Des évangéliques américains s’engagent pour le climat
Un nombre grandissant d’évangéliques américains font entendre leur voix sur le changement climatique, malgré le scepticisme historique de leur communauté.
Ils essaient notamment de dépolitiser le débat et de faire prendre conscience des véritables enjeux.
Katharine Hayhoe avec Leonardo DiCaprio et Barack Obama lors d’une réunion sur le climat à Washington
La première fois que Katharine Hayhoe s’est présentée comme scientifique évangélique, « c’était comme se déshabiller en public ». Mais cette pétillante experte du climat, qui travaille à l’université Texas Tech, a vite compris comment en faire un outil de persuasion. Katharine Hayhoe est l’une des figures écologistes les plus connues chez les évangéliques américains. Ceux-ci sont pourtant réputés pour compter dans leurs rangs un nombre important de climato-sceptiques. Depuis quelques années, elle multiplie les présentations dans les universités chrétiennes – « une centaine par an » – et les tribunes dans la presse pour exhorter ses coreligionnaires à l’action. Son travail lui a valu de rejoindre, en 2014, la prestigieuse liste du magazine Time des 100 personnalités les plus influentes au monde.
« Aux États-Unis, on nous dit qu’on ne peut pas être un vrai évangélique si l’on croit au changement climatique. Mais ce n’est pas vrai, souligne-t-elle. On peut être chrétien et dire qu’il faut agir sur cette question. Le changement climatique affecte notre planète et les personnes les plus pauvres. »
« L’écologie ne fait pas encore partie des cinq sujets les plus importants pour eux »
La scientifique, qui répète à l’envi que « le thermomètre n’est ni de droite, ni de gauche », a commencé ce travail de longue haleine en s’adressant d’abord à son mari, un pasteur évangélique qui ne croyait pas au changement climatique. Il a changé d’avis depuis, mais son cas serait loin d’être isolé aujourd’hui s’il était demeuré sur ses positions. Selon plusieurs enquêtes d’opinion, les évangéliques américains, blancs en particulier, font partie des groupes religieux les moins convaincus de la réalité du phénomène et de la responsabilité de l’homme dans le dérèglement de la nature (lire les repères).
Pour Mitch Hescox, président de l’Evangelical Environmental Network, un regroupement d’Églises et d’associations impliquées dans le combat environnemental, c’est la conséquence de la politisation extrême de ce sujet outre-Atlantique, au même titre que l’avortement et les armes à feu, plutôt que de la foi elle-même. « Les évangéliques sont plus conservateurs. Ils ont voté en grande partie pour Donald Trump et les républicains. L’écologie ne fait pas encore partie des cinq sujets les plus importants pour eux au moment d’aller voter, même si cela est en train de changer. »
« C’est une question pro-vie »
Ce fils de mineur en Pennsylvanie, État du charbon-roi, fait partie d’un nombre grandissant d’évangéliques écologistes qui tentent de « dépolitiser » ce sujet. En 2006, son association a été à l’origine d’une déclaration historique signée par 86 dirigeants évangéliques, reconnaissant la réalité du changement climatique et la nécessité d’une « action urgente » de la part de la communauté. « Le changement climatique est la plus grande menace morale car il touche les enfants de Dieu. C’est une question pro-vie. Nous devons préserver la vie de la naissance à la mort naturelle. Cela passe par la qualité de l’eau, la réduction de la pollution et de tout autre chose qui peut porter atteinte aux naissances », résume-t-il.
« La droite chrétienne a réussi à faire croire qu’être évangélique aux États-Unis se résumait à être contre l’avortement. Or, nous sommes beaucoup plus divers que cela », ajoute Kyle Meyaard-Schaap, président de Young Evangelicals for Climate Action (Yeca), un groupe qui forme des leaders évangéliques à passer à l’action. « Nous n’allons pas changer l’avis des évangéliques les plus conservateurs, reconnaît-il. Mais nous n’avons pas besoin d’eux. Il y a beaucoup plus d’évangéliques modérés. Nous devons les mobiliser. » L’intensification des catastrophes naturelles, et l’avènement d’une nouvelle génération d’évangéliques qui se dit favorable à des réglementations environnementales plus strictes aident à la conversion des esprits. « On sent une ouverture d’esprit sur cette question chez les jeunes évangéliques, confirme Brian Webb, responsable de Climate Caretakers, une des associations qui assistera à la COP23 du 6 au 17 novembre à Bonn (Allemagne). Ils étaient peu nombreux il y a dix ans. Aujourd’hui, ils s’émancipent de leurs aînés. »
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Les évangéliques américains et le changement climatique
Selon des chiffres publiés en octobre 2015 par le Pew Research Center :
28 % des évangéliques blancs américains pensent que le changement climatique est causé par l’homme (contre 50 % des adultes américains) ;
37 % pensent qu’il n’y a pas de « preuve solide » du réchauffement de la planète (contre 25 % des adultes américains) ;
33 % déclarent que le changement climatique correspond à des évolutions naturelles (contre 23 % des adultes américains) ;
47 % des évangéliques blancs disent qu’il n’y a pas de consensus scientifique sur la responsabilité de l’homme dans le changement climatique (contre 37 % des adultes américains).
Alexis Buisson, à New York
https://www.la-croix.com/Religion/Protestantisme/evangeliques-americains-sengagent-climat-2017-10-12-1200883611?from_univers=lacroix
Un nombre grandissant d’évangéliques américains font entendre leur voix sur le changement climatique, malgré le scepticisme historique de leur communauté.
Ils essaient notamment de dépolitiser le débat et de faire prendre conscience des véritables enjeux.
Katharine Hayhoe avec Leonardo DiCaprio et Barack Obama lors d’une réunion sur le climat à Washington
La première fois que Katharine Hayhoe s’est présentée comme scientifique évangélique, « c’était comme se déshabiller en public ». Mais cette pétillante experte du climat, qui travaille à l’université Texas Tech, a vite compris comment en faire un outil de persuasion. Katharine Hayhoe est l’une des figures écologistes les plus connues chez les évangéliques américains. Ceux-ci sont pourtant réputés pour compter dans leurs rangs un nombre important de climato-sceptiques. Depuis quelques années, elle multiplie les présentations dans les universités chrétiennes – « une centaine par an » – et les tribunes dans la presse pour exhorter ses coreligionnaires à l’action. Son travail lui a valu de rejoindre, en 2014, la prestigieuse liste du magazine Time des 100 personnalités les plus influentes au monde.
« Aux États-Unis, on nous dit qu’on ne peut pas être un vrai évangélique si l’on croit au changement climatique. Mais ce n’est pas vrai, souligne-t-elle. On peut être chrétien et dire qu’il faut agir sur cette question. Le changement climatique affecte notre planète et les personnes les plus pauvres. »
« L’écologie ne fait pas encore partie des cinq sujets les plus importants pour eux »
La scientifique, qui répète à l’envi que « le thermomètre n’est ni de droite, ni de gauche », a commencé ce travail de longue haleine en s’adressant d’abord à son mari, un pasteur évangélique qui ne croyait pas au changement climatique. Il a changé d’avis depuis, mais son cas serait loin d’être isolé aujourd’hui s’il était demeuré sur ses positions. Selon plusieurs enquêtes d’opinion, les évangéliques américains, blancs en particulier, font partie des groupes religieux les moins convaincus de la réalité du phénomène et de la responsabilité de l’homme dans le dérèglement de la nature (lire les repères).
Pour Mitch Hescox, président de l’Evangelical Environmental Network, un regroupement d’Églises et d’associations impliquées dans le combat environnemental, c’est la conséquence de la politisation extrême de ce sujet outre-Atlantique, au même titre que l’avortement et les armes à feu, plutôt que de la foi elle-même. « Les évangéliques sont plus conservateurs. Ils ont voté en grande partie pour Donald Trump et les républicains. L’écologie ne fait pas encore partie des cinq sujets les plus importants pour eux au moment d’aller voter, même si cela est en train de changer. »
« C’est une question pro-vie »
Ce fils de mineur en Pennsylvanie, État du charbon-roi, fait partie d’un nombre grandissant d’évangéliques écologistes qui tentent de « dépolitiser » ce sujet. En 2006, son association a été à l’origine d’une déclaration historique signée par 86 dirigeants évangéliques, reconnaissant la réalité du changement climatique et la nécessité d’une « action urgente » de la part de la communauté. « Le changement climatique est la plus grande menace morale car il touche les enfants de Dieu. C’est une question pro-vie. Nous devons préserver la vie de la naissance à la mort naturelle. Cela passe par la qualité de l’eau, la réduction de la pollution et de tout autre chose qui peut porter atteinte aux naissances », résume-t-il.
« La droite chrétienne a réussi à faire croire qu’être évangélique aux États-Unis se résumait à être contre l’avortement. Or, nous sommes beaucoup plus divers que cela », ajoute Kyle Meyaard-Schaap, président de Young Evangelicals for Climate Action (Yeca), un groupe qui forme des leaders évangéliques à passer à l’action. « Nous n’allons pas changer l’avis des évangéliques les plus conservateurs, reconnaît-il. Mais nous n’avons pas besoin d’eux. Il y a beaucoup plus d’évangéliques modérés. Nous devons les mobiliser. » L’intensification des catastrophes naturelles, et l’avènement d’une nouvelle génération d’évangéliques qui se dit favorable à des réglementations environnementales plus strictes aident à la conversion des esprits. « On sent une ouverture d’esprit sur cette question chez les jeunes évangéliques, confirme Brian Webb, responsable de Climate Caretakers, une des associations qui assistera à la COP23 du 6 au 17 novembre à Bonn (Allemagne). Ils étaient peu nombreux il y a dix ans. Aujourd’hui, ils s’émancipent de leurs aînés. »
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Les évangéliques américains et le changement climatique
Selon des chiffres publiés en octobre 2015 par le Pew Research Center :
28 % des évangéliques blancs américains pensent que le changement climatique est causé par l’homme (contre 50 % des adultes américains) ;
37 % pensent qu’il n’y a pas de « preuve solide » du réchauffement de la planète (contre 25 % des adultes américains) ;
33 % déclarent que le changement climatique correspond à des évolutions naturelles (contre 23 % des adultes américains) ;
47 % des évangéliques blancs disent qu’il n’y a pas de consensus scientifique sur la responsabilité de l’homme dans le changement climatique (contre 37 % des adultes américains).
Alexis Buisson, à New York
https://www.la-croix.com/Religion/Protestantisme/evangeliques-americains-sengagent-climat-2017-10-12-1200883611?from_univers=lacroix