chambre des représentants néerlandaise a voté jeudi 22 février à une très forte majorité une mention évoquant le génocide arménien.
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« Nous rendrons hommage aux victimes et aux proches de tous les massacres de minorités » , a déclaré Sigrid Kaag, qui fait fonction de ministre des affaires étrangères. / YIANNIS KOURTOGLOU/AFP
Les députés néerlandais ont fait un pas jeudi 22 février vers la reconnaissance du génocide arménien. Plus de vingt pays ont déjà, d’une façon ou d’une autre, adopté des positions similaires.
Les députés néerlandais reconnaissent le génocide arménien
C’est très largement, par 142 voix contre 3, que la chambre basse du Parlement néerlandais a approuvé jeudi 22 février une motion proposant
« que le Parlement parle en termes clairs du génocide arménien ». Elle a également approuvé l’envoi d’un représentant de l’État à Erevan le 24 avril – jour de la commémoration des massacres perpétrés entre 1915 et 1917 sous l’Empire ottoman.
Après ce vote, le gouvernement a toutefois aussitôt affiché ses distances avec la motion parlementaire.
« Nous partageons toujours le désir de voir les parties impliquées se réconcilier, mais le gouvernement voit la manière d’y parvenir différemment de la motion proposée », a déclaré Sigrid Kaag, qui fait fonction de ministre des affaires étrangères.
« Nous rendrons hommage aux victimes et aux proches de tous les massacres de minorités », a-t-elle dit, soulignant que le gouvernement ne jugera pas s’il s’agit ou non d’un génocide.
De son côté, Ankara a «
pris note » de la position du gouvernement, tout en condamnant «
la décision prise aujourd’hui par la chambre des représentants des Pays-Bas de reconnaître comme génocide les événements de 1915 », selon un communiqué du ministère turc des affaires étrangères.
Plus de vingt pays ont reconnu le génocide
Les Arméniens estiment qu’un million et demi des leurs ont été tués de manière systématique à la fin de l’Empire ottoman entre 1915 et 1917. Nombre d’historiens ont reconnu qu’il y avait bien eu un génocide, et certains pays leur ont, à des degrés divers, emboîté le pas.
L’Armenian National Institute, créé à Washington en 1997, a ainsi enregistré 28 reconnaissances. Dans la plupart des cas, il s’agit cependant d’initiative parlementaire, sans force de loi ou sans aval de l’exécutif. À l’image de la Chambre des députés du parlement tchèque qui avait, en avril 2017, adopté une résolution condamnant « le génocide arménien et les génocides d’autres minorités ethniques et religieuses qui se sont produits dans les frontières de l’Empire Ottoman au cours de la Première Guerre Mondiale ».
Rares sont donc les pays où ces déclarations se traduisent par une inscription dans la loi nationale. C’est toutefois le cas de la France, depuis l’adoption d’une loi le 29 janvier 2001. L’Uruguay et l’Argentine ont pris des initiatives similaires. En 2007, Cristina Kirchner, alors présidente argentine, avait ainsi promulgué une loi faisant du 24 avril – référence au 24 avril 1915, premier jour des atrocités – une journée nationale « d’action de tolérance et de respect entre les peuples » en hommage aux victimes du génocide arménien.
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La question revient régulièrement dans l’actualité aux États-Unis. À plusieurs reprises la Chambre des représentants, l’une des deux enceintes du Congrès, a voté des textes condamnant ou mentionnant le génocide – en 1975, en 1984 et en 1996. Mais aucun n’a donné lieu à un vote favorable au Sénat.
Par ailleurs, le terme, utilisé par Ronald Reagan en 1981, a depuis disparu des déclarations officielles. Alors qu’il était sénateur à Washington, Barack Obama était pourtant intervenu en 2008 pour souligner que le «
génocide arménien était un fait largement documenté ». Candidat à la présidence, il s’était engagé à le reconnaître en cas de victoire. Durant ses huit années à la Maison-Blanche, il s’est pourtant abstenu d’utiliser cette expression.
Il est vrai que la Turquie est un allié des États-Unis au sein de l’Otan, même si les relations entre Washington et Ankara connaissent régulièrement des moments de tensions en raison de différends géopolitiques.
Gilles Biassette