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Un film turc divise le Liban
Natalia Trouiller - publié le 10/10/2012
L'arrivée de la superproduction turque Fetih 1453 provoque des débats passionnés dans le pays du Cèdre, où un mouvement grec-orthodoxe nationaliste réclame son interdiction.
Fetih (Conquête) 1453 est entré dans l'histoire du cinéma turc comme la superproduction de tous les records: 17 millions de dollars, 15.000 figurants, des décors pharaoniques, des effets spéciaux à n'en plus finir, un casting rassemblant les meilleurs acteurs turcs pour un film qui est devenu en l'espace de 33 jours seulement le film le plus vu de toute l'histoire du cinéma turc avec plus de 5 millions d'entrées. Le sujet: la conquête de Constantinople par le sultan Mehmet II, qui marquera la fin de l'Empire romain d'Orient. Si les Turcs ont adoré, les critiques de cinéma n'ont pas été très tendres, et les historiens ont relevé de larges libertés prises avec l'histoire.
> Encore inédit en France, Fetih 1453 s'est exporté dans plusieurs pays du Moyen-Orient avec un assez grand succès. Mais au Liban, il s'est heurté à un os: un tout nouveau parti chrétien, Al-Machreq ("le Levant") a réussi à empêcher sa sortie prévue initialement le 27 septembre dernier. Le 29 septembre, une manifestation rassemblant des chrétiens a été organisée, et depuis, les projections du film sont suspendues.
> A l'origine de la levée de boucliers, donc, Al-Mashreq, petit parti grec-orthodoxe: dans la mosaïque libanaise, beaucoup de partis sont soit ethniques soit religieux, y compris chez les chrétiens qui disposent d'un parti maronite, un autre syriaque, etc. Al-Machreq prétend combler le vide représentatif d'une communauté jusque-là discrète et qui n'a jamais fait parler d'elle sur le plan politique, si ce n'est via Michel Elefteriades, l'éclectique chanteur-businessman-politicien laïque de gauche, qui n'a jamais prétendu parler autrement qu'en tant que Libanais.
> An-Nahar, le grand quotidien arabophone libéral et modéré du pays, considère les militants de Al-Machreq comme des "orthodoxes extrémistes". Et effectivement, leurs liens avec la mouvance nationaliste grecque apparaîssent sur internet, dans cette interview donnée par leur dirigeant, Rodrigue Khoury, âgé seulement de 25 ans, au site Ethniki Epanastasi (Révolution ethnique) de John (Ioannis) Fidanakis, activiste panhellène américain qui fut le président de la défunte Hellenic League of America.
> Mais le film ne rencontre pas seulement l'opposition des extrémistes. L'Orient-Le Jour, le quotidien libanais francophone, cite ainsi le père Abdo Abou Kassem, du Centre catholique d'information libanais. "Avec ses vérités historiques falsifiées qui portent atteinte à l'image du christianisme présenté comme une religion corrompue, ce film incite au conflit islamo-chrétien. Dans une scène du film, Mehmet II entre dans la basilique Sainte Sophie, où des milliers de personnes sont réfugiées. Il embrasse un petit garçon et se déclare conquérant protecteur. Nous savons tous que cela n'est absolument pas vrai. Le massacre de près de 3.000 chrétiens et le viol des femmes sont une vérité historique qui ne peut être falsifiée". La censure libanaise doit rendre son verdict dans les prochains jours.
Natalia Trouiller - publié le 10/10/2012
L'arrivée de la superproduction turque Fetih 1453 provoque des débats passionnés dans le pays du Cèdre, où un mouvement grec-orthodoxe nationaliste réclame son interdiction.
Fetih (Conquête) 1453 est entré dans l'histoire du cinéma turc comme la superproduction de tous les records: 17 millions de dollars, 15.000 figurants, des décors pharaoniques, des effets spéciaux à n'en plus finir, un casting rassemblant les meilleurs acteurs turcs pour un film qui est devenu en l'espace de 33 jours seulement le film le plus vu de toute l'histoire du cinéma turc avec plus de 5 millions d'entrées. Le sujet: la conquête de Constantinople par le sultan Mehmet II, qui marquera la fin de l'Empire romain d'Orient. Si les Turcs ont adoré, les critiques de cinéma n'ont pas été très tendres, et les historiens ont relevé de larges libertés prises avec l'histoire.
> Encore inédit en France, Fetih 1453 s'est exporté dans plusieurs pays du Moyen-Orient avec un assez grand succès. Mais au Liban, il s'est heurté à un os: un tout nouveau parti chrétien, Al-Machreq ("le Levant") a réussi à empêcher sa sortie prévue initialement le 27 septembre dernier. Le 29 septembre, une manifestation rassemblant des chrétiens a été organisée, et depuis, les projections du film sont suspendues.
> A l'origine de la levée de boucliers, donc, Al-Mashreq, petit parti grec-orthodoxe: dans la mosaïque libanaise, beaucoup de partis sont soit ethniques soit religieux, y compris chez les chrétiens qui disposent d'un parti maronite, un autre syriaque, etc. Al-Machreq prétend combler le vide représentatif d'une communauté jusque-là discrète et qui n'a jamais fait parler d'elle sur le plan politique, si ce n'est via Michel Elefteriades, l'éclectique chanteur-businessman-politicien laïque de gauche, qui n'a jamais prétendu parler autrement qu'en tant que Libanais.
> An-Nahar, le grand quotidien arabophone libéral et modéré du pays, considère les militants de Al-Machreq comme des "orthodoxes extrémistes". Et effectivement, leurs liens avec la mouvance nationaliste grecque apparaîssent sur internet, dans cette interview donnée par leur dirigeant, Rodrigue Khoury, âgé seulement de 25 ans, au site Ethniki Epanastasi (Révolution ethnique) de John (Ioannis) Fidanakis, activiste panhellène américain qui fut le président de la défunte Hellenic League of America.
> Mais le film ne rencontre pas seulement l'opposition des extrémistes. L'Orient-Le Jour, le quotidien libanais francophone, cite ainsi le père Abdo Abou Kassem, du Centre catholique d'information libanais. "Avec ses vérités historiques falsifiées qui portent atteinte à l'image du christianisme présenté comme une religion corrompue, ce film incite au conflit islamo-chrétien. Dans une scène du film, Mehmet II entre dans la basilique Sainte Sophie, où des milliers de personnes sont réfugiées. Il embrasse un petit garçon et se déclare conquérant protecteur. Nous savons tous que cela n'est absolument pas vrai. Le massacre de près de 3.000 chrétiens et le viol des femmes sont une vérité historique qui ne peut être falsifiée". La censure libanaise doit rendre son verdict dans les prochains jours.
