Rokia Traoré : "Peu importe notre religion, il faut respecter l'oeuvre du Créateur"
Matthieu Stricot, envoyé spécial à Fès - publié le 17/06/2014
Le Mali, l'Afrique et le dialogue entre les cultures et les religions sont les thèmes développés par Rokia Traoré dans son album Beautiful Africa. La chanteuse malienne s'est produite à Fès (Maroc) samedi 14 juin à l'occasion du Festival des Musiques Sacrées du Monde. Après un concert généreux et plein d'énergie dans l'enceinte du musée Batha, elle répond au Monde des Religions.
© Festival des Musiques Sacrées de Fès
Votre musique exprime votre attachement à vos racines maliennes en même temps qu’elle dessine un paysage du continent africain. Quelles sont sources d'inspiration ?
En Afrique, nous grandissons avec des sources d'inspiration impérissables. Nous recevons une éducation très chaleureuse. J'ai aussi eu la chance de voyager depuis très jeune en Europe et au Moyen-Orient. J'ai toujours eu des choses à raconter. Cela développe une capacité de s'ouvrir à beaucoup de choses. Je viens de plusieurs mondes, le Mali et la Belgique en premier lieu. Je suis consciente qu'il y a une forme de solitude dans cette situation-là.
Pour beaucoup d'êtres humains, notre peur de l'autre nous pousse à nous enfermer dans notre bulle. Pour lutter contre ce phénomène, la meilleure façon de transmettre, c'est de jouer, de composer.
Vous êtes particulièrement engagée depuis le début de la crise au Mali...
Nous essayons de maintenir notre énergie contre les perturbations et les crises en Afrique en général. L’une de mes plus grosses déceptions est que la crise malienne intervient après celles de Guinée et de Côte d'Ivoire. Comment pouvons-nous ne pas nous respecter à ce point-là ? En Afrique, tous les prétextes sont bons pour s'entretuer. C'est insupportable. Il est temps qu'une partie de la société civile prenne les choses en main. Dieu n'a demandé à personne de tuer les pratiquants d'autres religions. La religion pose des règles de vivre-ensemble. Si ces règles deviennent des règles de tuerie, je ne les soutiens plus.
Comment faire évoluer les mentalités ?
La culture et les arts vont jouer un rôle certain. Même si dans les pays africains, on a toujours l'impression d'avoir d’autres urgences, comme la faim et la santé. Mais à quoi ça sert de remplir des ventres et de soigner des gens, s’ils finissent par s'entretuer ? Sans la culture et l'éducation, on n'arrivera pas à coopérer. La culture et les arts sont des vecteurs d'intégration.
Quel message spirituel souhaitez-vous faire passer ?
Je dis souvent que je suis croyante. Mais je suis devenue allergique à l'idée des religions en voyant les problèmes créés par les conflits religieux. Peu importe notre confession : chrétiens, bouddhistes ou musulmans... Je crois profondément en un Créateur de ce monde. Quel que soit le nom qu'on lui donne, il faut avant tout respecter son œuvre magnifique.