Les mormons veulent convertir la communauté chinoise
Djamila Ould Khettab - publié le 26/04/2011
Comment "trouver Dieu"? Missionnaires mormons dans le Sud de la France, Elder Gubbay et Elder Buss répondent sans hésiter : dans l’Evangile ‘rétabli’ qu’ils prêchent à longueur de journées dans les rues d’Aix-en-Provence. Un prosélytisme pleinement assumé.
"Connaissez-vous ce Livre ?" Par cette question énigmatique deux missionnaires mormons, tailleur et cravate pincée, abordent les passants, un livre à la couverture bleue cartonnée à la main. Elder Gubbay et Elder Buss sillonnent les rues d’Aix-en-Provence à la recherche de nouvelles recrues. Leur cible préférée: la communauté chinoise (1) de la ville, essentiellement des étudiants de passage.
Derrière le titre honorifique de "Elder", inscrit sur l’insigne noir qu’ils ne quittent jamais, se cachent David Gubbay, un français de 23 ans fraîchement diplômé d’HEC, et Jarek Buss, un ressortissant américain de 19 ans, tout droit venu du Wyoming. "Nés dans l’Eglise", ils ont hérité de leurs parents respectifs la foi en l’Evangile. En mission dans le Sud de la France pour l’Eglise des Saints des Derniers Jours, ils approfondissent leur connaissance des Textes sacrés et enseignent aux personnes en quête de spiritualité. Un "travail à temps plein de deux ans". En l’espace de dix semaines, ils ont appris au centre de formation de Provo, dans l'Etat de l'Utah, les techniques du prosélytisme et des rudiments de chinois.
En novembre 2010, Elder Buss atterrissait à Aix, rejoint en février par Elder Gubbay, encore considéré comme un "bleu", un petit nouveau. Aucun missionnaire ne choisit sa destination, c'est la prière de l’un des douze 'apôtres', les mains sur le dossier de candidature, qui détermine le lieu d'affectation et la langue d'enseignement. Leur journée s’égrène au gré des rencontres fortuites ou programmées. Le but: présenter le Plan de Salut et garnir les rangs de la chapelle, située sur l’avenue Marius Jouveau, qui rassemble une centaine de fidèles.
Toute distraction étant purement proscrite, la dévotion est sans faille. Seules quelques bribes de conversation des membres les tiennent informer de la catastrophe naturelle qui a dévasté le Japon ou des révolutions populaires qui secouent le monde arabe. Levés chaque matin à 6h29, Elder Gubbay et Elder Buss s’offrent une minute de méditation. Une recommandation de Michel Carter, président de mission installé à Toulouse.
Un rituel immuable démarre alors : une prière pour bénir la journée, trente minutes d’exercices physiques pour se maintenir en forme, deux heures de théologie, et une heure de chinois. Seul un rendez-vous peut exceptionnellement perturber ce programme. "Notre priorité est d’enseigner", rappelle Elder Buss. Sac à dos sur les épaules et un exemplaire du Livre de Mormon dans les mains, direction leur "bureau", l’Institut de Religion au bas de la rue Schuman.
En chemin, les deux missionnaires arrêtent chaque adulte, sans distinction. "La rue c’est clairement là où nous sommes le moins efficaces", reconnaît Elder Gubbay. Ils essuient plusieurs refus sans toutefois être désabusés. "Ce Livre est vrai et j’ai envie que tout le monde le sache", clame-t-il. L’approche est invariable et la politesse toujours de mise mais le discours sait s’adapter au public.
Aux mères encombrées d’une poussette, le refrain sur la famille éternelle sert d’accroche, avoue Elder Gubbay. Confondus à tort avec les Témoins de Jéhovah, qui stationnent tantôt près du parc Jourdan, tantôt près de la Rotonde, les mormons tiennent à se démarquer de cette secte reconnue. "Ils nous cherchent parfois la bagarre", s’en amuse Elder Buss. Le ton peut aussi monter avec les badauds.
La mission en France est redoutée, les jeunes 'élus' se cognant à l’esprit cartésien du pays. Laurent, une carrure massive d’une trentaine d’années, se dresse face eux. "C’est une colonisation !" Or, Elder Gubbay et Elder Buss n’ont célébré pour l’heure qu’un seul baptême. "Il ne faut pas se laisser affecter", préconise Elder Gubbay, aguerri aux vindictes. "Nous sommes catalogués comme une Eglise américaine, c’est comme vendre du Coca Cola", ajoute-t-il.
A la sortie de la faculté de droit, Santa Maria, une femme mûre, interrompt la série noire. Son numéro de téléphone griffonné dans leur répertoire, le duo poursuit avec le sourire. "That’s a snap", lancent-ils dans le jargon du missionnaire pour désigner un contact potentiel. Arrivés à l’Institut, ils y retrouvent Ansoir, débarqué de son île des Comores natale. Un archipel où la confession religieuse dominante est l’islam. T-shirt à l’effigie de Bob Marley assorti d’une paire de jeans usés et customisés, William Coq fait son entrée.
Entre deux cours à la fac de lettres, William donne de son temps, chaque rendez-vous devant se tenir en présence d’une tierce personne, un membre de l’Eglise de préférence. Autre règle majeure: tout entretien commence et se clôt par une prière. "Pour inviter l’esprit de Dieu et le remercier", précise Elder Buss. Sous le bruit sourd d’un karcher s’acharnant sur la dalle, la leçon porte sur la relation "littéralement filiale" entre Dieu et les Hommes. L’Etre suprême possède un "corps fait de chair et d’os, magnifié et parfait", découvre Ansoir.
En suivant ses commandements, les fidèles ont la possibilité d’atteindre sa perfection. A l’appui, l'Êpitre aux Romains, chapitre 8 versets 16 et 17 de la Bible. Pour les missionnaires, la croyance en Dieu est la première étape, encore faut-il la densifier. Ansoir est invité à prier, lire le ‘Livre’ et assister à la sainte cène dominicale. Au tour de Marie, fluette étudiante en histoire de l’art, accompagnée de son amie Marti. Chassés par le vrombissement infernal du karcher, le second rendez-vous est improvisé dans un coin de verdure.
L’histoire du prophète Joseph Smith est à l’honneur. Après la révélation de Dieu en 1820, Joseph a traduit des plaques d’or léguées par l’ange Moroni, desquelles il a tiré le Livre de Mormon. Contraints de quitter Palmyra dans l’Etat de New York, berceau du mouvement religieux, les premiers disciples, furent brutalement repoussés vers l’Ouest. L’Ohio. Le Missouri. Guidés par le prophète Birgham Young, les ‘pionniers’ échouèrent finalement sur la terre ocre de l’Utah, en 1847.
Aujourd’hui épicentre du mormonisme, Salt Lake City abrite le siège de l’Eglise de Jésus Christ et son temple accueille la Conférence Générale biannuelle, une grand-messe qui attire les adeptes de par le monde. Ici, pas de crucifix. A la place, une discrète sculpture dorée de l’ange Moroni trône au sommet. Les unions maritales y sont scellées et les baptêmes des ancêtres célébrés. Un baptême par procuration pour combattre l’injustice de ceux qui n’ont pu recevoir la plénitude de l’Evangile de leur vivant, revendique l’Eglise.
"Quelle est la différence avec le protestantisme?", demande Marie. La Réforme est un changement de ce qui est tandis que l’Eglise mormone parle d’un rétablissement de vérités retirées de Terre et restituées grâce à la révélation de Dieu à Joseph Smith, répondent les missionnaires en chœur. Assis à ses côtés, Elder Buss dépose le 'Livre' entre les mains de Marti, qu’elle s’empresse de feuilleter. "Il ne remplace pas la Bible, il la complète", dit-il.
LA SUITE ICI.
http://www.lemondedesreligions.fr/actualite/les-mormons-veulent-convertir-la-communaute-chinoise-26-04-2011-1464_118.php
Djamila Ould Khettab - publié le 26/04/2011
Comment "trouver Dieu"? Missionnaires mormons dans le Sud de la France, Elder Gubbay et Elder Buss répondent sans hésiter : dans l’Evangile ‘rétabli’ qu’ils prêchent à longueur de journées dans les rues d’Aix-en-Provence. Un prosélytisme pleinement assumé.
"Connaissez-vous ce Livre ?" Par cette question énigmatique deux missionnaires mormons, tailleur et cravate pincée, abordent les passants, un livre à la couverture bleue cartonnée à la main. Elder Gubbay et Elder Buss sillonnent les rues d’Aix-en-Provence à la recherche de nouvelles recrues. Leur cible préférée: la communauté chinoise (1) de la ville, essentiellement des étudiants de passage.
Derrière le titre honorifique de "Elder", inscrit sur l’insigne noir qu’ils ne quittent jamais, se cachent David Gubbay, un français de 23 ans fraîchement diplômé d’HEC, et Jarek Buss, un ressortissant américain de 19 ans, tout droit venu du Wyoming. "Nés dans l’Eglise", ils ont hérité de leurs parents respectifs la foi en l’Evangile. En mission dans le Sud de la France pour l’Eglise des Saints des Derniers Jours, ils approfondissent leur connaissance des Textes sacrés et enseignent aux personnes en quête de spiritualité. Un "travail à temps plein de deux ans". En l’espace de dix semaines, ils ont appris au centre de formation de Provo, dans l'Etat de l'Utah, les techniques du prosélytisme et des rudiments de chinois.
En novembre 2010, Elder Buss atterrissait à Aix, rejoint en février par Elder Gubbay, encore considéré comme un "bleu", un petit nouveau. Aucun missionnaire ne choisit sa destination, c'est la prière de l’un des douze 'apôtres', les mains sur le dossier de candidature, qui détermine le lieu d'affectation et la langue d'enseignement. Leur journée s’égrène au gré des rencontres fortuites ou programmées. Le but: présenter le Plan de Salut et garnir les rangs de la chapelle, située sur l’avenue Marius Jouveau, qui rassemble une centaine de fidèles.
Toute distraction étant purement proscrite, la dévotion est sans faille. Seules quelques bribes de conversation des membres les tiennent informer de la catastrophe naturelle qui a dévasté le Japon ou des révolutions populaires qui secouent le monde arabe. Levés chaque matin à 6h29, Elder Gubbay et Elder Buss s’offrent une minute de méditation. Une recommandation de Michel Carter, président de mission installé à Toulouse.
Un rituel immuable démarre alors : une prière pour bénir la journée, trente minutes d’exercices physiques pour se maintenir en forme, deux heures de théologie, et une heure de chinois. Seul un rendez-vous peut exceptionnellement perturber ce programme. "Notre priorité est d’enseigner", rappelle Elder Buss. Sac à dos sur les épaules et un exemplaire du Livre de Mormon dans les mains, direction leur "bureau", l’Institut de Religion au bas de la rue Schuman.
En chemin, les deux missionnaires arrêtent chaque adulte, sans distinction. "La rue c’est clairement là où nous sommes le moins efficaces", reconnaît Elder Gubbay. Ils essuient plusieurs refus sans toutefois être désabusés. "Ce Livre est vrai et j’ai envie que tout le monde le sache", clame-t-il. L’approche est invariable et la politesse toujours de mise mais le discours sait s’adapter au public.
Aux mères encombrées d’une poussette, le refrain sur la famille éternelle sert d’accroche, avoue Elder Gubbay. Confondus à tort avec les Témoins de Jéhovah, qui stationnent tantôt près du parc Jourdan, tantôt près de la Rotonde, les mormons tiennent à se démarquer de cette secte reconnue. "Ils nous cherchent parfois la bagarre", s’en amuse Elder Buss. Le ton peut aussi monter avec les badauds.
La mission en France est redoutée, les jeunes 'élus' se cognant à l’esprit cartésien du pays. Laurent, une carrure massive d’une trentaine d’années, se dresse face eux. "C’est une colonisation !" Or, Elder Gubbay et Elder Buss n’ont célébré pour l’heure qu’un seul baptême. "Il ne faut pas se laisser affecter", préconise Elder Gubbay, aguerri aux vindictes. "Nous sommes catalogués comme une Eglise américaine, c’est comme vendre du Coca Cola", ajoute-t-il.
A la sortie de la faculté de droit, Santa Maria, une femme mûre, interrompt la série noire. Son numéro de téléphone griffonné dans leur répertoire, le duo poursuit avec le sourire. "That’s a snap", lancent-ils dans le jargon du missionnaire pour désigner un contact potentiel. Arrivés à l’Institut, ils y retrouvent Ansoir, débarqué de son île des Comores natale. Un archipel où la confession religieuse dominante est l’islam. T-shirt à l’effigie de Bob Marley assorti d’une paire de jeans usés et customisés, William Coq fait son entrée.
Entre deux cours à la fac de lettres, William donne de son temps, chaque rendez-vous devant se tenir en présence d’une tierce personne, un membre de l’Eglise de préférence. Autre règle majeure: tout entretien commence et se clôt par une prière. "Pour inviter l’esprit de Dieu et le remercier", précise Elder Buss. Sous le bruit sourd d’un karcher s’acharnant sur la dalle, la leçon porte sur la relation "littéralement filiale" entre Dieu et les Hommes. L’Etre suprême possède un "corps fait de chair et d’os, magnifié et parfait", découvre Ansoir.
En suivant ses commandements, les fidèles ont la possibilité d’atteindre sa perfection. A l’appui, l'Êpitre aux Romains, chapitre 8 versets 16 et 17 de la Bible. Pour les missionnaires, la croyance en Dieu est la première étape, encore faut-il la densifier. Ansoir est invité à prier, lire le ‘Livre’ et assister à la sainte cène dominicale. Au tour de Marie, fluette étudiante en histoire de l’art, accompagnée de son amie Marti. Chassés par le vrombissement infernal du karcher, le second rendez-vous est improvisé dans un coin de verdure.
L’histoire du prophète Joseph Smith est à l’honneur. Après la révélation de Dieu en 1820, Joseph a traduit des plaques d’or léguées par l’ange Moroni, desquelles il a tiré le Livre de Mormon. Contraints de quitter Palmyra dans l’Etat de New York, berceau du mouvement religieux, les premiers disciples, furent brutalement repoussés vers l’Ouest. L’Ohio. Le Missouri. Guidés par le prophète Birgham Young, les ‘pionniers’ échouèrent finalement sur la terre ocre de l’Utah, en 1847.
Aujourd’hui épicentre du mormonisme, Salt Lake City abrite le siège de l’Eglise de Jésus Christ et son temple accueille la Conférence Générale biannuelle, une grand-messe qui attire les adeptes de par le monde. Ici, pas de crucifix. A la place, une discrète sculpture dorée de l’ange Moroni trône au sommet. Les unions maritales y sont scellées et les baptêmes des ancêtres célébrés. Un baptême par procuration pour combattre l’injustice de ceux qui n’ont pu recevoir la plénitude de l’Evangile de leur vivant, revendique l’Eglise.
"Quelle est la différence avec le protestantisme?", demande Marie. La Réforme est un changement de ce qui est tandis que l’Eglise mormone parle d’un rétablissement de vérités retirées de Terre et restituées grâce à la révélation de Dieu à Joseph Smith, répondent les missionnaires en chœur. Assis à ses côtés, Elder Buss dépose le 'Livre' entre les mains de Marti, qu’elle s’empresse de feuilleter. "Il ne remplace pas la Bible, il la complète", dit-il.
LA SUITE ICI.
http://www.lemondedesreligions.fr/actualite/les-mormons-veulent-convertir-la-communaute-chinoise-26-04-2011-1464_118.php