[size=36]Peut-on se faire "débaptiser" ?[/size]
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Ne se reconnaissant pas, ou plus, dans l’Église catholique, certaines personnes voudraient se faire « débaptiser ». Est-ce possible ?
Une pratique, venue d'Allemagne, conduit certains chrétiens à vouloir se faire « débaptiser ». Outre-Rhin, il s'agit souvent d'échapper à l'impôt ecclésiastique. En France, la démarche est désintéressée et vise plutôt à mettre en conformité le statut religieux d'une personne avec ses convictions d'adulte. Encore faut-il connaître le sens historique et théologique du baptême.
Voir aussi sur croire.com
- Livrets de baptême : Amicie, Amélie et Maxime
- La purification par l'eau
Celui-ci a été conçu par l'Église primitive comme un « plongeon » (
baptisma) unique pour toute la vie. En une seule fois, le baptisé est lavé de toute faute et, selon l'image de Tertullien, il vivra, tel un poisson, immergé dans cette Eau vive qui lui apporte sa nourriture spirituelle et son inspiration profonde.
"L'Enfance baptismale émerge du pécheur", écrivait Verlaine qui célébrait le premier sacrement, celui que peut donner même un « païen » quand l'urgence le requiert : le baptême est le seul bien au monde qu'un homme puisse donner sans l'avoir. Naguère, nombre de sages-femmes et de nourrices ont accompli le "geste qui sauve" en baptisant des nouveau-nés fragiles. En 314, le concile d'Arles (confirmé, en 1439, par le concile de Florence) admit la validité du baptême administré par un hérétique : pour que l'âme puisse recevoir son souffle vital (son «
pneumatique » dit le grec), on ne va pas récuser le donateur, pas plus que le naufragé n'enquête sur le sauveteur qui tend une bouée. Et malgré de nombreux schismes, les Églises rivales admettent qu'il n'y a qu'un seul baptême et que jamais on ne rebaptise. La tunique du Christ peut bien se déchirer, son Esprit demeure unique.
Quant au "certificat" de baptême, il doit beaucoup à la forme écrite du droit romain qui servit de référence aux règles de l'Église. "Les écrits restent, les paroles passent", pensaient les juristes latins et leur adage servit à inscrire les promesses du baptême. Au contraire, le bouddhisme est né dans une civilisation orale : les premières écritures indiennes attestées datent de l'empereur Ashoka qui vécut deux siècles après le Bouddha historique. L'équivalent bouddhiste du baptême est donc une formule orale :
"Je prends refuge dans le Bouddha, dans sa Loi (
dharma) et dans ses moines (
sangha)". Et cette prise de Refuge n'est pas définitive : elle peut se reprendre à tout moment. C'est d'ailleurs pourquoi il est si difficile d'estimer le nombre de bouddhistes occidentaux, dont certains n'ont adhéré que temporairement à la doctrine de l'Éveillé.
Enfin, le baptême est l'entrée dans une famille spirituelle, l'Église, où le parrain et la marraine sont les parents adoptifs. Logiquement, si un chrétien veut se faire débaptiser, il devrait leur demander de revenir sur ce qu'ils ont promis et signé. Car le baptême d'un enfant ou d'un adulte n'est pas seulement une adhésion individuelle. C'est une démarche collective où la communauté chrétienne reçoit un nouveau membre sans rien lui imposer, lui proposant de rejoindre, suivant la formule de Paul Éluard, "la foule immense où l'homme est un ami".
du 14 janvier 1998Odon Vallet, docteur en droit et en sciences des religions. Article paru dans La Croix le 14 janvier 1998.