Doha peut-il refroidir le climat ?
22 novembre 2012
La 18e conférence internationale sur le climat aura lieu à Doha, au Qatar, du 26 novembre au 7 décembre 2012. Alors que la planète ne cesse de se réchauffer …
par Olivier Nouaillas
L’ ONU a parfois le goût du paradoxe. Alors que le climat ne cesse de se réchauffer, les Nations Unies ont confié l’organisation de la 18e conférence internationale sur le changement climatique à Doha, capitale du Qatar. Ce minuscule Etat du Golfe Persique, peuplé d’ à peine 1,7 million d’habitants, est, en effet, celui qui détient le triste record des émissions de CO2 par habitant ! 53,4 tonnes selon les chiffres 2008 de l’ONU, soit trois fois plus qu’ un Américain (17,5 tonnes) et dix fois plus qu’un Chinois (5,2 tonnes) qui vivent cependant, vu leur nombre, dans les deux pays les plus pollueurs de la planète.
Mais dans le petit émirat, où il fait entre 40° et 50° C l’été, assis sur d’énormes réserves de pétrole et de gaz, constructeur de pistes de ski en neige artificielle et de stades climatisés de football, l’économie sans carbone n’est pas non plus la priorité première. De quoi nourrir le scepticisme généralisé sur l’utilité de ces réunions internationales qui, depuis l’échec du sommet de Copenhague en 2009, font désormais du surplace. Décryptage en trois points :
1/ Où en est le réchauffement climatique ?
De la fonte record de la banquise cet été (la superficie minimum de glaces tombant à 3,4 millions de kilomètres carrés contre 4,17 millions de km2, le précédent « record » de 2007) à la sécheresse qui a frappé certaines régions céréalières du monde (neufs Etats américains du Midwest, le centre de la Russie) aux épisodes climatiques extrêmes (le récent ouragan Sandy à Haïti et sur la côte Est des Etats-Unis) : l’année 2012 a envoyé de nombreux signaux inquiétants. « Certes, l’année 2012 ne sera pas l’année la plus chaude, en dessous certainement des précédents pics de 1998, 2005 et 2010. Mais, dans le même temps, on observe partout dans le monde une augmentation de l’intensité à la fois des sécheresses et des cyclones », note Jean Jouzel, le célèbre glaciologue français et vice-président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) mis en place par l’ONU en 1988. Et celui qui vient d’être choisi par le gouvernement français comme l’un des six sages de la commission chargé de préparer le grand débat sur « la transition énergétique » d’avertir : « Ce qui m’inquiète le plus, c’est que si la communauté internationale ne révise pas à la hausse ses ambitions, nous serons, à partir du milieu du siècle, de plus en plus dans le haut des prévisions du Giec : pas à 2° C de réchauffement – la limite supportable – , mais entre 3° et 4° C, voir, si l’on en croit les scénarios les plus pessimistes, à 6° C… ». Autant dire que les conclusions du cinquième rapport mondial du Giec, dont la parution devrait s’échelonner entre septembre 2013 et la fin de l’année 2014, sont très attendues…
2/ Pourquoi, depuis Copenhague, les négociations internationales sont-elles bloquées ?
Depuis le demi-échec du sommet de Copenhague en 2009 – où tous les pays s’étaient accordés sur le fait de limiter le réchauffement à 2° C mais sans définir les moyens contraignants pour y parvenir – les autres sommets (Mexico en 2010, Durban en 2011) ont essayé de relancer, avec plus ou moins de succès, les négociations climatiques. Pierre Radanne de l’ association 4D de développement durable et qui a suivi, dans les coulisses, presque tous les grands sommets organisés par l’ONU sur le climat, en analyse les rapports de force et les blocages : « Il y a désormais trois grands blocs bien identifiés : les volontaristes (Union européenne, pays africains et petits Etats insulaires), très conscients qu’il faut fixer des objectifs chiffrés de réduction des gaz à effet de serre et des compensations financières pour les pays les moins développés. Les réfractaires à tout accord contraignant (Etats-Unis, Canada, Russie), où prolifèrent les groupes climato-sceptiques liés aux lobbys pétroliers et charbonniers. Et, au milieu, les grands pays émergents (Chine, Brésil, Inde) qui veulent bien faire des efforts mais à condition qu’on ne bride pas leur développement économique. Et, en gros, il y a des avancées quand l’Europe arrive à entraîner avec elle les pays émergents, comme cela s’est passé en 2011 à Durban où, tout le monde s’est mis au moins d’accord sur un calendrier pour négocier la suite du protocole de Kyoto ». Reste à en définir le contenu.
3/ Que peut-on vraiment espérer du sommet de Doha ?
« Notre objectif raisonnable, c’est de pousser les points d’accords du sommet de Durban », répond Alix Mazounie, du réseau Action Climat France, qui regroupe toutes les grandes ONG françaises à la fois d’environnement et de développement, de Greenpeace au WWF en passant par le CCFD/Terre Solidaire. Et de détailler la feuille de route « minimum » de Doha : combler le vide de la période intermédiaire (2012/2020) qui va succéder à la fin du protocole de Kyoto ; mettre définitivement en place le mécanisme du fonds vert et des transferts technologiques à destination des pays du Sud et bien sûr le calendrier et la méthode pour arriver à un nouvel accord mondial en 2015 et applicable en 2020… Si tout va bien.
22 novembre 2012
La 18e conférence internationale sur le climat aura lieu à Doha, au Qatar, du 26 novembre au 7 décembre 2012. Alors que la planète ne cesse de se réchauffer …
par Olivier Nouaillas
L’ ONU a parfois le goût du paradoxe. Alors que le climat ne cesse de se réchauffer, les Nations Unies ont confié l’organisation de la 18e conférence internationale sur le changement climatique à Doha, capitale du Qatar. Ce minuscule Etat du Golfe Persique, peuplé d’ à peine 1,7 million d’habitants, est, en effet, celui qui détient le triste record des émissions de CO2 par habitant ! 53,4 tonnes selon les chiffres 2008 de l’ONU, soit trois fois plus qu’ un Américain (17,5 tonnes) et dix fois plus qu’un Chinois (5,2 tonnes) qui vivent cependant, vu leur nombre, dans les deux pays les plus pollueurs de la planète.
Mais dans le petit émirat, où il fait entre 40° et 50° C l’été, assis sur d’énormes réserves de pétrole et de gaz, constructeur de pistes de ski en neige artificielle et de stades climatisés de football, l’économie sans carbone n’est pas non plus la priorité première. De quoi nourrir le scepticisme généralisé sur l’utilité de ces réunions internationales qui, depuis l’échec du sommet de Copenhague en 2009, font désormais du surplace. Décryptage en trois points :
1/ Où en est le réchauffement climatique ?
De la fonte record de la banquise cet été (la superficie minimum de glaces tombant à 3,4 millions de kilomètres carrés contre 4,17 millions de km2, le précédent « record » de 2007) à la sécheresse qui a frappé certaines régions céréalières du monde (neufs Etats américains du Midwest, le centre de la Russie) aux épisodes climatiques extrêmes (le récent ouragan Sandy à Haïti et sur la côte Est des Etats-Unis) : l’année 2012 a envoyé de nombreux signaux inquiétants. « Certes, l’année 2012 ne sera pas l’année la plus chaude, en dessous certainement des précédents pics de 1998, 2005 et 2010. Mais, dans le même temps, on observe partout dans le monde une augmentation de l’intensité à la fois des sécheresses et des cyclones », note Jean Jouzel, le célèbre glaciologue français et vice-président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) mis en place par l’ONU en 1988. Et celui qui vient d’être choisi par le gouvernement français comme l’un des six sages de la commission chargé de préparer le grand débat sur « la transition énergétique » d’avertir : « Ce qui m’inquiète le plus, c’est que si la communauté internationale ne révise pas à la hausse ses ambitions, nous serons, à partir du milieu du siècle, de plus en plus dans le haut des prévisions du Giec : pas à 2° C de réchauffement – la limite supportable – , mais entre 3° et 4° C, voir, si l’on en croit les scénarios les plus pessimistes, à 6° C… ». Autant dire que les conclusions du cinquième rapport mondial du Giec, dont la parution devrait s’échelonner entre septembre 2013 et la fin de l’année 2014, sont très attendues…
2/ Pourquoi, depuis Copenhague, les négociations internationales sont-elles bloquées ?
Depuis le demi-échec du sommet de Copenhague en 2009 – où tous les pays s’étaient accordés sur le fait de limiter le réchauffement à 2° C mais sans définir les moyens contraignants pour y parvenir – les autres sommets (Mexico en 2010, Durban en 2011) ont essayé de relancer, avec plus ou moins de succès, les négociations climatiques. Pierre Radanne de l’ association 4D de développement durable et qui a suivi, dans les coulisses, presque tous les grands sommets organisés par l’ONU sur le climat, en analyse les rapports de force et les blocages : « Il y a désormais trois grands blocs bien identifiés : les volontaristes (Union européenne, pays africains et petits Etats insulaires), très conscients qu’il faut fixer des objectifs chiffrés de réduction des gaz à effet de serre et des compensations financières pour les pays les moins développés. Les réfractaires à tout accord contraignant (Etats-Unis, Canada, Russie), où prolifèrent les groupes climato-sceptiques liés aux lobbys pétroliers et charbonniers. Et, au milieu, les grands pays émergents (Chine, Brésil, Inde) qui veulent bien faire des efforts mais à condition qu’on ne bride pas leur développement économique. Et, en gros, il y a des avancées quand l’Europe arrive à entraîner avec elle les pays émergents, comme cela s’est passé en 2011 à Durban où, tout le monde s’est mis au moins d’accord sur un calendrier pour négocier la suite du protocole de Kyoto ». Reste à en définir le contenu.
3/ Que peut-on vraiment espérer du sommet de Doha ?
« Notre objectif raisonnable, c’est de pousser les points d’accords du sommet de Durban », répond Alix Mazounie, du réseau Action Climat France, qui regroupe toutes les grandes ONG françaises à la fois d’environnement et de développement, de Greenpeace au WWF en passant par le CCFD/Terre Solidaire. Et de détailler la feuille de route « minimum » de Doha : combler le vide de la période intermédiaire (2012/2020) qui va succéder à la fin du protocole de Kyoto ; mettre définitivement en place le mécanisme du fonds vert et des transferts technologiques à destination des pays du Sud et bien sûr le calendrier et la méthode pour arriver à un nouvel accord mondial en 2015 et applicable en 2020… Si tout va bien.