Rappel du premier message :
Prédestination
Prédestination. Le terme prédestination désigne le décret divin par lequel serait déterminée la destinée temporelle et éternelle des créatures. Elle représenterait le but voulu par Dieu de toute éternité en ce qui concerne le salut ou le rejet des individus. Elle se distinguerait ainsi de l’élection qui porterait sur le choix de collectivités ou de personnes en vue de la réalisation historique ou eschatologique du plan divin. C’est là une définition courante. L’Ancien Testament présente essentiellement le mystère de l’élection en Israël, peuple mis à part, sélectionné, choisi en vue d’une vocation spéciale. L’élection se caractérise par une libre décision de Dieu dont le conseil souverain ne peut être modifié (#Ps 115:3 ; #De 4:35). Car Dieu est le dispensateur de toutes choses : des biens et des maux (#Job 1:21 ; #Am 3:6 ; #Esa 45:6 et suivants).
L’élection d’Israël n’est toutefois pas une fin en soi. Elle est un moyen, le moyen par lequel Dieu poursuit son plan de réalisation du Royaume. Quand Dieu choisit Abram, ce n’est pas par une mesure purement personnelle et arbitraire. L’Alliance avec lui et sa postérité vise la bénédiction de toutes les familles de la terre (#Ge 12:2 et suivants). Ainsi en est-il pour Israël (#Ex 19:3-6 ; #De 4:34, etc.). L’élection n’est donc pas une prédestination qui décréterait une destinée irrévocable des individus.
La prédestination occupe incontestablement une grande place dans le Nouveau Testament. L’Évangile fait état clairement de la souveraineté de la décision divine, du choix de Dieu antérieur à toute décision humaine en vue du salut des individus (#Mt 10:29 et suivants ; #Lu 10:20; 12:32 ; #Mt 25:34, etc.). La connaissance même de Dieu est révélée comme librement donnée par Lui à ceux qu’Il choisit (#Mt 11:25-27; 12:39).
Le 4e évangile donne des affirmations de Jésus plus nettement prédestinatiennes encore que les synoptiques ! Les Juifs ne croient pas parce qu’ils ne peuvent comprendre Jésus (#Jn 8:43,47) ; nul ne vient à Christ si le Père ne l’attire (#Jn 6:44). Tous ceux qui sont destinés à Christ viendront à lui (#Jn 6:37). C’est Christ qui a choisi ses disciples #Jn 15:16 et le Christ les connaît depuis le commencement (#Jn 13:18). Et pourtant, cette doctrine ne supprime pas, dans le 4e évangile, les affirmations relatives à la responsabilité des incroyants.
Les tenants d’une prédestination rigoureuse prétendent se fonder sur les écrits de Paul. Il est évident que les chapitres 9 et 11 de l’épître aux Romains pris isolément semblent appuyer une doctrine de la double prédestination : « Il fait miséricorde à qui Il veut, et Il endurcit qui Il veut » (#Ro 9:14-18). Mais qu’on relise attentivement les chapitres, qu’on les relise à la lumière de tout le contexte paulinien, et on se rendra compte que toute la théologie de Paul relative à l’élection, comme à la prédestination individuelle, repose sur 2 principes :
1. le croyant est prédestiné en Christ à devenir semblable à Christ (#Ro 8:28 ; #Ep 1:5,11; 3:11 ; #Ga 1:4) ;
2. Cette prédestination est le seul fait de la volonté souveraine de Dieu. L’action humaine ne peut rien contre cette volonté. L’initiative du salut appartient à Dieu seul.
À cet égard, Paul prétend maintenir sans discussion la gratuité absolue du salut. Et il rejette d’autre part sans réserve, l’idée que la condamnation des réprouvés serait une injustice divine, et que leur endurcissement n’engagerait point leur responsabilité, aussi bien que le quiétisme des croyants. « Travaillez à votre salut... » (#Ph 2:12). « Combats le bon combat de la foi... » (#1Ti 6:12). « Prêche la parole » (#2Ti 4:2, etc.). Qu’il s’agisse là d’affirmations humainement paradoxales, c’est un fait, et l’apôtre l’a reconnu lorsqu’il a écrit : « Ô profondeur de la richesse et de la sagesse de Dieu ! Que ses jugements sont insondables, et ses voies incompréhensibles ! » (#Ro 11:33).
La position des autres écrits du Nouveau Testament corrobore celle de Paul. Et l’on peut dire que toute l’Écriture « affirme d’une part la souveraineté sans condition de la volonté de Dieu, l’initiative divine toujours unilatérale, qui s’exprime dans l’élection et la vocation et se confond éternellement avec la prédestination ; d’autre part, la gratuité du salut, qui ne dépend jamais des œuvres, mais toujours de la foi en cette gratuité » (c’est pour avoir méconnu ce principe qu’Israël, élu de Dieu, s’est endurci et a mérité la perte provisoire des prérogatives de son élection) — « sans que pour cela la nécessité de la réponse humaine de l’obéissance et le fait de la responsabilité soient le moins du monde méconnus ou minimisés » (Dictionnaire Encyclopédique Westphal, article Prédestination, colonne II, page 424).
Faut-il nous tourner vers la théologie, et spécialement vers la Réforme, pour trouver une explication valable du dogme de la prédestination ? Inutile de nous arrêter ici sur la théologie scolastique qui, fondée sur le mérite des œuvres, ne peut soutenir qu’une prédestination fort fantaisiste. Par contre, la Réforme, surtout avec Calvin, a repris en les rendant plus rigides, les thèses de saint Augustin sur la grâce divine seule cause du salut, irrésistible et inamissible. Réagissant contre la vertu des œuvres et la médiation salvatrice nécessaire de l’Église, les Réformateurs ont accentué le caractère souverain de la grâce, et cherché la source et l’assurance du salut dans une prédestination plus ou moins inconditionnée.
Calvin, dans son Institution de la Religion chrétienne, ira jusqu’à affirmer une double et implacable prédestination que Dieu aurait prononcée de toute éternité (chapitres 21 à 24, Livre III). « Nous appelons prédestination, écrit-il, le conseil éternel de Dieu, par lequel Il a déterminé ce qu’Il voulait faire d’un chacun homme. Car Il ne les crée pas tous en pareille condition, mais ordonne les uns à la vie éternelle, les autres à éternelle damnation ! »
Le dogme de la double prédestination élaboré par Calvin ne se justifie ni par l’Ancien Testament, ni par le Nouveau Testament « J’ai mis devant toi la vie et la mort, dit l’Éternel à son peuple. Choisis la vie » (#De 30:15-20). « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés », écrit Paul (#1Ti 2:4). Il faut lire, d’autre part, les chapitres 14 à 20 du livre III de l’Institution sur les misères du chrétien et la nécessité de demeurer en Christ ; sur la liberté chrétienne et sur la prière ; il faut lire le chapitre 7 du livre III relatif à la vie chrétienne, au renoncement à nous-mêmes et au devoir de la charité, pour se rendre compte que si Calvin nie la liberté sur le plan théorique, il l’affirme sur le plan pratique. Il ne faut pas oublier, de plus, que Calvin n’a consacré que 70 pages de son ouvrage colossal à la défense de la double prédestination. L’explication de ces 70 pages, il faut la chercher simplement dans la réaction du Réformateur contre les théories d’une Église qui préconisait le salut par les œuvres par le moyen de son magistère. Contre Rome qui persécute, martyrise et excommunie ceux qui refusent son autorité souveraine, Calvin dresse le magistère de la seule souveraineté de Dieu. Et ce faisant, il pousse son raisonnement jusqu’à l’extrême. Le dogme de la double prédestination a été, dans le temps de la Réformation, un moyen d’affranchissement, une source de consolation, une assurance invincible pour un très grand nombre de pauvres consciences, comme l’a écrit Eugène Choisy (Calvin, éducateur des consciences, page 121). À ce seul titre, elle pourrait justifier sa place dans le labeur théologique de la Réforme.
La portée temporaire, dans le cadre historique du XVIe siècle, de la double prédestination calvinienne, Calvin semble l’avoir soulignée lui-même en écrivant bien d’autres pages que nous avons rappelées plus haut sur la liberté et la responsabilité humaine, pages qui sortent de l’élément purement transitoire de la discipline, pour faire corps avec la doctrine même du réformateur. Après cela Calvin, homme de la Bible, laissant au Saint-Esprit le soin d’éclairer pour lui l’Écriture tout entière et de dire le dernier mot, corrige lui-même les rigueurs d’un dogme excessif.
Ces quelques réflexions doivent nous permettre de comprendre mieux la pensée de Calvin, et de rendre justice à son amour passionné pour la Bible, Parole de Dieu. Somme toute, au lieu de nous laisser troubler en lisant Calvin devant des conclusions en apparence contradictoires, reconnaissons avec lui (comme avec Paul) que traduit les vérités divines est chose humainement impossible. Car la Bible affirme la prédestination, et elle affirme la reponsabilité humaine. La Bible affirme la prédestination mais elle ne la commente jamais au point de déclarer que les uns sont ordonnés à la vie éternelle, les autres à la damnation éternelle. Dieu ne maudit pas par ordonnance préétablie. Les malédictions d’Israël (#Ge 16), ou de Moab (#No 22 ; cf. #De 23:2-3), par exemple, paraissent nettement provoquées par des causes humaines, individuelles ou collectives, et être, de toute façon, consécutives à ces causes : désobéissance, infidélité, non-observance de la Loi (#Ga 3:10, etc.). Sur le comment et le pourquoi de la prédestination, la Bible laisse planer le plus grand mystère, réservant à Dieu seul la connaissance d’une doctrine qui demeure son secret, et qui ne devient perceptible à l’homme, dans le sens d’une prédestination au salut, que lorsque l’homme est passé par la nouvelle naissance (cf. #Ep 1:3 et suivants).
En définitive, c’est parce que pour la Réforme, et pour Calvin lui-même, la prédestination, loin d’être un sujet de spéculation, est demeurée le mystère de Dieu, c’est pour cela que — sous des apparences contradictoires — les Réformateurs ont pu restaurer le diptyque de la Révélation, c’est-à-dire, d’un côté la souveraineté de Dieu et la gratuité de la justification, de l’autre la liberté humaine de choix et la nécessité de l’effort de sanctification. C’est pour cela que la Réforme, loin d’entraver le zèle apostolique a été un puissant instrument de l’action missionnaire.
Copyright Editions Emmaüs
Prédestination
Prédestination. Le terme prédestination désigne le décret divin par lequel serait déterminée la destinée temporelle et éternelle des créatures. Elle représenterait le but voulu par Dieu de toute éternité en ce qui concerne le salut ou le rejet des individus. Elle se distinguerait ainsi de l’élection qui porterait sur le choix de collectivités ou de personnes en vue de la réalisation historique ou eschatologique du plan divin. C’est là une définition courante. L’Ancien Testament présente essentiellement le mystère de l’élection en Israël, peuple mis à part, sélectionné, choisi en vue d’une vocation spéciale. L’élection se caractérise par une libre décision de Dieu dont le conseil souverain ne peut être modifié (#Ps 115:3 ; #De 4:35). Car Dieu est le dispensateur de toutes choses : des biens et des maux (#Job 1:21 ; #Am 3:6 ; #Esa 45:6 et suivants).
L’élection d’Israël n’est toutefois pas une fin en soi. Elle est un moyen, le moyen par lequel Dieu poursuit son plan de réalisation du Royaume. Quand Dieu choisit Abram, ce n’est pas par une mesure purement personnelle et arbitraire. L’Alliance avec lui et sa postérité vise la bénédiction de toutes les familles de la terre (#Ge 12:2 et suivants). Ainsi en est-il pour Israël (#Ex 19:3-6 ; #De 4:34, etc.). L’élection n’est donc pas une prédestination qui décréterait une destinée irrévocable des individus.
La prédestination occupe incontestablement une grande place dans le Nouveau Testament. L’Évangile fait état clairement de la souveraineté de la décision divine, du choix de Dieu antérieur à toute décision humaine en vue du salut des individus (#Mt 10:29 et suivants ; #Lu 10:20; 12:32 ; #Mt 25:34, etc.). La connaissance même de Dieu est révélée comme librement donnée par Lui à ceux qu’Il choisit (#Mt 11:25-27; 12:39).
Le 4e évangile donne des affirmations de Jésus plus nettement prédestinatiennes encore que les synoptiques ! Les Juifs ne croient pas parce qu’ils ne peuvent comprendre Jésus (#Jn 8:43,47) ; nul ne vient à Christ si le Père ne l’attire (#Jn 6:44). Tous ceux qui sont destinés à Christ viendront à lui (#Jn 6:37). C’est Christ qui a choisi ses disciples #Jn 15:16 et le Christ les connaît depuis le commencement (#Jn 13:18). Et pourtant, cette doctrine ne supprime pas, dans le 4e évangile, les affirmations relatives à la responsabilité des incroyants.
Les tenants d’une prédestination rigoureuse prétendent se fonder sur les écrits de Paul. Il est évident que les chapitres 9 et 11 de l’épître aux Romains pris isolément semblent appuyer une doctrine de la double prédestination : « Il fait miséricorde à qui Il veut, et Il endurcit qui Il veut » (#Ro 9:14-18). Mais qu’on relise attentivement les chapitres, qu’on les relise à la lumière de tout le contexte paulinien, et on se rendra compte que toute la théologie de Paul relative à l’élection, comme à la prédestination individuelle, repose sur 2 principes :
1. le croyant est prédestiné en Christ à devenir semblable à Christ (#Ro 8:28 ; #Ep 1:5,11; 3:11 ; #Ga 1:4) ;
2. Cette prédestination est le seul fait de la volonté souveraine de Dieu. L’action humaine ne peut rien contre cette volonté. L’initiative du salut appartient à Dieu seul.
À cet égard, Paul prétend maintenir sans discussion la gratuité absolue du salut. Et il rejette d’autre part sans réserve, l’idée que la condamnation des réprouvés serait une injustice divine, et que leur endurcissement n’engagerait point leur responsabilité, aussi bien que le quiétisme des croyants. « Travaillez à votre salut... » (#Ph 2:12). « Combats le bon combat de la foi... » (#1Ti 6:12). « Prêche la parole » (#2Ti 4:2, etc.). Qu’il s’agisse là d’affirmations humainement paradoxales, c’est un fait, et l’apôtre l’a reconnu lorsqu’il a écrit : « Ô profondeur de la richesse et de la sagesse de Dieu ! Que ses jugements sont insondables, et ses voies incompréhensibles ! » (#Ro 11:33).
La position des autres écrits du Nouveau Testament corrobore celle de Paul. Et l’on peut dire que toute l’Écriture « affirme d’une part la souveraineté sans condition de la volonté de Dieu, l’initiative divine toujours unilatérale, qui s’exprime dans l’élection et la vocation et se confond éternellement avec la prédestination ; d’autre part, la gratuité du salut, qui ne dépend jamais des œuvres, mais toujours de la foi en cette gratuité » (c’est pour avoir méconnu ce principe qu’Israël, élu de Dieu, s’est endurci et a mérité la perte provisoire des prérogatives de son élection) — « sans que pour cela la nécessité de la réponse humaine de l’obéissance et le fait de la responsabilité soient le moins du monde méconnus ou minimisés » (Dictionnaire Encyclopédique Westphal, article Prédestination, colonne II, page 424).
Faut-il nous tourner vers la théologie, et spécialement vers la Réforme, pour trouver une explication valable du dogme de la prédestination ? Inutile de nous arrêter ici sur la théologie scolastique qui, fondée sur le mérite des œuvres, ne peut soutenir qu’une prédestination fort fantaisiste. Par contre, la Réforme, surtout avec Calvin, a repris en les rendant plus rigides, les thèses de saint Augustin sur la grâce divine seule cause du salut, irrésistible et inamissible. Réagissant contre la vertu des œuvres et la médiation salvatrice nécessaire de l’Église, les Réformateurs ont accentué le caractère souverain de la grâce, et cherché la source et l’assurance du salut dans une prédestination plus ou moins inconditionnée.
Calvin, dans son Institution de la Religion chrétienne, ira jusqu’à affirmer une double et implacable prédestination que Dieu aurait prononcée de toute éternité (chapitres 21 à 24, Livre III). « Nous appelons prédestination, écrit-il, le conseil éternel de Dieu, par lequel Il a déterminé ce qu’Il voulait faire d’un chacun homme. Car Il ne les crée pas tous en pareille condition, mais ordonne les uns à la vie éternelle, les autres à éternelle damnation ! »
Le dogme de la double prédestination élaboré par Calvin ne se justifie ni par l’Ancien Testament, ni par le Nouveau Testament « J’ai mis devant toi la vie et la mort, dit l’Éternel à son peuple. Choisis la vie » (#De 30:15-20). « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés », écrit Paul (#1Ti 2:4). Il faut lire, d’autre part, les chapitres 14 à 20 du livre III de l’Institution sur les misères du chrétien et la nécessité de demeurer en Christ ; sur la liberté chrétienne et sur la prière ; il faut lire le chapitre 7 du livre III relatif à la vie chrétienne, au renoncement à nous-mêmes et au devoir de la charité, pour se rendre compte que si Calvin nie la liberté sur le plan théorique, il l’affirme sur le plan pratique. Il ne faut pas oublier, de plus, que Calvin n’a consacré que 70 pages de son ouvrage colossal à la défense de la double prédestination. L’explication de ces 70 pages, il faut la chercher simplement dans la réaction du Réformateur contre les théories d’une Église qui préconisait le salut par les œuvres par le moyen de son magistère. Contre Rome qui persécute, martyrise et excommunie ceux qui refusent son autorité souveraine, Calvin dresse le magistère de la seule souveraineté de Dieu. Et ce faisant, il pousse son raisonnement jusqu’à l’extrême. Le dogme de la double prédestination a été, dans le temps de la Réformation, un moyen d’affranchissement, une source de consolation, une assurance invincible pour un très grand nombre de pauvres consciences, comme l’a écrit Eugène Choisy (Calvin, éducateur des consciences, page 121). À ce seul titre, elle pourrait justifier sa place dans le labeur théologique de la Réforme.
La portée temporaire, dans le cadre historique du XVIe siècle, de la double prédestination calvinienne, Calvin semble l’avoir soulignée lui-même en écrivant bien d’autres pages que nous avons rappelées plus haut sur la liberté et la responsabilité humaine, pages qui sortent de l’élément purement transitoire de la discipline, pour faire corps avec la doctrine même du réformateur. Après cela Calvin, homme de la Bible, laissant au Saint-Esprit le soin d’éclairer pour lui l’Écriture tout entière et de dire le dernier mot, corrige lui-même les rigueurs d’un dogme excessif.
Ces quelques réflexions doivent nous permettre de comprendre mieux la pensée de Calvin, et de rendre justice à son amour passionné pour la Bible, Parole de Dieu. Somme toute, au lieu de nous laisser troubler en lisant Calvin devant des conclusions en apparence contradictoires, reconnaissons avec lui (comme avec Paul) que traduit les vérités divines est chose humainement impossible. Car la Bible affirme la prédestination, et elle affirme la reponsabilité humaine. La Bible affirme la prédestination mais elle ne la commente jamais au point de déclarer que les uns sont ordonnés à la vie éternelle, les autres à la damnation éternelle. Dieu ne maudit pas par ordonnance préétablie. Les malédictions d’Israël (#Ge 16), ou de Moab (#No 22 ; cf. #De 23:2-3), par exemple, paraissent nettement provoquées par des causes humaines, individuelles ou collectives, et être, de toute façon, consécutives à ces causes : désobéissance, infidélité, non-observance de la Loi (#Ga 3:10, etc.). Sur le comment et le pourquoi de la prédestination, la Bible laisse planer le plus grand mystère, réservant à Dieu seul la connaissance d’une doctrine qui demeure son secret, et qui ne devient perceptible à l’homme, dans le sens d’une prédestination au salut, que lorsque l’homme est passé par la nouvelle naissance (cf. #Ep 1:3 et suivants).
En définitive, c’est parce que pour la Réforme, et pour Calvin lui-même, la prédestination, loin d’être un sujet de spéculation, est demeurée le mystère de Dieu, c’est pour cela que — sous des apparences contradictoires — les Réformateurs ont pu restaurer le diptyque de la Révélation, c’est-à-dire, d’un côté la souveraineté de Dieu et la gratuité de la justification, de l’autre la liberté humaine de choix et la nécessité de l’effort de sanctification. C’est pour cela que la Réforme, loin d’entraver le zèle apostolique a été un puissant instrument de l’action missionnaire.
Copyright Editions Emmaüs