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Un Dieu unique, le rejet d’un ciel trop plein

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Josué

Josué
Administrateur

Un Dieu unique, le rejet d’un ciel trop plein
Propos recueillis par Virginie Larousse - publié le 16/04/2015

Le monothéisme est né dans un monde où régnait une pléthore de divinités. Comment un dieu parmi les autres est-il devenu le Dieu unique ? Réponse avec Thomas Römer, professeur au Collège de France, auteur de La Bible, quelles histoires ! (Bayard) et de L’Invention du monothéisme (Seuil), qui retrace pour nous cette formidable épopée au terme de laquelle Yahvé, petit dieu tribal, s’est mué en Dieu universel.
La naissance du monothéisme est le résultat d’un processus long et complexe. Pouvez-vous nous en donner les principales étapes ?

Le monothéisme tel que nous le concevons, avec un Dieu unique qui était originellement celui d’Israël, est né tardivement, vers les VIe-Ve siècles avant notre ère, au sein du peuple hébreu. Cette évolution religieuse s’inscrit dans un contexte historique particulier : en 587 avant notre ère, le temple de Jérusalem est détruit par les troupes du roi babylonien Nabuchodonosor II. Certains Judéens* se trouvent en exil à Babylone, d’autres en Égypte, d’autres encore sont restés au pays. Il y a donc une grande dispersion territoriale, et on a pu se dire que le dieu d’Israël risquait de disparaître, tout comme la royauté de ce pays avait été anéantie. Mais curieusement, c’est de ce désastre que va jaillir l’idée monothéiste. En effet, les scribes exilés à Babylone vont réécrire l’histoire. Non, disent-ils, le peuple d’Israël n’a pas été anéanti par les armées des conquérants. C’est Yahvé lui-même qui a fait venir les Babyloniens en Judée – et qui les a donc instrumentalisés – pour sanctionner son peuple et surtout ses rois, lesquels n’ont pas respecté la vénération exclusive qui lui était due.

Car juste avant ces événements tragiques, sous le règne du roi Josias, vers 620 avant notre ère, on était passé du polythéisme à la monolâtrie : tout en admettant l’existence d’autres dieux que Yahvé, seule la vénération de ce dernier était jugée légitime. Il faut bien garder à l’esprit que de nombreux textes de la Bible ne nient pas l’existence d’autres dieux, comme le montre le Deutéronome (6, 14-15) : « Vous n’irez pas à la suite d’autres dieux, dieux des peuples qui seront autour de vous, car Yahvé, ton Seigneur, au milieu de toi, est un Dieu jaloux. » Yahvé devient alors le dieu Un, avant de devenir le Dieu unique, et le temple de Jérusalem est nettoyé des symboles d’autres divinités qui s’y trouvaient.

Par conséquent, lorsque l’exil et la destruction de Jérusalem se produisent, les scribes défendent l’idée qu’il s’agit d’une punition divine. Si Yahvé est capable d’infliger cette punition, d’utiliser les Babyloniens pour châtier son peuple, c’est qu’il est plus fort que les dieux des voisins. Des textes, par exemple dans la deuxième partie du livre d’Ésaïe (Deutero-Ésaïe*), se moquent d’eux : les divinités babyloniennes ne sont que des dieux faits de main d’homme, qui ne peuvent ni parler ni interférer dans le cours des événements, qui se brisent lorsqu’on les renverse, alors que Yahvé, lui, est un dieu invisible, transcendant, que l’on ne peut représenter. Peu à peu s’impose l’idée, pour les Israélites, que les dieux des autres nations sont de faux dieux, puisque Yahvé les surpasse en puissance : « Ils sacrifiaient à des démons qui ne sont pas Dieu », indique le Deutéronome (32, 17). C’est par là que la pensée a basculé vers le monothéisme : les autres dieux ne sont pas de vrais dieux mais des imposteurs, tandis que Yahvé est incomparable et, en ce sens, unique. Ce monothéisme devient en quelque sorte l’origine même du judaïsme – avant, on ne peut parler de judaïsme mais de religion israélite ou judéenne.

Le monothéisme est donc né en réaction à une catastrophe. Tout comme le christianisme, d’ailleurs, qui s’est constitué en réaction à la mort incompréhensible de Jésus : de cette mort, on fait une victoire, avec la Résurrection.

Pourtant, le retour du roi ou du peuple aux autres dieux jalonne l’histoire antique d’Israël. À partir de quel moment peut-on considérer que le monothéisme est définitivement adopté par les Israélites ?

Pas avant les IIIe-IIe siècles avant notre ère ! Ainsi, une communauté judéenne d’Éléphantine (une île dans le Nil au sud de l’Égypte), jusqu’au début du IVe siècle avant notre ère, vénérait Yahvé avec une déesse, Anat, et un troisième dieu, Ashim Béthel – un peu comme une triade divine. Ces gens n’avaient cure de la réforme religieuse en cours à Babylone et à Jérusalem : il y a toujours un décalage entre les réflexions des élites et la pratique religieuse du peuple. Au moment de la traduction de la Torah en grec (Pentateuque) au IIIe ou IIe siècle avant notre ère, on peut néanmoins dire que le judaïsme trouve son identité dans le monothéisme.
http://www.lemondedesreligions.fr/savoir/un-dieu-unique-le-rejet-d-un-ciel-trop-plein-16-04-2015-4624_110.php

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