Les Témoins de Jéhovah en voie de « normalisation »
Des enquêtes menées sur le terrain
Davy, avril 2015
Publié le 1er mai 2015
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« Mais nous demandons à t’entendre exposer toi-même ce que tu penses :
car, pour ta secte, nous savons bien qu’elle rencontre partout de l’opposition. »
Les Actes des Apôtres 28:22, Traduction Œcuménique de la Bible.
En dehors de ces reportages sur place à l’occasion des assemblées d’été des témoins de Jéhovah, des journalistes ont également mené des enquêtes de terrain très instructives. Il faut l’avouer, hélas, ce n’est pas la règle lorsqu’il s’agit de minorités religieuses. Trop souvent, les auteurs d’articles de presse se contentent de synthétiser les dossiers qui leur sont fournis : au mieux, ils confrontent les différents points de vue ; au pire, ils reproduisent sans vérification des extraits d’un communiqué rédigé par un lobby antisectes.
Contre-enquête face à la propagande antisectes
À la suite du rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les sectes en France, rendu public en janvier 1996, certains journaux locaux ont pris la peine d’aller à la rencontre des mouvements visés pour entendre leurs arguments de défense et pour vérifier par eux-mêmes la situation réelle. Parmi les rares enquêtes approfondies proposées par la presse nationale, celle du magazine Le Point a suivi et observé les témoins de Jéhovah sous un angle assez original. Le numéro du 8 février 1997 affichait pour second titre en page de couverture : « Témoins de Jéhovah : le quadrillage des banlieues [1] ». Jean-Marie Hosatte introduisait son dossier sur l’œuvre de cette communauté dans les cités (tant décriées) par le paragraphe suivant : « Ils sont les nouveaux missionnaires des banlieues. Messagers de la Bonne nouvelle, Bible en main, les Témoins de Jéhovah séduisent d’autant plus les jeunes qu’ils les font participer à la destruction d’un monde dont, Satan, disent-ils, est le dieu. Une enquête édifiante. »
Après avoir décrit les différents groupes sociaux-culturels qui coexistent à la cité de la Grande Borne à Grigny, l’auteur y relève la présence des témoins de Jéhovah. Ces derniers ne respectent pas « les règles de la banlieue » ou « la loi des clans », puisqu’ils proposent « aux jeunes comme aux vieux, aux femmes et aux hommes, aux Blancs et aux Noirs, aux chrétiens, aux juifs, aux musulmans, de devenir “messagers de la Bonne Nouvelle” ». En fait, ils font désormais partie du paysage, à tel point que les jeunes les aidaient à s’échapper des échauffourées lors des grandes émeutes en 1994. Ces évangélisateurs s’intègrent d’autant plus facilement que nombre de jeunes sont issus de ce milieu et ont connu les mêmes galères. C’est le cas de Teddy, qui faisait partie d’une bande dont les autres membres se sont retrouvés en prison. Après avoir étudié la Bible, il a cessé le business du haschisch et autres bêtises de son âge. À 25 ans, il aurait souhaité visiter ses anciens copains pour partager cette nouvelle foi qui l’a bien aidé. Quant à David, il a arrêté de boire, de se droguer et de se battre ; il a même remboursé toutes ses dettes de jeu. Cela a tellement impressionné sa femme Nathalie, qu’elle a abandonné le judaïsme pour rejoindre cette religion qui a véritablement amélioré sa vie de famille.
L’article explique pourquoi les communautés religieuses renaissent au sein des banlieues, selon les aspirations de chacun. Le besoin d’appartenance est l’une des motivations : « On porte la kippa, la barbe ou la croix pour montrer aux autres que l’on est partie intégrante d’une communauté exigeante, rigoureuse, exclusive. » Les jeunes y trouvent une solution à leur inactivité et les témoins de Jéhovah leur permettent plus particulièrement de se consacrer à l’étude de la Bible, à prêcher de porte en porte et à se rendre utiles au sein d’une église locale. Selon un sociologue, puisque le travail, la culture et la réussite sociale leur ont été refusés, les jeunes s’investissent alors dans le sport, la violence ou la religion. Pour l’anecdote, grâce à un réseau de solidarité, beaucoup de jeunes témoins de Jéhovah arrivent aussi à décrocher un premier emploi, ce qu’ils estiment comme « un véritable miracle, suscité par Dieu lui-même, pour récompenser ceux qui décident de vivre dans l’observance rigoureuse de la Bible ».
D’autres recherchent des conseils pratiques pour gérer leur vie quotidienne, allant de la recherche d’un conjoint fiable à l’intégration professionnelle auprès de ses collègues, en passant par les bonnes méthodes pour éduquer ses enfants. Auparavant catholique en Guadeloupe, Florise recherchait sans succès ce genre de repères en Métropole, puis a enfin trouvé tout ce dont elle avait besoin dans la Bible, enseignée par les témoins de Jéhovah. De son côté, Dominique a laissé de côté ses projets politiques, convaincu par la « Bonne Nouvelle » : « J’ai compris que toutes les idéologies se ressemblent. Elles sont éphémères, ne servent à rien qu’à provoquer des guerres et à étendre la misère. La Bible dit la vérité depuis deux mille ans, pourquoi est-ce que j’irais me chercher ailleurs des guides et des modèles ? »
Le juriste Christian Paturel n’est pas étonné du succès plus manifeste au milieu des cités : « Tout ce que nous annonçons depuis un siècle se réalise : la misère, l’épidémie, la violence, le règne de l’argent et l’exclusion, la disparition des valeurs… Pourquoi s’étonner alors que ceux qui sont les plus exposés soient les premiers séduits ? » Effectivement, pour avoir « vécu des milliers de jours qui ne servent à rien », David apprécie d’autant plus de connaître enfin son utilité et son avenir. Il confie au Point son expérience : « Toute ma vie, j’ai cru que j’étais un raté parce que j’étais un zonard. Maintenant, j’ai compris que c’est le monde, tel qu’il est, qui est raté et moi je travaille à le changer en respectant simplement la Bible. » Selon Saad, une autre raison de ce succès réside dans la possibilité de constater par soi-même les bienfaits concrets de ce credo : « Les jeunes qui se convertissent sont attirés par l’exemple de ceux qui ont fait le pas avant eux […] Ils voient simplement que leurs copains convertis accèdent à une vie plus tranquille. »
Un encart décrit l’ampleur de l’organisation religieuse, supervisée par un Collège central d’une quinzaine de membres expérimentés dans l’œuvre d’enseignement biblique. À l’époque, on comptait cinq millions de témoins de Jéhovah dans 229 pays, dont un quart vivaient en Europe. Les différentes filiales de la Watchtower Bible and Tract Society distribuaient (et distribuent encore) gratuitement des livres et brochures par millions, notamment les magazines La Tour de Garde et Réveillez-vous ! publiés dans les années 1990 à plus de 10 millions d’exemplaires en des dizaines de langues, tout cela grâce aux offrandes volontaires des fidèles et des sympathisants.
Tous ces croyants aspirent au Paradis rétabli par le Royaume de Dieu, où « tous vivront sans que la couleur de leur peau, leur fortune ou leur langue servent de prétexte à les exclure de la communauté humaine ». Dès à présent, des dizaines de milliers de témoins de Jéhovah se réunissent chaque semaine à leurs offices religieux, vivant en quelque sorte dans « leur monde parfait ». L’absence de contestations doctrinales favorise la paix et l’unité, comme le suggère le journaliste : « Le respect scrupuleux de ce qui a été écrit ne montre qu’un chemin possible et efface les différences. »
Pour autant, l’appartenance manifeste à cette minorité religieuse n’est pas toujours facile à assumer. Une jeune femme qui s’est détournée de l’Islam connaît les risques importants qu’elle peut subir, certains imams allant jusqu’à enseigner qu’il est du devoir des bons musulmans d’assassiner les apostats. À côté de cela, il est difficile de prétendre encore que les témoins de Jéhovah ont un comportement inhumain avec ceux qui renient leur foi, simplement parce qu’ils leur tournent le dos… Dans le domaine professionnel également, la différence cultuelle peut poser problème. Un encadré s’est penché sur le parcours atypique de Christian Paturel, qui pratiquait la boxe anglaise avant sa conversion et qui a longtemps défendu les libertés publiques devant les tribunaux en faveur de petits groupes spirituels stigmatisés. Si ses qualités professionnelles étaient unanimement reconnues et lui auraient permis d’accéder à la magistrature, sa foi marginale demeurait un véritable obstacle. Car, contrairement à des sociétés secrètes comme la franc-maçonnerie, les témoins de Jéhovah ne cachent pas leur engagement, malgré les soucis que cela peut engendrer. Quelques mois après cet article de presse, cet avocat a été contraint de vendre son cabinet juridique pour avoir dénoncé dans un livre des dérives au sein de puissantes associations de lutte contre les sectes. Il lui aura fallu attendre décembre 2005 pour finalement voir ses droits justifiés par la Cour européenne des droits de l’homme dans la procédure pénale pour diffamation entamée par l’UNADFI [2].
La conclusion de ce dossier n’a pas perdu de sa pertinence : « L’égalité, l’honorabilité, le sentiment d’exister, refusés par les hommes, seront rendus par Dieu à ceux qui se détournent d’un monde moribond. L’impact de ce message est de plus en plus fort aux marges de la cité. Et quelques centaines de démons sont devenus des anges. Mais ils restent des exclus. Armaguédon, l’Apocalypse, attendue, espérée, n’est pas encore venu redistribuer les cartes de la vie. » Et oui, ces « jeunes de la cité » quittent une exclusion pour en endosser une autre. Adopter une nouvelle moralité ne suffit pas à leur permettre d’être mieux acceptés dans la société humaine. Sous prétexte de défendre les libertés, on veut les empêcher de penser et de vivre autrement que la majorité en les mettant à l’index…
Cette investigation menée avec sérieux et sans idée reçue, a suscité des courriers encourageants reproduits dans Le Point. On retiendra spécialement les félicitations du sociologue Régis Dericquebourg, qui étudie les groupes religieux minoritaires en tant que chercheur depuis sa thèse soutenue en 1979 sur les témoins de Jéhovah. Ayant lu avec plaisir cet article « écrit à partir d’une observation de terrain », il a salué « ce vrai journalisme qui n’est ni apologétique ni polémique, mais qui relate une pratique sociale, laissant le lecteur à sa réflexion personnelle d’adulte [3] ».
Les journaux locaux peuvent aussi se donner les moyens de réaliser leur métier de journaliste, qui consiste à vérifier et à recouper les informations obtenues, à diversifier leurs sources et surtout à effectuer leurs propres recherches en allant sur le terrain. Après la polémique relancée fin 2006 par le rapport parlementaire sur les sectes et les mineurs à propos du statut légal des témoins de Jéhovah, le quotidien régional Sud Ouest a entamé une contre-enquête qui répondait à la traditionnelle question : secte ou religion [4] ? Les résultats sont assez bien résumés dans l’introduction : « Pour nombre d’élus et une partie de l’opinion publique, pas de doute. Les Témoins de Jéhovah sont une secte. C’était écrit en 1995 dans le rapport d’une commission parlementaire qui a fait date. Mais, au fil des ans, le mouvement religieux né en 1870 aux États-Unis a gagné en respectabilité. Au point d’être légitimé par des juridictions administratives. »
C’est ce qu’a confirmé le chef du Bureau central des cultes, lors de son audition devant la commission parlementaire présidée par Georges Fenech. Daniel Picotin, président de l’association Info-Sectes Aquitaine, a dû difficilement admettre : « C’est une secte intégrée, une des plus soft ». « Nous sommes le fonds de commerce des associations antisectes », se plaint Frédéric d’une congrégation de Bordeaux. Il pose avec pertinence la question : « Sur Bordeaux, nous sommes un millier. En quoi cette petite minorité peut bouleverser l’ordre établi ? » La stigmatisation publique dont sont victimes ces chrétiens jugés « non conformes » est illustrée par diverses affaires au sein des collectivités publiques : menace de retirer son agrément à une assistante maternelle du Gers si elle ne se retire pas des témoins de Jéhovah ; licenciement d’un employé par une mairie sur le seul motif d’appartenance religieuse ; droit de préemption utilisé par le maire d’Agen pour empêcher un projet de construction d’un centre cultuel ; refus de location d’une salle municipale pour une cérémonie annuelle par les villes de Lyon et du Passage. « Ces excès de pouvoir sont devenus une façon de procéder banale », a expliqué Me Philippe Goni, qui a assuré la défense des témoins de Jéhovah dans la plupart de ces dossiers et s’est réjoui des annulations obtenues devant les juridictions administratives.
Revenant sur la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Églises et de l’État qui s’applique au statut de cette confession, l’enquête de Sud Ouest a rappelé les conditions nécessaires pour revendiquer le statut d’association cultuelle : avoir exclusivement pour objet l’exercice d’un culte, ne mener que des activités en relation avec cet objet, sans oublier que celles-ci ne doivent pas contrevenir à l’ordre public. D’où la légitimité que ce statut offre aux témoins de Jéhovah. Car, si les opposants restent figés sur un arrêt datant de 1985, le Conseil d’État a effectué un revirement de jurisprudence dès 1993 et a reconnu le bénéfice de cette qualité cultuelle à deux associations locales, « abandonnant l’argument selon lequel leur doctrine était constitutive d’un trouble à l’ordre public ». D’ailleurs, depuis la loi Kouchner de 2002, le refus d’une transfusion sanguine « constitue l’exercice d’une liberté fondamentale », selon la plus haute juridiction administrative. Pour ceux qui prétendaient que la reconnaissance ne concernait que les assemblées locales, l’article cite également un arrêt de la Cour d’appel de Versailles qui a confirmé que l’Association cultuelle les Témoins de Jéhovah de France dispose des mêmes privilèges.
Dans un autre style, exempt de tout préjugé ou d’une quelconque tentative de faire du sensationnel, le magazine spécialisé Le Monde des Religions a raconté comment se passe la journée d’une évangélisatrice témoin de Jéhovah [5]. Léopoldine commence sa matinée par rejoindre Virginie, avec qui elle apporte les revues du mois au domicile d’abonnés. Elle aborde ensuite quelques passants dans la rue, toujours la Bible à la main. Elle n’hésite pas à transmettre son message à des voisins de toutes origines. S’il n’accepte pas le Christ en tant que Juif, le patron d’un magasin de chaussures apprécie ces publications et les transmet volontiers à ses apprentis musulmans ou autres. Le voile intégral, que pouvaient porter certaines femmes avant l’interdiction légale, ne l’arrêtait pas : « Elles avaient l’air contentes que j’ose leur parler. » Un peu avant midi, cette mère au foyer quitte son amie pour acheter quelques denrées, propres à son pays de naissance : le Cambodge. Le samedi, c’est son mari Lionel qui s’occupe de mettre la table et de préparer le déjeuner. Le menu du jour ? Raviolis asiatiques, riz et crudités, accompagnés d’une bouteille de rosé. L’alcool consommé avec modération n’est pas interdit, justifie-t-elle : Jésus n’a-t-il pas transformé de l’eau en vin aux noces de Cana ?
Athée en raison d’une éducation reçue dans une famille de tradition bouddhiste, Léopoldine a connu les témoins de Jéhovah chez ses parents et a spécialement été touchée par « cette ambiance de fraternité, cette sociabilité » qui se dégagent des réunions hebdomadaires dans leurs lieux de culte. Convaincue par cette nouvelle foi à la fin des années 1980, elle s’est associée à une congrégation parisienne. Elle a obtenu à l’université une capacité de droit menant à un emploi dans le secrétariat. Quant à son conjoint, élevé par des parents qui ont quitté le judaïsme pour devenir témoins de Jéhovah, il s’est fait baptisé à sa majorité. Malgré la méfiance courante au départ à l’égard d’une religion mal connue, ce couple a réussi à « gagner le respect » de leur entourage.
L’article rappelle brièvement les origines de cette Église : « Né aux États-Unis au XIXe siècle, le mouvement des Témoins de Jéhovah se revendique chrétien, tirant son enseignement de la Bible et prêchant la fin des temps, qui augurerait le retour du Christ et l’avènement du Royaume de Dieu, dans lequel seuls seraient admis les élus, soit ceux qui auraient œuvré à leur salut. » Ils existent en France sous le régime des associations cultuelles depuis le XXe siècle, rassemblent environ 200 000 fidèles et constituent dès lors « la 5e confession religieuse du pays ». À aucun moment dans ces deux pages, il n’est question de « secte » ou d’« adeptes », mis à part la rapide évocation d’accusations portées par la Miviludes.
Léopoldine explique sa position au sujet des transfusions sanguines : « Le sang est sacré, c’est le symbole par excellence de la vie, donc il ne doit pas être consommé. Parfois, on nous a reproché de laisser mourir des enfants à cause de ça. Comment pourrait-on, alors qu’ils sont la vie même ?! » Pour éviter toute confusion, il est rappelé que ces chrétiens se soignent par tout autre traitement, acceptent les interventions chirurgicales, etc. Les enfants ne semblent pas frustrés dans cette famille. La maman leur a appris à lire « pour qu’ils soient autonomes dans l’acquisition du savoir ». Entre les cours de musiques et la lecture des bandes dessinées d’Astérix et Obélix que collectionne le plus jeune, ils ont de quoi se distraire. Quant à l’éducation et à l’attention accordées aux enfants, la journaliste souligne que l’aînée bénéficie régulièrement d’un temps exclusif pour discuter de ses soucis d’adolescente. Le samedi soir, la famille se rend à la « Salle du Royaume », un endroit sobre et fonctionnel pour accueillir une centaine d’assistants, pour participer à l’office composé de cantiques, de prières, de discours puis de discussions bibliques. Un vrai melting-pot issu du quartier de La Chapelle s’y retrouve, tous bien habillés en dépit de moyens parfois modestes. Léopoldine conclut : « Pour moi, être Témoin de Jéhovah, c’est être ouverte au monde qui m’entoure. »
Face à la peur exagérée autour de la fin du monde annoncée pour le 21 décembre 2012, amplifiée par les activistes antisectes et entretenue par la plupart des médias, certains journalistes ont vérifié par eux-mêmes quels étaient réellement les risques d’événements dramatiques. Outre les enquêtes menées sur place à Bugarach, sur lesquelles nous reviendrons dans la troisième partie, quelques-uns sont allés se renseigner auprès des témoins de Jéhovah, souvent associés aux mouvements apocalyptiques par méconnaissance de leur espérance millénariste. En particulier, un reporter de La Voix du Nord s’est rendu à leur réunion hebdomadaire la veille de la date fatidique [6]. Il y a trouvé une cinquantaine de fidèles, chaleureux et souriants, qui y exprimaient ce qu’ils ressentaient après la lecture d’un passage de la Bible ou une explication de texte. Dans une saynète de mise en situation, une chrétienne a répondu à sa voisine qui s’interrogeait sur ces annonces pour le 21 décembre : « Nous savons que le temps est fixé, mais nous ne connaissons pas la date ». D’où l’introduction de l’article constatant avec humour que « les témoins de Jéhovah sont un peu à la traîne […] par rapport aux Mayas ». À la fin de l’office religieux, deux bergers (ou pasteurs) du groupe avesnois ont expliqué qu’il n’y avait pas de craintes à avoir : « On est là plutôt pour rassurer les gens. Les textes bibliques ne donnent ni le jour ni l’heure. Mais d’après les experts tout se dégrade très vite… » Conclusion positive de l’enquête : « On est reparti avec le sourire. Et plein de projets pour l’avenir. »
Un peu plus tôt, un historien interrogé par l’Agence France Presse avait déjà établi l’absence de danger, en relevant ce petit détail amusant : « Quant à la “prédiction” maya, aucun mouvement religieux ne s’y est engouffré : les Témoins de Jéhovah, qui prédisent une fin des temps imminente, publient ainsi une édition spéciale “Fin du monde”… en janvier [7]. »
Une fourmilière efficace pour construire des lieux de culte
L’édification de lieux de culte par la communauté des témoins de Jéhovah demeure un aspect qui impressionne généralement tant les journalistes que le voisinage. Le bénévolat, la coopération et l’efficacité de ces « frères et soeurs » unis par une foi commune sont suffisamment remarquables pour que ces événements reçoivent la plupart du temps des commentaires positifs dans la presse locale.
Dans les années 1980, les témoins de Jéhovah ont particulièrement fait sensation en construisant des salles de réunion en quarante-huit heures. Le premier chantier de ce type en France a été mis en place le week-end des 20 et 21 avril 1985 à La Teste dans la Gironde. Selon une dépêche de l’AFP, un millier de volontaires ont participé à élever un bâtiment avec une ossature en bois de 200 mètres carrés de superficie [8]. Près de 400 d’entre eux proviennent de l’ensemble des corps de métiers nécessaires, dont le travail est supervisé par une équipe d’experts qui a déjà éprouvé ces méthodes novatrices en Grande-Bretagne. Le reste des participants s’occupent de la logistique, de l’infirmerie, de l’intendance… La mairie a gracieusement prêté un terrain à la communauté pour s’y installer durant ces deux jours. Si la dalle de béton a bien évidemment été coulée plusieurs jours avant pour servir de fondations, tous les autres travaux ont commencé samedi matin à 7 heures et se sont achevés le lendemain dans l’après-midi, y compris le revêtement du sol et des murs, ainsi que l’aménagement du jardin à l’extérieur. Tout a été réalisé grâce au bénévolat des fidèles, prenant sur leur temps de loisirs, et à leurs dons spontanés.
Peu de temps après, une autre construction rapide d’une plus grande ampleur a fait la Une des journaux locaux dans l’Aube [9]. « 48 heures pour construire cette “maison champignon” » écrivait sur sa page de couverture L’Est-éclair, avec une photographie du centre cultuel [10]. Les plans prévoyaient deux salles pouvant accueillir 300 personnes en tout, ainsi que de petites salles annexes et les indispensables sanitaires. Près de 1 200 témoins de Jéhovah ont été présents durant ces deux jours, pour permettre une « organisation parfaite de chantier », dont 600 travailleurs qui se sont activés en « synchronisation parfaite ». Le quotidien troyen rappelle que le but du mouvement n’était pas de battre un record, mais de conserver du temps pour l’étude de la Bible et pour les relations familiales. Aucun organisme professionnel, ni aucun engin de levage ne sont intervenus. Deux adjoints au maire se sont déplacés pour découvrir par eux-même ce chantier extraordinaire. De son côté, Libération Champagne titrait « Mille témoins de Jéhovah pour bâtir un “Royaume” en 48 h ». Pour illustrer l’article, un cliché montrait les nombreux volontaires et portait cette légende : « Comme des fourmis, pour construire en deux jours une église de 350 m2. » L’un des responsables a exprimé les motivations de ces chrétiens : « Ce qui nous unit au départ ce sont nos croyances et la manifestation des mêmes qualités provenant de l’application des principes bibliques. Nous ne cherchons pas à nous glorifier mais à en donner le mérite à Jéhovah. Nous tenons aussi à remercier la municipalité chapelaine qui nous a facilité les choses pour l’achat du terrain [11]. »
Les années suivantes, d’autres constructions rapides ont eu lieu pour répondre aux besoins liés au développement de cette confession, avec des rapports favorables dans les médias. Sous le titre « Les castors de Jéhovah », Le Monde a mentionné la construction d’un lieu de culte de 685 mètres carrés en trente-huit heures dans le Val-d’Oise, samedi 18 et dimanche 19 octobre 1986. Au sein d’équipes de couvreurs, de menuisiers, d’électriciens ou de plombiers, deux mille deux cents bénévoles ont participé à la première opération de ce genre menée en Île-de-France [12].
Treize ans plus tard, la machine continuait de tourner avec des bras de volontaires qui se renouvellent en permanence. Dans l’article « Des bâtisseurs d’église à Ribérac » publié en 1999, la Dordogne libre a rapporté comment une dixième salle de culte est née dans le département en un temps record, c’est-à-dire en deux fins de semaines [13]. Les équipes ont été réduites par rapport aux débuts, avec environ 300 bénévoles, sans pour autant perdre en efficacité et en synchronisation entre les différents corps de métiers. Même la météo ne les décourage pas, selon le constat de l’envoyée spéciale : « la foi est un carburant à l’épreuve des intempéries en tous genres ». Les services techniques de la mairie en ont profité pour découvrir de nouvelles méthodes en observant l’avancée des travaux. Rapidité ne signifie pas forcément précipitation ou négligence, puisque les normes de sécurité en vigueur pour un bâtiment ouvert au public ont été respectés en tous points.
En octobre 2010, les rédactions de L’Union / L’Ardennais ont consacré un dossier complet à l’arrivée d’une nouvelle « salle du Royaume » à Rethel dans les Ardennes [14]. Ce lieu de culte de 150 m2 a été construit afin de remplacer une ancienne salle devenue vétuste. Pour l’entreprise chargée du terrassement, les relations se sont passées sans difficulté puisque « tout est bien carré, leur projet est cohérent ». Le patron ne cache pas son étonnement : « Ce qui m’impressionne le plus, c’est leur capacité à travailler ensemble, ils se sont très bien coordonnés, pour construire cet édifice presque terminé et surtout ce sont des bénévoles : ils vont construire eux-mêmes leur temple. » D’ailleurs, le permis de construire a été délivré sans hésitation selon le maire de Rethel : « Cela ne nous pose pas de problèmes particuliers, ce sont des gens honorablement connus sur Rethel, ils sont organisés, discrets. […] J’ai signé le permis de construire, je comprends que des gens s’en inquiètent et se demandent s’il s’agit d’une secte, mais nous n’avons jamais eu aucune plainte à leur encontre, nous n’avons jamais entendu parler d’eux. » Effectivement, il n’y a pas vraiment eu d’hostilité qui se soit manifestée dans le voisinage, d’après les échanges engagés par les journalistes avec les riverains [15]. Pareillement, l’Église catholique reste neutre dans cette affaire et pour l’abbé Collignon, délégué diocésain pour la communication, « a priori, les Témoins de Jéhova[h] peuvent s’installer sans craindre de tracasseries [16] ».
L’un des responsables locaux de cette construction a rappelé que cet édifice a été financé par des offrandes volontaires, construit par une trentaine de bénévoles afin de recevoir une soixantaine de fidèles. La question de l’assimilation courante à un mouvement sectaire est bien sûr abordée : « Nous sommes des chrétiens. On s’attache à ce que dit la Bible. Nos enfants vont à l’école publique, nous sommes bien intégrés dans le tissu social. Il est vrai qu’on a entendu beaucoup de choses fausses sur nous, ce n’est pas plaisant. Pour nous, le nom de Dieu, c’est Jéhovah, Jésus est son fils. Nous sommes une association reconnue sur le plan juridique, nous reconnaissons les lois de 1901 et 1905 sur la séparation de l’église et l’Etat. Quant aux riverains, ils nous connaissent comme prédicateurs et ici nous n’avons pas de soucis avec eux. Ceux qui n’ont pas envie de nous écouter l’expriment, et nous sommes plutôt bien accueillis. Les Ardennais sont des gens assez ouverts à ce genre de discussions. Beaucoup de personnes aujourd’hui sont en quête de spiritualité. Nous proposons un échange de pensée, soit en porte-à-porte, soit sur les marchés. Nous ne sommes pas des fondamentalistes, chacun est libre de penser ce qu’il veut [17]. »
Plus récemment, Le Progrès a titré un article sur la construction d’une future salle du Royaume à Saint-Claude : « Témoins de Jéhovah : ils construisent leur salle plus vite que leur ombre [18] ». En moins de deux mois, 1 200 fidèles de la région Rhône-Alpes ont apporté leur contribution pour transformer un ancien local industriel en un lieu de culte. Les uns travaillent professionnellement dans le bâtiment, les autres reçoivent une formation en interne. Pourtant, « malgré leur nombre, chacun trouve sa place dans les 300 m2 en travaux ». Le responsable a expliqué qu’il était devenu nécessaire d’acquérir un nouvel édifice cultuel, du fait de l’impossibilité de conformer l’ancien aux normes d’accessibilité aux personnes handicapées imposées pour les bâtiments accueillant du public. Un petit encadré « Repères » a relevé qu’en 2001 il existait environ 1 000 salles du Royaume en France et qu’il s’en construisait 4 par jour ouvrable dans le monde. En 2011, 400 comités de constructions régionaux formés au sein des témoins de Jéhovah avaient contribué à la réalisation de 20 000 lieux de culte dans le monde en une seule décennie.
Assistance discrète aux offices publics
Depuis que les témoins de Jéhovah distribuent largement des invitations à la « fête du souvenir » pour commémorer la vie offerte en sacrifice par le Christ et l’espérance qui en découle, les journalistes assistent plus facilement à cet office spécial, bien que leurs autres réunions cultuelles restent ouvertes au public toute l’année.
Au printemps 2010, une première page de l’hebdomadaire normand L’Éveil de Pont-Audemer posait la question « Témoins de Jéhovah : Qui sont-ils vraiment [19] ? » Deux journalistes ont expliqué comment s’est passée leur visite surprise à l’occasion d’une réunion commémorative de la mort de Jésus. Arrivés dans la discrète « salle du Royaume » indiquée par une plaque dorée, les observateurs ont constaté que la célébration a commencé pile à l’heure mentionnée sur l’invitation reçue dans nombre de boîtes aux lettres. Les hommes, les femmes et les enfants, étaient pour la plupart élégamment vêtus pour se réunir dans ce « grand salon », sans crucifix, ni cierge, ni encens. Aussitôt, ils ont été aimablement accueillis et se sont présentés comme de simples curieux. L’un des responsables à l’accueil les a placés là où de rares sièges semblaient encore libres. Tout le monde écoutait silencieusement et vérifiait dans son propre exemplaire de la Bible les versets cités. Un encadré a décrit précisément le déroulement de ce Mémorial, qui correspond au dernier repas partagé par Jésus avec ses apôtres. Après un chant de louange à Dieu et une prière d’introduction, un discours a expliqué l’espérance que nourrissent les chrétiens grâce au sacrifice du Christ : la vie éternelle dans un monde meilleur, sous la direction du Royaume de Dieu. Le seul rituel de la soirée a consisté à faire passer parmi les assistants le pain et le vin, emblèmes qui symbolisent le corps et le sang de Jésus. Un cantique et une prière ont conclu cette cérémonie d’une durée inférieure à une heure.
Interrogé sur l’esprit de communauté et la fréquentation des gens qui ne partagent pas la même foi, l’un des fidèles a expliqué simplement : « quand vous êtes dans une situation gênante ou en compagnie de personnes qui ont des comportements auxquels vous n’adhérez pas, vous ne cherchez pas forcément à les fréquenter ». En fait, il en ressort qu’il n’y a pas d’interdiction, ces rapprochements entre coreligionnaires se font naturellement : les valeurs partagées permettent de se sentir plus à l’aise avec les autres et les activités cultuelles régulières créent des liens. Ces rapprochements entre membres d’une même culture plus ou moins minoritaire sont courants, « comme les musulmans ou les juifs qui restent souvent entre eux » ajoute l’interviewé… Un article séparé examine plus en détail leurs valeurs morales : « Le mode de vie des Témoins de Jéhovah est basé sur les valeurs qu’ils trouvent dans leur interprétation de la Bible. Il se doit de mettre en pratique les principes de la Bible en tout temps : au foyer, au travail et lorsqu’il se divertit. Ils proclament aussi un grand respect pour l’institution familiale. » À partir du témoignage d’un fidèle et de recherches documentaires, les habituelles idées reçues y sont également passées au crible : vraies ou fausses ?
L’année suivante, c’est au tour de L’Écho de la Lys de titrer en Une : « Immersion chez les Témoins de Jéhovah [20] ». Cette fois-ci, intriguée par un dépliant sur la fin des souffrances trouvé dans son courrier, une journaliste du groupe La Voix du Nord s’est rendue à l’une des réunions dominicales de ces « irréductibles » pour qui « Noël sera un jour comme les autres ». Dès son entrée, elle a joué cartes sur table et expliqué sa visite dans le cadre d’une enquête pour la presse régionale. D’abord surpris, les fidèles l’ont saluée avec un sourire de bienvenue. En attendant un responsable, elle a observé des personnes bien habillées, comme des catholiques « endimanchés pour aller à la messe », puis a découvert l’intérieur du lieu de culte, une sorte de « salle des fêtes en mieux » où règne une ambiance chaleureuse. L’orateur du jour a justifié sa méfiance vis-à-vis de la presse, parce qu’elle entretient trop souvent des préjugés. Durant son discours, les assistants ont été encouragés à ouvrir leur Bible et à examiner les passages cités en référence. Un regard discret sur le panneau d’affichage (réflexe de reporter de terrain) a remarqué avec surprise une copie du bilan financier, permettant à chacun de vérifier les comptes de son association locale. Outre les réponses apportées par un responsable de la communication à quatre questions, un petit encart traite brièvement la question : secte ou religion ? Le ministère de l’Intérieur les considère « comme culte à part entière », dont le statut d’association cultuelle a été confirmé par le Conseil d’État. Si les témoins de Jéhovah étaient recensés parmi les sectes par des rapports parlementaires, le gouvernement a rappelé que ces documents n’ont pas force de loi et ne peuvent entraîner aucune mesure discriminatoire. Le directeur général des Renseignements généraux [21] à l’époque est également cité, puisqu’il a estimé en 2007 que « les témoins de Jéhovah ne méritaient pas d’être diabolisés ».
Dans la rubrique « religion », Le Journal de Saône-et-Loire a publié un reportage sur les témoins de Jéhovah du Chalonnais, qui ont ouvert leurs portes à l’occasion de la célébration du « repas du Christ », autrement dit la Cène [22]. Le discours prononcé ce soir-là a parlé essentiellement d’espérance de vie éternelle et invité les assistants à « réfléchir à l’offrande de Jésus qui a fait le sacrifice de son corps ». Deux « anciens » ou pasteurs de l’église locale ont expliqué les grands principes de leur religion, notamment l’obéissance à ceux contenus dans la Bible : « Des conseils nous sont donnés pour corriger personnalité et cultiver les fruits de l’esprit : l’amour, la joie, la paix, la patience, la bienveillance… La Bible nous apporte des bienfaits, comme un médicament pour une maladie. » Dans un billet d’humeur, la chroniqueuse a mentionné les difficultés liées à la rédaction d’un article sur les témoins de Jéhovah [23]. D’abord le débat interne à la rédaction sur la qualification du mouvement en tant que secte et sur l’opportunité d’en parler. Puis les craintes des fidèles face à la presse en général, à l’origine d’articles souvent orientés. La seule condition de laisser le journal assister au « Mémorial » était la relecture de l’article avant parution. En dépit du refus non négociable de la rédaction, la communauté locale de Chalon-sur-Saône a finalement accepté la présence d’une journaliste.
Portes ouvertes et volonté de transparence
Afin de permettre aux voisins et aux élus de mieux faire connaissance, les témoins de Jéhovah saisissent souvent l’occasion d’une nouvelle construction ou d’une rénovation pour ouvrir leurs portes en dehors des offices hebdomadaires. Aussi la congrégation de Somain dans le Nord a-t-elle invité le voisinage à découvrir leurs locaux flambant neufs, dans ce quartier où ils semblent « bien intégrés » et même « fondus dans le paysage » depuis 1989 [24]. Durant trois mois et demi, près de 3 500 volontaires se sont relayés pour remettre en état cet édifice cultuel. L’article de L’Observateur du Douaisis en a profité pour faire le point sur le statut juridique de cette église : « ni secte ni religion » annonce d’emblée le titre de l’encadré. La loi du 9 décembre 1905 prévoyant que les cultes soient organisés sous le régime des associations cultuelles, les témoins de Jéhovah s’y sont conformés. Grâce à une jurisprudence construite en leur faveur, ils ont finalement obtenu des autorités françaises le bénéfice de ce statut cultuel. En effet, comme le rapporte l’hebdomadaire local, le Bureau central des cultes a donné aux préfectures des consignes dans ce sens, avec l’aval du ministre de l’Intérieur.
En décembre 2012, le journal Nord Éclair a proposé en gros titre une enquête exclusive : « Les Témoins de Jéhovah nous ouvrent leurs portes [25] ». C’est ainsi que les journalistes de Lille ont été autorisés à visiter une salle d’assemblée régionale située à Roncq, où se réunissent tout au long de l’année pas moins de 8 500 fidèles du Nord Pas-de-Calais. Le secrétaire de l’association cultuelle des témoins de Jéhovah du Nord a rappelé les origines de ce parc acquis en 1985, dont les bâtiments qui abritaient auparavant une usine de chimie ont été rénovés. Depuis mars 2012, des travaux ont été engagés pour tout remettre à neuf, avec 50 à 80 bénévoles se relayant continuellement. Les relations avec la municipalité s’avèrent cordiales : « Les choses se passent bien. Des élus sont déjà venus visiter les lieux. » En dernier lieu, un contrôle sera effectué par la commission de sécurité relative aux lieux recevant du public. L’article a précisé que l’association régionale du Nord est reconnue cultuelle par l’administration en conformité avec la loi de 1905 et se trouve de fait habilitée à recevoir des dons et legs exonérés d’impôts. Le bilan comptable, déclaré aux autorités, a été consulté en toute transparence : les offrandes sont raisonnables comparées au nombre de fidèles dans la région. « Le don est libre, explique Francis. C’est comme le denier du culte pour l’Église catholique. Chacun sait qu’il y a des besoins. Les offrandes servent à financer tout ce que vous voyez ici. Le but n’est pas l’enrichissement. »
Le nouveau président de la Miviludes, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, a été contacté pour donner son avis officiel sur les témoins de Jéhovah. Serge Blisko a mis en avant « un isolement » des enfants et « une certaine réserve vis-à-vis de l’école ». Au sujet de la transfusion sanguine, il s’est dit satisfait de voir que la législation permet au médecin de transfuser un mineur si sa santé le nécessite. En outre, il a évoqué des affaires d’abus sexuels qui n’auraient pas été dénoncées aux autorités publiques. L’article a poursuivi en soulignant que les témoins de Jéhovah sont élevés au même rang que les grandes religions chez nos voisins européens. Il est cité également l’arrêt du 4 juillet 2012 de la Cour européenne des droits de l’homme condamnant la France à rembourser les premiers versements d’une taxe appliquée à leurs offrandes cultuelles au taux de 60 %, puisque les juges avaient unanimement considéré l’année précédente que le redressement fiscal infligé à l’une des associations nationales constituait une atteinte à la liberté de religion.
Ce même dossier a accordé amplement la parole au représentant régional des témoins de Jéhovah, qui a quitté l’Église catholique au cours des années 1970 pour rejoindre cette dénomination chrétienne. Il a répondu en toute franchise à toutes les questions posées par la presse, même sur les points délicats. Interrogé sur l’actualité brûlante du moment autour du mariage pour tous, Francis s’est exprimé avec beaucoup de respect, loin des phrases chocs tenues par d’autres responsables religieux : « Le principe est simple : la bible n’accepte pas l’homosexualité. L’individu lui-même, nous ne le dénigrons pas. C’est un choix de vie. » Et de confirmer l’attachement de sa religion à la séparation des Églises et de l’État en évitant de prendre part au débat politique sur ce projet de loi. En réponse aux reproches de la Miviludes sur des affaires de pédophilie, Francis a admis que de tels drames ont pu se produire, comme dans d’autres institutions. Cependant, il ne conviendrait pas de juger un groupe à travers des comportements marginaux. Ces criminels sont généralement excommuniés de l’organisation. « La règle qui est établie est très claire, assure-t-il : si un tel acte se produit, l’obligation est de le dire aux autorités. » Et s’ils reviennent en faisant œuvre de pénitence, après avoir purgé leur peine, des mesures de précaution sont systématiquement prises pour protéger les enfants.
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