Accueil > Articles > E-book 2015 > Partie 2 : LA LAÏCITÉ APPLIQUÉE AUX TÉMOINS DE JÉHOVAH
Les Témoins de Jéhovah en voie de « normalisation »
Partie 2 : LA LAÏCITÉ APPLIQUÉE AUX TÉMOINS DE JÉHOVAH
Davy, avril 2015
Publié le 25 avril 2015
facebooklinkedinprintertumblrtwitterviadeo
Dès le premier article de sa Constitution, la République française établit son caractère « laïque » et son respect de toutes les croyances : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. »
Saisi par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité au sujet de la rémunération de certains ministres du culte en Alsace-Moselle, le Conseil constitutionnel a défini récemment les contours de la laïcité en considérant « que le principe de laïcité figure au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit ; qu’il en résulte la neutralité de l’État ; qu’il en résulte également que la République ne reconnaît aucun culte ; que le principe de laïcité impose notamment le respect de toutes les croyances, l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion et que la République garantisse le libre exercice des cultes ; qu’il implique que celle-ci ne salarie aucun culte ». Il en ressort pour l’essentiel que l’État doit rester neutre vis-à-vis des différentes confessions qui exercent leur culte en France et qu’il doit traiter de manière égale tous les citoyens, quelles que soient leur appartenance ou leurs croyances religieuses. Mieux encore, il doit « garantir » le libre exercice de tous les cultes, c’est-à-dire prendre des mesures concrètes pour permettre à chacun de pratiquer sa religion librement, sans discrimination ni restriction, hormis celles qui seraient nécessaires dans une société démocratique pour protéger l’ordre public.
Sollicitée en juin 2013 par le président de l’Observatoire de la laïcité et face à « un contexte de radicalisation d’une partie de la société française sur cette question [1] », la Commission nationale consultative des droits de l’homme a rendu un avis sur « les voies et moyens d’une bonne application du principe de laïcité, respectueuse des libertés fondamentales et du principe de non-discrimination ». Selon le texte adopté le 26 septembre 2013 en assemblée plénière, à l’occasion du premier arrêt de la Cour de cassation en mars 2013 concernant le licenciement d’une salariée voilée au nom de la laïcité par la crèche Baby Loup, les débats « ont mis au jour une méconnaissance de la laïcité, tantôt réduite à un simple principe de tolérance, tantôt déformée jusqu’à réclamer un rejet de tout signe religieux dans l’espace public. Or, non seulement la République “assure la liberté de conscience”, mais la République respectant “toutes les croyances” (article 1er de la Constitution), “garantit le libre exercice des cultes” (article 1er de la loi de 1905). La séparation des églises et de l’État ne doit donc pas être comprise comme visant à l’éviction hors de l’espace public de toute manifestation d’une conviction religieuse [2]. » Au contraire, la CNCDH a cité à cet effet un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne [3], qui a estimé que certaines formes d’atteinte à la manifestation de la religion en public pouvaient constituer une persécution en raison de la religion.
En conclusion, ce document de onze pages avec force références a établi que les « auditions réalisées par la CNCDH et l’étude du droit positif en vigueur montrent qu’en matière de laïcité un équilibre juridique a été trouvé et qu’il n’y a ni pertinence, ni utilité à légiférer aujourd’hui. » Les rares conflits résultent en général d’une mauvaise connaissance de ce sujet complexe, d’où la nécessité de mieux informer le public sur l’arsenal juridique complet et sur les solutions trouvées au cas par cas. L’avis officiel se terminait sur cette mise en garde : « Il faut en tout état de cause rester attentif à toute réforme qui risquerait d’avoir des conséquences négatives, par exemple en privant certaines catégories de la population de l’accès à de nombreux droits (droit à l’éducation, accès à l’emploi…). Il faut se prévenir de toute construction d’une “nouvelle laïcité” plus restrictive et qui risquerait d’enfermer toute expression de la liberté religieuse dans la stricte sphère intime, ce qui serait contraire à la loi de 1905, attentatoire aux libertés fondamentales et au principe d’égalité [4]. » Quant au communiqué de presse qui l’accompagnait, il ajoutait à juste titre que « la laïcité n’est pas un ensemble d’interdictions mais bien une condition de la liberté des citoyens et d’une plus grande neutralité de l’État. »
Les minorités religieuses comme les témoins de Jéhovah devraient alors bénéficier des droits et libertés prévus par la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales signée par les membres du Conseil de l’Europe en 1950. La Cour européenne des droits de l’homme a clairement énoncé « que le libre exercice du droit à la liberté de religion des Témoins de Jéhovah est protégé par l’article 9 de la Convention [5] ». De manière concrète, elle a précisé qu’un « refus de reconnaissance d’une association religieuse, la dissolution de celle-ci, l’emploi de termes péjoratifs à l’égard d’un mouvement religieux constituent des exemples d’ingérences dans le droit garanti par l’article 9 de la Convention, dans sa dimension extérieure et collective, à l’égard de la communauté elle-même mais également de ses membres ». Pourtant, plusieurs dossiers montrent que les témoins de Jéhovah ne bénéficient pas de cette égalité des droits avec les autres religions établies en France. Il a fallu l’intervention des juges siégeant à Strasbourg pour mettre fin à une taxe discriminatoire visant à confisquer les ressources indispensables à l’organisation de leur culte, en violation flagrante de la supposée égalité de tous devant l’impôt. De même, leurs aumôniers rencontrent des embûches pour obtenir l’agrément étrangement limité à une liste de « cultes reconnus » (sic), malgré les injonctions des juridictions françaises pour que le gouvernement assure la liberté de religion aux détenus qui revendiquent cette
INTRODUCTION
Partie 1 : LA PRESSE FACE AU PLURALISME RELIGIEUX
Les citoyens français réhabilités par la CEDH
Aumôneries : les témoins de Jéhovah en voie de « normalisation » en France
Les accusations de dérives sectaires contre les témoins de Jéhovah à l’épreuve du droit
Les Témoins de Jéhovah en voie de « normalisation »
Partie 2 : LA LAÏCITÉ APPLIQUÉE AUX TÉMOINS DE JÉHOVAH
Davy, avril 2015
Publié le 25 avril 2015
facebooklinkedinprintertumblrtwitterviadeo
Dès le premier article de sa Constitution, la République française établit son caractère « laïque » et son respect de toutes les croyances : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. »
Saisi par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité au sujet de la rémunération de certains ministres du culte en Alsace-Moselle, le Conseil constitutionnel a défini récemment les contours de la laïcité en considérant « que le principe de laïcité figure au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit ; qu’il en résulte la neutralité de l’État ; qu’il en résulte également que la République ne reconnaît aucun culte ; que le principe de laïcité impose notamment le respect de toutes les croyances, l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion et que la République garantisse le libre exercice des cultes ; qu’il implique que celle-ci ne salarie aucun culte ». Il en ressort pour l’essentiel que l’État doit rester neutre vis-à-vis des différentes confessions qui exercent leur culte en France et qu’il doit traiter de manière égale tous les citoyens, quelles que soient leur appartenance ou leurs croyances religieuses. Mieux encore, il doit « garantir » le libre exercice de tous les cultes, c’est-à-dire prendre des mesures concrètes pour permettre à chacun de pratiquer sa religion librement, sans discrimination ni restriction, hormis celles qui seraient nécessaires dans une société démocratique pour protéger l’ordre public.
Sollicitée en juin 2013 par le président de l’Observatoire de la laïcité et face à « un contexte de radicalisation d’une partie de la société française sur cette question [1] », la Commission nationale consultative des droits de l’homme a rendu un avis sur « les voies et moyens d’une bonne application du principe de laïcité, respectueuse des libertés fondamentales et du principe de non-discrimination ». Selon le texte adopté le 26 septembre 2013 en assemblée plénière, à l’occasion du premier arrêt de la Cour de cassation en mars 2013 concernant le licenciement d’une salariée voilée au nom de la laïcité par la crèche Baby Loup, les débats « ont mis au jour une méconnaissance de la laïcité, tantôt réduite à un simple principe de tolérance, tantôt déformée jusqu’à réclamer un rejet de tout signe religieux dans l’espace public. Or, non seulement la République “assure la liberté de conscience”, mais la République respectant “toutes les croyances” (article 1er de la Constitution), “garantit le libre exercice des cultes” (article 1er de la loi de 1905). La séparation des églises et de l’État ne doit donc pas être comprise comme visant à l’éviction hors de l’espace public de toute manifestation d’une conviction religieuse [2]. » Au contraire, la CNCDH a cité à cet effet un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne [3], qui a estimé que certaines formes d’atteinte à la manifestation de la religion en public pouvaient constituer une persécution en raison de la religion.
En conclusion, ce document de onze pages avec force références a établi que les « auditions réalisées par la CNCDH et l’étude du droit positif en vigueur montrent qu’en matière de laïcité un équilibre juridique a été trouvé et qu’il n’y a ni pertinence, ni utilité à légiférer aujourd’hui. » Les rares conflits résultent en général d’une mauvaise connaissance de ce sujet complexe, d’où la nécessité de mieux informer le public sur l’arsenal juridique complet et sur les solutions trouvées au cas par cas. L’avis officiel se terminait sur cette mise en garde : « Il faut en tout état de cause rester attentif à toute réforme qui risquerait d’avoir des conséquences négatives, par exemple en privant certaines catégories de la population de l’accès à de nombreux droits (droit à l’éducation, accès à l’emploi…). Il faut se prévenir de toute construction d’une “nouvelle laïcité” plus restrictive et qui risquerait d’enfermer toute expression de la liberté religieuse dans la stricte sphère intime, ce qui serait contraire à la loi de 1905, attentatoire aux libertés fondamentales et au principe d’égalité [4]. » Quant au communiqué de presse qui l’accompagnait, il ajoutait à juste titre que « la laïcité n’est pas un ensemble d’interdictions mais bien une condition de la liberté des citoyens et d’une plus grande neutralité de l’État. »
Les minorités religieuses comme les témoins de Jéhovah devraient alors bénéficier des droits et libertés prévus par la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales signée par les membres du Conseil de l’Europe en 1950. La Cour européenne des droits de l’homme a clairement énoncé « que le libre exercice du droit à la liberté de religion des Témoins de Jéhovah est protégé par l’article 9 de la Convention [5] ». De manière concrète, elle a précisé qu’un « refus de reconnaissance d’une association religieuse, la dissolution de celle-ci, l’emploi de termes péjoratifs à l’égard d’un mouvement religieux constituent des exemples d’ingérences dans le droit garanti par l’article 9 de la Convention, dans sa dimension extérieure et collective, à l’égard de la communauté elle-même mais également de ses membres ». Pourtant, plusieurs dossiers montrent que les témoins de Jéhovah ne bénéficient pas de cette égalité des droits avec les autres religions établies en France. Il a fallu l’intervention des juges siégeant à Strasbourg pour mettre fin à une taxe discriminatoire visant à confisquer les ressources indispensables à l’organisation de leur culte, en violation flagrante de la supposée égalité de tous devant l’impôt. De même, leurs aumôniers rencontrent des embûches pour obtenir l’agrément étrangement limité à une liste de « cultes reconnus » (sic), malgré les injonctions des juridictions françaises pour que le gouvernement assure la liberté de religion aux détenus qui revendiquent cette
INTRODUCTION
Partie 1 : LA PRESSE FACE AU PLURALISME RELIGIEUX
Les citoyens français réhabilités par la CEDH
Aumôneries : les témoins de Jéhovah en voie de « normalisation » en France
Les accusations de dérives sectaires contre les témoins de Jéhovah à l’épreuve du droit