.
https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/08/07/baisers-forces-et-climat-abusif-la-puissante-communaute-catholique-saint-martin-sommee-de-se-reformer_6270966_3224.html?lmd_medium=email&lmd_campaign=trf_newsletters_lmfr&lmd_creation=le_monde_des_religions&lmd_send_date=20240815&lmd_email_link=dans-l-actu_titre_3&M_BT=113977059162465
Baisers forcés et « climat abusif » : enquête sur la puissante communauté catholique Saint-Martin sommée de se réformer
Le Vatican a nommé deux « assistants apostoliques » pour « accompagner » cette association de droit pontifical, principale pourvoyeuse de prêtres en France, dans un travail de réformes. D’anciens membres évoquent des dérives autoritaires et des agressions sexuelles de la part de l’abbé Jean-François Guérin, son fondateur.
Par Gaétan Supertino
Publié le 07 août 2024 à 06h00, modifié le 07 août 2024 à 12h31
Prière de séminaristes et de fidèles, lors du chemin de croix du Vendredi saint, dans une abbaye où la communauté Saint-Martin forme de futurs prêtres, à Evron (Mayenne), le 29 mars 2024. GILE M / ANDIA.FR
Que s’est-il passé dans les murs de la « Maison de formation », le séminaire de la puissante communauté Saint-Martin (CSM), du temps de son fondateur, l’abbé français Jean-François Guérin, décédé en 2005 à l’âge de 75 ans ? Pourquoi le Vatican demande-t-il à cette association de droit pontifical, principale pourvoyeuse de prêtres en France (170 en activité, une centaine en formation), de se réformer ?
Les détails sont secrètement conservés dans un rapport de 1 300 pages archivé à Rome, dans les bureaux du dicastère pour le clergé. Cet organe de la curie, chargé de contrôler la formation des prêtres catholiques partout dans le monde, a placé le 4 juillet la CSM sous la supervision de deux « assistants apostoliques », après une enquête menée entre juillet 2022 et janvier 2023 par Benoît Bertrand, évêque de Mende, à la demande du Saint-Siège et de la hiérarchie de la communauté. Les résultats de cette « visite pastorale périodique », selon le vocabulaire romain, n’ont pas été rendus publics. Mais, à la lecture de la lettre mise en ligne sur le site de Saint-Martin, on mesure la gravité des enjeux.
En plus « d’accompagner » la communauté dans un « travail de réforme » jugé « nécessaire », « il s’agira de faire œuvre de vérité et de clarté sur la période de fondation, la personnalité du fondateur et les faits qui lui sont reprochés par plusieurs anciens membres », écrivent ainsi Matthieu Dupont, évêque de Laval, et François-Marie Humann, abbé de Mondaye (Calvados), les deux assistants apostoliques désignés par Rome. Avant d’ajouter : « Des personnes écoutées ont parlé d’un climat abusif dans l’exercice de l’autorité et l’accompagnement spirituel. Certaines personnes, majeures à l’époque des faits, évoquent aussi des gestes pouvant relever de délits à caractère sexuel (baisers forcés). »
Trois ans pour faire « œuvre de clarté »
Présente aujourd’hui dans trente-deux diocèses français ainsi qu’à Cuba, en Allemagne et à Rome, la communauté Saint-Martin a vu le jour en 1976 au couvent Saint-François de Voltri, en Italie, avant que la « maison mère » – le siège – et le séminaire déménagent en France, en 1993, à Candé-sur-Beuvron, dans le Loir-et-Cher, puis à Evron, en Mayenne, en 2014. Les potentielles agressions dateraient « principalement » de la période italienne, même si un témoignage « évoque des faits similaires datant de 1995 », indique Matthieu Dupont dans un entretien au magazine Famille chrétienne, publié le 18 juillet. Contactés par Le Monde, ni Matthieu Dupont, ni François-Marie Humann, ni Benoît Bertrand ne livrent davantage de précisions.
Il vous reste 73.48% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/08/07/baisers-forces-et-climat-abusif-la-puissante-communaute-catholique-saint-martin-sommee-de-se-reformer_6270966_3224.html?lmd_medium=email&lmd_campaign=trf_newsletters_lmfr&lmd_creation=le_monde_des_religions&lmd_send_date=20240815&lmd_email_link=dans-l-actu_titre_3&M_BT=113977059162465
Baisers forcés et « climat abusif » : enquête sur la puissante communauté catholique Saint-Martin sommée de se réformer
Le Vatican a nommé deux « assistants apostoliques » pour « accompagner » cette association de droit pontifical, principale pourvoyeuse de prêtres en France, dans un travail de réformes. D’anciens membres évoquent des dérives autoritaires et des agressions sexuelles de la part de l’abbé Jean-François Guérin, son fondateur.
Par Gaétan Supertino
Publié le 07 août 2024 à 06h00, modifié le 07 août 2024 à 12h31
Prière de séminaristes et de fidèles, lors du chemin de croix du Vendredi saint, dans une abbaye où la communauté Saint-Martin forme de futurs prêtres, à Evron (Mayenne), le 29 mars 2024. GILE M / ANDIA.FR
Que s’est-il passé dans les murs de la « Maison de formation », le séminaire de la puissante communauté Saint-Martin (CSM), du temps de son fondateur, l’abbé français Jean-François Guérin, décédé en 2005 à l’âge de 75 ans ? Pourquoi le Vatican demande-t-il à cette association de droit pontifical, principale pourvoyeuse de prêtres en France (170 en activité, une centaine en formation), de se réformer ?
Les détails sont secrètement conservés dans un rapport de 1 300 pages archivé à Rome, dans les bureaux du dicastère pour le clergé. Cet organe de la curie, chargé de contrôler la formation des prêtres catholiques partout dans le monde, a placé le 4 juillet la CSM sous la supervision de deux « assistants apostoliques », après une enquête menée entre juillet 2022 et janvier 2023 par Benoît Bertrand, évêque de Mende, à la demande du Saint-Siège et de la hiérarchie de la communauté. Les résultats de cette « visite pastorale périodique », selon le vocabulaire romain, n’ont pas été rendus publics. Mais, à la lecture de la lettre mise en ligne sur le site de Saint-Martin, on mesure la gravité des enjeux.
En plus « d’accompagner » la communauté dans un « travail de réforme » jugé « nécessaire », « il s’agira de faire œuvre de vérité et de clarté sur la période de fondation, la personnalité du fondateur et les faits qui lui sont reprochés par plusieurs anciens membres », écrivent ainsi Matthieu Dupont, évêque de Laval, et François-Marie Humann, abbé de Mondaye (Calvados), les deux assistants apostoliques désignés par Rome. Avant d’ajouter : « Des personnes écoutées ont parlé d’un climat abusif dans l’exercice de l’autorité et l’accompagnement spirituel. Certaines personnes, majeures à l’époque des faits, évoquent aussi des gestes pouvant relever de délits à caractère sexuel (baisers forcés). »
Trois ans pour faire « œuvre de clarté »
Présente aujourd’hui dans trente-deux diocèses français ainsi qu’à Cuba, en Allemagne et à Rome, la communauté Saint-Martin a vu le jour en 1976 au couvent Saint-François de Voltri, en Italie, avant que la « maison mère » – le siège – et le séminaire déménagent en France, en 1993, à Candé-sur-Beuvron, dans le Loir-et-Cher, puis à Evron, en Mayenne, en 2014. Les potentielles agressions dateraient « principalement » de la période italienne, même si un témoignage « évoque des faits similaires datant de 1995 », indique Matthieu Dupont dans un entretien au magazine Famille chrétienne, publié le 18 juillet. Contactés par Le Monde, ni Matthieu Dupont, ni François-Marie Humann, ni Benoît Bertrand ne livrent davantage de précisions.
Il vous reste 73.48% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.