La fixation du dogme
Vers 318, le prêtre alexandrin Arius enseigne que Dieu n'a pas toujours été Père, et qu'il y eut un temps où le Fils, le Logos, n'était pas. Ce Logos est seulement l'une des nombreuses puissances créées par Dieu. Muable par nature, il aurait pu pécher comme nous. Ainsi, le Fils n'est pas véritablement Dieu, bien qu'on l'appelle ainsi. L'unique vrai Dieu est le Père inengendré. Les ousiai – « substances » – du Père, du Fils et du Saint-Esprit sont séparées et totalement dissemblables.
Arius heurtait ainsi des aspirations très profondes dont on trouve l'expression théologique dans le traité Sur l'incarnation du Logos (v. 318) d'Athanase. Pour Athanase, le Logos est devenu homme afin que les hommes deviennent dieux. Le péché avait voué les hommes à une corruption dont l'aboutissement était la mort. En prenant une chair, le Logos a « récapitulé » en lui l'humanité tout entière et l'a revêtue de sa propre incorruptibilité. Le baptême permet à tout homme de participer à cette divinisation. Une telle idée du christianisme ne pouvait s'accommoder des thèses d'Arius : si le Christ n'est Dieu que nominalement, comment attendre de lui une véritable divinisation de l'homme ?
Arius fut condamné en 325 par un concile réuni à Nicée. Ce premier « concile œcuménique » adopta une formule de foi, où on lit notamment : « Nous croyons [...] en un seul Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, engendré Fils unique du Père, c'est-à-dire de la substance[ousia]du Père, Dieu de Dieu, Lumière de Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu, engendré non pas créé, consubstantiel[homoousios]au Père. » Le Saint-Esprit est simplement mentionné. Ce symbole est suivi d'un anathématisme : « Ceux qui disent : „il y eut un temps où il n'était pas“ [...] et qui disent qu'il a été tiré du néant ou d'une autre hypostase ou ousia, [...] l'Église catholique les anathématise. »
Ce texte trahit peut-être l'influence occidentale. Il est très peu origénien : la notion de Logos en est absente ; hypostasis y prend le même sens qu'ousia, et il ne reste donc plus de nom pour la pluralité des personnes. Quant au terme homoousios, il souleva immédiatement de vives oppositions : on lui reprochait d'être étranger au langage biblique et de favoriser le sabellianisme. Le concile de Nicée ouvrit ainsi une crise qui devait durer plus d'un demi-siècle, opposant les nicéens, groupés autour d'Athanase, aux « ariens », coalition hétéroclite de disciples d'Arius, de théologiens conservateurs et de continuateurs d'Origène. Un accord fut finalement trouvé entre les modérés des deux camps : on adopta définitivement l'homoousios ; mais on revint à la formule origénienne de la Trinité : une seule ousia en trois hypostases ou personnes. Le second concile œcuménique, réuni à Constantinople en 381, put ainsi reprendre à son compte le symbole de Nicée, mais sans l'anathématisme final et avec un complément où la divinité du Saint-Esprit est indirectement affirmée.
Pour l'essentiel, le dogme trinitaire a dès lors sa formulation définitive. La génération du Fils et la procession du Saint-Esprit à partir du même et unique Père garantissent unité de la substance divine et fondent la distinction de trois personnes co-immanentes, qui « ne se distinguent ni par le temps, ni par le lieu, ni par la volonté, ni par la manière d'être, ni par l'action, ni par aucune des passions, qu'elles semblent avoir à l'égard des hommes ; elles diffèrent seulement en ce que le Père est Père et non Fils, et que le Fils est Fils et non Père, et, semblablement, que l'Esprit-Saint n'est ni Père ni Fils », comme l'a écrit Grégoire de Nysse (De communibus