martin/biographie.html