Y a-t-il trop d’églises en France ?
Isabelle de Gaulmyn, le 25/06/2017 à 11h59
Chaque samedi, dans la chronique « faut-il y croire », sur France Inter, Isabelle de Gaulmyn décrypte une question religieuse dans l’actualité.
Du samedi 24 juin au dimanche 2 juillet, les églises sont invitées à rester ouvertes, et proposer des manifestations non religieuses : concerts, exposition, conférences, etc… C’est l’occasion de se pencher sur les églises en France, avec d’abord cette question : n’y a-t-il pas trop d’églises en France ?
Si elle n’était pas devenue prison, cette magnifique abbaye l’abbaye du Mont-Saint-Michel serait sans doute aujourd’hui en ruines.
Si elle n’était pas devenue prison, cette magnifique abbaye l’abbaye du Mont-Saint-Michel serait sans doute aujourd’hui en ruines. / MIGUEL MEDINA/AFP
De fait, la France compte plus de 42 000 églises, très exactement 42 258 églises et chapelles en France qui sont desservies par l’Église catholique ! Ce chiffre ne diminue pas, il reste en réalité très stable. Depuis 2000, seules 28 églises ont été démolies, c’est donc très peu. C’est qu’on ne ferme pas une église comme cela. En France, c’est très impopulaire, bien plus que dans d’autres pays. Dès que l’on veut détruire une église, généralement, tout le quartier se mobilise, bien au-delà des catholiques pratiquants.
D’ailleurs, les premiers à protester ne sont paradoxalement pas ceux qui vont à la messe le dimanche. Les pratiquants, eux, souhaitent avant tout un lieu de culte confortable, et sont moins attachés au symbole du clocher. On se souvient de l’affiche de François Mitterrand en 1981 (La force tranquille), qui avait très bien compris l’attachement des Français, quels qu’ils soient, à leurs églises.
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Mais puisque la pratique religieuse baisse, toutes ces églises ne sont pas utilisées ?
Non, c’est vrai. La pratique religieuse diminue, le nombre de prêtres capables de desservir une église aussi, (certains prêtres ont plus de 70 clochers !), on regroupe les messes sur un chef-lieu, et ce que les gens trouvent généralement, quand ils voient une église, c’est une porte close. Le problème, ce n’est pas qu’il y ait trop d’églises en France, mais qu’il y ait autant d’églises fermées et inutilisées aujourd’hui.
On ne peut pas obliger les gens d’aller à la messe
Non, rassurez-vous ce n’est pas mon propos. Mais on peut concevoir d’autres usages pour les églises, c’est d’ailleurs ce que l’on commence à faire, avec cette nuit des églises. Car à qui appartiennent les églises ? Depuis 1905, aux communes, ou bien à l’État quand il s’agit de cathédrales. Donc à nous tous. Seules les églises construites après 1905 sont propriétés de l’Église. C’est le cas de 2 000, sur les 42 258, on voit que c’est très peu… La loi de séparation prévoit donc que ces églises sont propriétés des communes, mais elle les laisse gratuitement à la disposition des fidèles et des ministres du culte pour la pratique de leur religion.
Mais rien, dans la loi, ne dit qu’elles ne doivent servir qu’à célébrer des messes. Déjà au XVIIIe siècle, il y avait eu toute une réflexion sur l’usage des bâtiments d’églises, à l’époque, c’était parce qu’on trouvait l’Église catholique trop riche, et qu’on voulait qu’elle fasse un meilleur usage de tous ses biens. On avait alors parlé des trois missions du lieu : le culte bien sûr. Mais aussi la charité : en Italie, par exemple, à Rome, la communauté sant’Egidio organise régulièrement dans son église du Trastevere des repas pour les démunis, sans que cela ne gêne personne. Et puis aussi une fonction d’art, au moins d’art sacré (concert, expositions de tableau…).
EXPLICATION : Une église, qu’est-ce que c’est ?
Les catholiques pratiquants, et les prêtres, qui sont de moins en moins nombreux, doivent désormais accepter que ces églises soient « copartagées », pour qu’elles restent vivantes : des églises peuvent être parfois des lieux de répétition de spectacles, de réunions, d’hébergement des associations, bref, ce qui les maintient vivantes, tout en restant des lieux de culte.
Enfin, quand on ne peut vraiment plus utiliser une église pour le culte, qu’il n’y a plus de communauté catholique assez nombreuse, il vaut sans doute mieux la désaffecter (la désacraliser) et lui trouve un autre usage, que de la laisser dépérir, ou de la démolir.
Boîtes de nuit
Il y a des night-clubs dans d’anciennes églises, désaffectées bien sûr. Ce qui est intéressant, c’est que le nom même du lieu révèle ce passé : à Bruxelles, le Spirito, à Anger, une discothèque qui s’appelle la chapelle…
À vrai dire, c’est quand même exceptionnel. On a d’autres reconversions plus classiques d’église : à Lyon, une ancienne église, de Saint Bernard, va être par exemple reconvertie en centre d’affaire.
Ce qui est plus intéressant, ce sont de nouveaux usages qui émergent, à l’initiative souvent des habitants, pour en faire des lieux de vie, pour le lien social, dans les quartiers, ce que, au fond, ont toujours été les églises. À Hem par exemple, dans le Nord, une église est devenue, sous l’impulsion de ses habitants une épicerie et un centre solidaire. On est là dans une certaine tradition de l’église, un lieu de socialisation, de protection aussi, quand on se souvient qu’au Moyen Âge, les églises étaient d’abord des lieux d’accueil pour des personnes pauvres, recherchées, qui y bénéficiaient du droit d’asile.
Enfin, pour ceux qui s’inquiètent de voir une église devenir autre chose qu’un lieu de culte, il faut bien se dire que les choses ne sont jamais écrites une fois pour toutes : après la Révolution française, il n’y avait plus de moines pour l’abbaye du Mont-Saint-Michel, et heureusement, plutôt que d’être démolie, elle a été transformée en prison (où ont été enfermés des militants de la révolution de 1848). Avant qu’une petite communauté de moines bénédictins la réinvestisse, en 1969… remplacés eux-mêmes en 2002 par les communautés monastiques de Jérusalem… Si elle n’était pas devenue prison, cette magnifique abbaye serait sans doute aujourd’hui en ruines…
http://www.la-croix.com/Religion/Catholicisme/France/Y-trop-deglises-France-2017-06-25-1200857857