[size=33]érusalem, le nouveau caprice de Donald Trump[/size]
DE NOTRE CORRESPONDANTE À WASHINGTON, HÉLÈNE VISSIÈRE
Modifié le 07/12/2017 à 10:38 - Publié le 07/12/2017 à 08:47 | Le Point.fr
Il aime, dit-il, se montrer imprévisible pour dérouter et désarçonner ses adversaires. Mais, après presque un an à la Maison-Blanche, le mode de fonctionnement de Donald Trump a un petit air connu. L'annonce, hier, de la reconnaissance de Jérusalem comme la capitale d'Israël en est un bon exemple.
Le président n'aime rien tant que de susciter le chaos, de créer l'incertitude en allant à l'encontre de l'orthodoxie. Mettre un grand coup de pied dans la fourmilière lui permet de négocier un meilleur « deal », de faire plaisir à sa base qui adore le voir renverser l'ordre établi et de se montrer comme un type hardi. Contre l'avis de ses alliés, de son secrétaire d'État et de son ministre de la Défense, il a donc décidé de transférer l'ambassade américaine à Jérusalem, une rupture totale avec la politique américaine. Donald Trump remplit ainsi une promesse de campagne, ravit son électorat évangélique et ses riches donateurs pro-Israël. Tant pis si ça déclenche une vague de violences au Moyen-Orient.
Lire également sur ce sujet l'interview de l'historien Vincent Lemire : « Trump n'a pas mesuré que Jérusalem est une ville-monde »
De la même manière, il s'est retiré de l'accord de Paris, a menacé de sortir de l'accord sur le nucléaire irakien. Un jour il vante les mérites du leader japonais, le lendemain il menace de se retirer d'un accord commercial bilatéral, souffle le froid et le chaud sur la Chine… Alors que son secrétaire d'Etat Rex Tillerson se trouve à Pékin pour discuter de la Corée du Nord, Trump déclare par tweet que c'est « un gaspillage de temps ».
En bon joueur de poker, il aime également le risque. Même si ça conduit à la bombe atomique. Et il prend ses décisions plus en fonction des rapports qu'il développe avec ses homologues que des intérêts stratégiques de l'Amérique. Il est proche de Netanyahu, et Xi Jinping, qu'il promettait pourtant d'écraser, est devenu son meilleur ami, ce qui explique qu'il ménage la Chine et ne critique plus ses excédents budgétaires.
Mi-novembre, à son retour d'un voyage en Asie, Donald Trump s'est vanté en disant que sa politique avait restauré la puissance et le respect envers l'Amérique. « La confiance renouvelée et la position dans le monde de l'Amérique n'ont jamais été si fortes que maintenant », a-t-il affirmé. Il donne comme exemple sa rhétorique musclée contre l'Otan qui a poussé certains membres à augmenter leur contribution financière, le fait que le Canada et le Mexique soient en train de renégocier le Nafta… « Il y a un peu de vrai dans le fait que le président a réussi à recadrer les débats et à pousser les gens vers ses positions », estime Rosa Brooks, professeur à l'université de Georgetown.
Mais les avancées restent maigres. Ses menaces ont peu d'effets sur Kim Jong-un, qui continue de balancer des missiles de plus en plus perfectionnés. Les pays du Nafta ne se sont toujours pas mis d'accord, la Chine et la Russie prennent la place laissée par l'Amérique, le Mexique ne paie pas son mur, les pays d'Asie finalisent le TPP sans les États-Unis.. Il a réussi à se mettre à dos la plupart des alliés, à commencer par l'Allemagne. Selon Sigmar Gabriel, le ministre des Affaires étrangères allemand, l'administration Trump voit trop souvent l'Europe comme « un rival et parfois même comme un adversaire économique ».
D'où les critiques qui l'accusent d'affaiblir l'influence des États-Unis, de déstabiliser la planète et d'accroître les chances d'une guerre. « Il a fait un job extraordinaire pour détruire la crédibilité américaine dans le monde », estime Eliot Cohen, un ex-conseiller de la secrétaire d'État Condoleezza Rice et un critique acerbe du président. Les chefs d'État qui ne le prennent pas au sérieux « ont déjà commencé à reformer les alliances et à reconfigurer les réseaux de l'économie mondiale en passant outre les États-Unis et en réduisant son standing ».
Pour Aaron David Miller, vice-président du think tank Woodrow Wilson International Center for Scholars et grand spécialiste du Moyen-Orient, » jouer les perturbateurs peut être une politique plausible si elle est exécutée comme un effort pour concevoir et mettre en place des politiques alternatives ». Mais Donald Trump n'en a pas. Dans beaucoup de dossiers, sa stratégie semble inconsistante, voire incohérente. Il a justifié la reconnaissance de Jérusalem comme capitale en disant que c'était « une nouvelle approche et une manière neuve de penser ». Mais l'ambassade ne va pas être transférée avant plusieurs années et cela met en danger le plan de paix sur lequel travaille depuis des mois son gendre.
Derrière les gesticulations, il suit souvent la politique d'Obama. Mais ne le lui dites pas, ça l'énerve.
Il a fait ami avec la Chine, continue la politique de rapprochement avec Cuba, maintient les efforts en Irak et en Syrie pour détruire l'EI… En Afghanistan, par exemple, dans un discours en août, il a annoncé son intention de faire pression sur le Pakistan, d'augmenter les troupes… Pas très novateur. Et même sur la Corée du Nord, derrière les tweets menaçants où il promet « le feu et la fureur », il négocie en coulisse avec la Chine. Quant à l'Iran, l'administration annonce depuis le début qu'elle va renoncer à l'accord sur le nucléaire signé par Barack Obama, que Trump a qualifié d' » un des pires accords jamais négociés ». Près d'un an plus tard, les États-Unis sont toujours dans l'accord, même si Trump a refusé de « certifier » le fait que Téhéran respecte ses engagements.
« En résumé, un an de doctrine Trump n'a pas fondamentalement changé les intérêts américains ou la politique étrangère américaine, mais a modifié la réputation et l'image des États-Unis qui ont toutes les deux décliné de façon continue », écrit Sahar Khan, du Cato Institute. Si l'impact de cette politique n'est pas encore très visible, c'est parce que « les énormes échecs en politique étrangère sont comme un infarctus, conclut Eliot Cohen. Le vertige et les palpitations qu'on ressent aujourd'hui augurent bien pire demain. »
VIDÉOS. Depuis son accession à la Maison-Blanche, il multiplie les embardées et les volte-face diplomatiques. Sans que l'on distingue la cohérence de sa politique.
DE NOTRE CORRESPONDANTE À WASHINGTON, HÉLÈNE VISSIÈRE
Modifié le 07/12/2017 à 10:38 - Publié le 07/12/2017 à 08:47 | Le Point.fr
Il aime, dit-il, se montrer imprévisible pour dérouter et désarçonner ses adversaires. Mais, après presque un an à la Maison-Blanche, le mode de fonctionnement de Donald Trump a un petit air connu. L'annonce, hier, de la reconnaissance de Jérusalem comme la capitale d'Israël en est un bon exemple.
Le président n'aime rien tant que de susciter le chaos, de créer l'incertitude en allant à l'encontre de l'orthodoxie. Mettre un grand coup de pied dans la fourmilière lui permet de négocier un meilleur « deal », de faire plaisir à sa base qui adore le voir renverser l'ordre établi et de se montrer comme un type hardi. Contre l'avis de ses alliés, de son secrétaire d'État et de son ministre de la Défense, il a donc décidé de transférer l'ambassade américaine à Jérusalem, une rupture totale avec la politique américaine. Donald Trump remplit ainsi une promesse de campagne, ravit son électorat évangélique et ses riches donateurs pro-Israël. Tant pis si ça déclenche une vague de violences au Moyen-Orient.
Lire également sur ce sujet l'interview de l'historien Vincent Lemire : « Trump n'a pas mesuré que Jérusalem est une ville-monde »
De la même manière, il s'est retiré de l'accord de Paris, a menacé de sortir de l'accord sur le nucléaire irakien. Un jour il vante les mérites du leader japonais, le lendemain il menace de se retirer d'un accord commercial bilatéral, souffle le froid et le chaud sur la Chine… Alors que son secrétaire d'Etat Rex Tillerson se trouve à Pékin pour discuter de la Corée du Nord, Trump déclare par tweet que c'est « un gaspillage de temps ».
Les avancées restent maigres
En bon joueur de poker, il aime également le risque. Même si ça conduit à la bombe atomique. Et il prend ses décisions plus en fonction des rapports qu'il développe avec ses homologues que des intérêts stratégiques de l'Amérique. Il est proche de Netanyahu, et Xi Jinping, qu'il promettait pourtant d'écraser, est devenu son meilleur ami, ce qui explique qu'il ménage la Chine et ne critique plus ses excédents budgétaires.
Mi-novembre, à son retour d'un voyage en Asie, Donald Trump s'est vanté en disant que sa politique avait restauré la puissance et le respect envers l'Amérique. « La confiance renouvelée et la position dans le monde de l'Amérique n'ont jamais été si fortes que maintenant », a-t-il affirmé. Il donne comme exemple sa rhétorique musclée contre l'Otan qui a poussé certains membres à augmenter leur contribution financière, le fait que le Canada et le Mexique soient en train de renégocier le Nafta… « Il y a un peu de vrai dans le fait que le président a réussi à recadrer les débats et à pousser les gens vers ses positions », estime Rosa Brooks, professeur à l'université de Georgetown.
Mais les avancées restent maigres. Ses menaces ont peu d'effets sur Kim Jong-un, qui continue de balancer des missiles de plus en plus perfectionnés. Les pays du Nafta ne se sont toujours pas mis d'accord, la Chine et la Russie prennent la place laissée par l'Amérique, le Mexique ne paie pas son mur, les pays d'Asie finalisent le TPP sans les États-Unis.. Il a réussi à se mettre à dos la plupart des alliés, à commencer par l'Allemagne. Selon Sigmar Gabriel, le ministre des Affaires étrangères allemand, l'administration Trump voit trop souvent l'Europe comme « un rival et parfois même comme un adversaire économique ».
Sa stratégie semble inconsistante, voire incohérente
D'où les critiques qui l'accusent d'affaiblir l'influence des États-Unis, de déstabiliser la planète et d'accroître les chances d'une guerre. « Il a fait un job extraordinaire pour détruire la crédibilité américaine dans le monde », estime Eliot Cohen, un ex-conseiller de la secrétaire d'État Condoleezza Rice et un critique acerbe du président. Les chefs d'État qui ne le prennent pas au sérieux « ont déjà commencé à reformer les alliances et à reconfigurer les réseaux de l'économie mondiale en passant outre les États-Unis et en réduisant son standing ».
Pour Aaron David Miller, vice-président du think tank Woodrow Wilson International Center for Scholars et grand spécialiste du Moyen-Orient, » jouer les perturbateurs peut être une politique plausible si elle est exécutée comme un effort pour concevoir et mettre en place des politiques alternatives ». Mais Donald Trump n'en a pas. Dans beaucoup de dossiers, sa stratégie semble inconsistante, voire incohérente. Il a justifié la reconnaissance de Jérusalem comme capitale en disant que c'était « une nouvelle approche et une manière neuve de penser ». Mais l'ambassade ne va pas être transférée avant plusieurs années et cela met en danger le plan de paix sur lequel travaille depuis des mois son gendre.
Derrière les gesticulations, il suit souvent la politique d'Obama. Mais ne le lui dites pas, ça l'énerve.
Il a fait ami avec la Chine, continue la politique de rapprochement avec Cuba, maintient les efforts en Irak et en Syrie pour détruire l'EI… En Afghanistan, par exemple, dans un discours en août, il a annoncé son intention de faire pression sur le Pakistan, d'augmenter les troupes… Pas très novateur. Et même sur la Corée du Nord, derrière les tweets menaçants où il promet « le feu et la fureur », il négocie en coulisse avec la Chine. Quant à l'Iran, l'administration annonce depuis le début qu'elle va renoncer à l'accord sur le nucléaire signé par Barack Obama, que Trump a qualifié d' » un des pires accords jamais négociés ». Près d'un an plus tard, les États-Unis sont toujours dans l'accord, même si Trump a refusé de « certifier » le fait que Téhéran respecte ses engagements.
« En résumé, un an de doctrine Trump n'a pas fondamentalement changé les intérêts américains ou la politique étrangère américaine, mais a modifié la réputation et l'image des États-Unis qui ont toutes les deux décliné de façon continue », écrit Sahar Khan, du Cato Institute. Si l'impact de cette politique n'est pas encore très visible, c'est parce que « les énormes échecs en politique étrangère sont comme un infarctus, conclut Eliot Cohen. Le vertige et les palpitations qu'on ressent aujourd'hui augurent bien pire demain. »