Si de nombreuses incertitudes entourent le Jésus « historique », les textes les plus anciens indiquent qu'il avait des frères et des soeurs. Le Nouveau Testament en dénombre six au minimum : Jacques, Joset, Jude et Simon ; les soeurs, elles, ne sont jamais nommées. Cependant, les relations que Jésus a entretenues avec sa famille ont apparemment été marquées par le conflit. Ses frères « ne croyaient pas en lui », relève l'Évangile de Jean (7, 5), et s'inquiètent : « Il est fou », disent-ils dans l'Évangile de Marc (3, 21). Le jour de la crucifixion, seule Marie est présente. De fait, la famille de Jésus a pu se préoccuper du sort qui le guettait, à une époque où les agitateurs avaient tôt fait d'être mis à mort. Jésus, de son côté, ne s'étonne pas de l'incrédulité des siens : « Un prophète n'est méprisé que dans sa patrie, dans sa parenté et dans sa maison », déplore-t-il (Mc 6, 4). Lui-même semble n'accorder qu'une importance secondaire aux liens du sang. « Si quelqu'un vient à moi sans haïr son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses soeurs, et jusqu'à sa propre vie, il ne peut être mon disciple » (Luc 14, 26). Pourtant, après la mort de Jésus, certains de ses frères assumeront d'importantes responsabilités dans le mouvement chrétien.
Tandis que les frères de Jésus sont nommés dans les Évangiles, ses soeurs sont ignorées. Pourquoi ?
Je ne crois pas qu'il s'agisse vraiment d'un désintérêt envers elles. Cela est sans doute lié au fait que les frères de Jésus ont, par la suite, joué un rôle non négligeable dans la jeune communauté chrétienne - notamment Jacques et Jude -, ce qui n'est pas le cas de ses soeurs. Par ailleurs, dans l'Antiquité, sauf exception, les femmes ne sont jamais citées. Néanmoins, par la suite, des noms ont été donnés aux soeurs de Jésus, notamment chez Épiphane. Mais ils sont très probablement fictifs.
Comment expliquer les relations apparemment conflictuelles que Jésus entretenait avec les siens ?
Je pense que Jésus, de son vivant, a pu entretenir un rapport conflictuel avec sa famille, parce qu'il est un prophète eschatologique à caractère charismatique, c'est-à-dire annonçant le temps final. Or, pour la fin des temps, les questions familiales ne représentent plus aucun intérêt. Cependant, après sa mort, toute sa famille s'est ralliée à Jésus - peut-être parce que Jacques a été gratifié d'une apparition de son frère, ce qui l'a investi d'une grande importance. Par ailleurs, dans les mouvements eschatologiques et charismatiques, le problème qui se pose souvent est celui de la succession. Il existe deux modes de succession possibles : la succession familiale - celle des frères - ou la succession apostolique - celle des disciples. La première voie est symbolisée par Jacques, l'autre par Pierre. Ces deux voies se sont opposées, ce qui, d'un point de vue sociologique, est tout à fait classique...
Dans la fratrie de Jésus, la personnalité la mieux connue est celle de Jacques. Que sait-on de lui ?
D'un point de vue purement historique, on sait assez peu de choses. La documentation provient essentiellement de Flavius Josèphe, ainsi que d'Hégésippe, écrivain chrétien du IIe siècle, et de toute la tradition qui se fonde sur lui jusqu'à Jérôme. D'après les Pères de l'Église, Jacques a dirigé, après Jésus, la jeune communauté de Jérusalem. Luc indique, dans les Actes des Apôtres, qu'il y a eu des querelles de succession entre Jacques et Pierre.
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