Bartholomée Ier : "La liberté religieuse exige davantage que de tolérer la différence"
MARIE-LUCILE KUBACKI
Alors qu'il entame une visite de trois jours en France, le patriarche oecuménique de Constantinople (actuelle Istanbul) Bartholomée Ier, qui est le « chef spirituel » de 300 millions de chrétiens et bénéficie de la primauté d'honneur au sein de l'orthodoxie, a prononcé un discours très remarqué sur la liberté religieuse à l'académie des sciences morales et politiques à l'occasion du 1700e anniversaire de l'Edit de Milan.
C'est un anniversaire un peu à part qui était célébré à l'Académie des sciences morales et politiques : celui du 1700e anniversaire de l'Edit de Milan, avec la venue du patriarche oecuménique de Constantinople, Bartholomée Ier. Fervent défenseur de la liberté religieuse, de l'environnement, diplomate et artisan de paix, le patriarche oecuménique de Constantinople Bartholomée 1er qui entame une visite de trois jours à Paris a prononcé à cette occasion un discours très remarqué sur la « liberté religieuse » .
> Lire le discours complet
Evoquant le contexte de sécularisation et de réévaluation du rôle et des fonctions de la religion dans le domaine anthropologique, spirituel, culturel et social, il a ainsi affirmé : « Les droits de l’homme sont vraisemblablement la question la plus centrale jamais posée aux religions. (...) Parmi les droits de l’homme, celui de la liberté religieuse constitue le plus grand défi que les religions ont à relever, mais qui leur assure aussi des perspectives positives. La garantie du droit à la liberté religieuse exige des religions davantage que de tolérer la différence. La tolérance n’a certainement aucun rapport avec l’acceptation nihiliste de tout, avec une approbation désinvolte des points de vue différents, avec une indifférence à l’égard de la vérité. L’ouverture à ce qui est différent présuppose l’appréciation et le respect sincère de sa propre tradition, la force intérieure et la confiance en soi. Celui qui ne respecte pas sa propre tradition n’est pas en mesure de comprendre ni de respecter la tradition d’autrui. L’enjeu essentiel dans l’approche correcte de la liberté religieuse est la façon de comprendre la vérité et la relation à la vérité. Il importe d’accepter que les frontières entre vérité et absence de vérité ne coïncident pas avec celles de notre propre religion et de la religion d’autrui. Un tel postulat ne signifie naturellement ni relativisme ni minimalisme théologique. La vérité de la religion ne saurait être dissociée de la vérité de la liberté humaine. Dieu est le Dieu de l’être humain. Cela signifie qu’un critère substantiel de la vérité de la religion est de savoir si celle-ci respecte et protège la dignité humaine. »
Après avoir reconnu « la séparation institutionnelle de l’Église et de l’État » comme « une solution qui respecte le droit à la liberté religieuse, autant que l’esprit du précepte biblique : “Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu” (Mt 22, 21) », le patriarche a dénoncé le « fondamentalisme de la modernité qui continue de considérer la religion comme phénomène pré-moderne, incompatible avec les progrès des sociétés contemporaines ouvertes » : « Nous pensons qu’il s’agit là d’une prise de position qui non seulement ignore les fonctions anthropologiques, sociales, culturelles et spirituelles de la religion, mais qui grève aussi les conquêtes elles-mêmes de la modernité. Le théologien allemand Wolfhart Panennberg souligne que l’humanité n’attend plus la venue d’une société pleinement et définitivement séculière. La question cruciale à se poser n’est pas aujourd’hui de savoir quand la religion sera complètement marginalisée, mais combien de temps pourrait survivre une société coupée de ses racines religieuses. »
Pour mémoire, l'édit de Milan, encore appelé édit de Constantin, est un édit de tolérance qui fut promulgué par les empereurs Constantin Ier (chef de la partie orientale de l'empire romain) et Licinus (chef de la partie occidentale) en avril 313, après une période de persécutions contre les chrétiens qui refusaient de se plier au culte de l'empereur. Ce décret, incroyablement novateur, stipule que chacun peut « adorer à sa manière la divinité qui se trouve dans le ciel » et accorde la liberté de culte à toutes les religions. Il lève les restrictions faites à l'encontre des chrétiens et permet à la religion de ne plus être une affaire d'appartenance à une communauté pour devenir une question individuelle. En novembre dernier, le patriarche Bartholimée 1er avait publié une encyclique pour les 1700 ans de l'Edit de Milan.
Au cours de sa visite, le patriarche doit assister le 30 janvier à une séance académique exceptionnelle à l’Institut catholique de Paris où il se verra remettre le titre de docteur honoris causa et prononcera une conférence sur l'un de ses thèmes de prédilection : « Religion et environnement : Quels défis spirituels pour aujourd’hui ? »
MARIE-LUCILE KUBACKI
Alors qu'il entame une visite de trois jours en France, le patriarche oecuménique de Constantinople (actuelle Istanbul) Bartholomée Ier, qui est le « chef spirituel » de 300 millions de chrétiens et bénéficie de la primauté d'honneur au sein de l'orthodoxie, a prononcé un discours très remarqué sur la liberté religieuse à l'académie des sciences morales et politiques à l'occasion du 1700e anniversaire de l'Edit de Milan.
C'est un anniversaire un peu à part qui était célébré à l'Académie des sciences morales et politiques : celui du 1700e anniversaire de l'Edit de Milan, avec la venue du patriarche oecuménique de Constantinople, Bartholomée Ier. Fervent défenseur de la liberté religieuse, de l'environnement, diplomate et artisan de paix, le patriarche oecuménique de Constantinople Bartholomée 1er qui entame une visite de trois jours à Paris a prononcé à cette occasion un discours très remarqué sur la « liberté religieuse » .
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Evoquant le contexte de sécularisation et de réévaluation du rôle et des fonctions de la religion dans le domaine anthropologique, spirituel, culturel et social, il a ainsi affirmé : « Les droits de l’homme sont vraisemblablement la question la plus centrale jamais posée aux religions. (...) Parmi les droits de l’homme, celui de la liberté religieuse constitue le plus grand défi que les religions ont à relever, mais qui leur assure aussi des perspectives positives. La garantie du droit à la liberté religieuse exige des religions davantage que de tolérer la différence. La tolérance n’a certainement aucun rapport avec l’acceptation nihiliste de tout, avec une approbation désinvolte des points de vue différents, avec une indifférence à l’égard de la vérité. L’ouverture à ce qui est différent présuppose l’appréciation et le respect sincère de sa propre tradition, la force intérieure et la confiance en soi. Celui qui ne respecte pas sa propre tradition n’est pas en mesure de comprendre ni de respecter la tradition d’autrui. L’enjeu essentiel dans l’approche correcte de la liberté religieuse est la façon de comprendre la vérité et la relation à la vérité. Il importe d’accepter que les frontières entre vérité et absence de vérité ne coïncident pas avec celles de notre propre religion et de la religion d’autrui. Un tel postulat ne signifie naturellement ni relativisme ni minimalisme théologique. La vérité de la religion ne saurait être dissociée de la vérité de la liberté humaine. Dieu est le Dieu de l’être humain. Cela signifie qu’un critère substantiel de la vérité de la religion est de savoir si celle-ci respecte et protège la dignité humaine. »
Après avoir reconnu « la séparation institutionnelle de l’Église et de l’État » comme « une solution qui respecte le droit à la liberté religieuse, autant que l’esprit du précepte biblique : “Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu” (Mt 22, 21) », le patriarche a dénoncé le « fondamentalisme de la modernité qui continue de considérer la religion comme phénomène pré-moderne, incompatible avec les progrès des sociétés contemporaines ouvertes » : « Nous pensons qu’il s’agit là d’une prise de position qui non seulement ignore les fonctions anthropologiques, sociales, culturelles et spirituelles de la religion, mais qui grève aussi les conquêtes elles-mêmes de la modernité. Le théologien allemand Wolfhart Panennberg souligne que l’humanité n’attend plus la venue d’une société pleinement et définitivement séculière. La question cruciale à se poser n’est pas aujourd’hui de savoir quand la religion sera complètement marginalisée, mais combien de temps pourrait survivre une société coupée de ses racines religieuses. »
Pour mémoire, l'édit de Milan, encore appelé édit de Constantin, est un édit de tolérance qui fut promulgué par les empereurs Constantin Ier (chef de la partie orientale de l'empire romain) et Licinus (chef de la partie occidentale) en avril 313, après une période de persécutions contre les chrétiens qui refusaient de se plier au culte de l'empereur. Ce décret, incroyablement novateur, stipule que chacun peut « adorer à sa manière la divinité qui se trouve dans le ciel » et accorde la liberté de culte à toutes les religions. Il lève les restrictions faites à l'encontre des chrétiens et permet à la religion de ne plus être une affaire d'appartenance à une communauté pour devenir une question individuelle. En novembre dernier, le patriarche Bartholimée 1er avait publié une encyclique pour les 1700 ans de l'Edit de Milan.
Au cours de sa visite, le patriarche doit assister le 30 janvier à une séance académique exceptionnelle à l’Institut catholique de Paris où il se verra remettre le titre de docteur honoris causa et prononcera une conférence sur l'un de ses thèmes de prédilection : « Religion et environnement : Quels défis spirituels pour aujourd’hui ? »