http://archives.lesoir.be/les-experts-de-l-onu-concluent-au-genocide-l-isolement-_t-19941203-Z08UPY.html
LES EXPERTS DE L'ONU CONCLUENT AU GENOCIDE L'ISOLEMENT DU RWANDA S'ATTENUE
BRAECKMAN,COLETTE
Page 10
Samedi 3 décembre 1994
Les experts de l'ONU concluent au génocide
L'isolement du Rwanda s'atténue
Le génocide des Tutsis avait été planifié de longue date par le régime du président Habyarimana, avec la mise en place d'escadrons de la mort appelés «Réseau zéro». Telles sont les conclusions de la commission d'experts composée par trois juristes africains, MM. Atsu-Koffi Amega (Togo), Haby Dieng (Guinée) et Salifou Fomba (Mali) qui ont enquêté à la demande du secrétaire général.
Des preuves accablantes montrent que l'extermination des Tutsis par les Hutus avait été planifiée des mois à l'avance. Les massacres ont été perpétrés essentiellement par des éléments hutus, de manière concertée, planifiée, systématique et méthodique, et ont été motivés par la haine ethnique, ont estimé les experts qui font état d'au moins 500.000 morts lors des massacres qui commencèrent moins d'une heure après l'attentat contre le président Habyarimana. M. Amega a précisé qu'il pouvait affirmer, preuves à l'appui, que le président Habyarimana et son entourage étaient responsables de la planification, de la préparation et de l'exécution des massacres. Il a souhaité que le génocide ne reste pas impuni et que l'ONU aille vite en besogne.
Mais dans leur rapport, les trois enquêteurs ont également examiné les accusations lancées contre le Front patriotique rwandais aujourd'hui au pouvoir et concluent qu'il y a de sérieuses raisons de conclure que des éléments tutsis s'étaient eux aussi livrés à des massacres, des exécutions sommaires, des violations du droit humanitaire et des crimes contre l'humanité à l'encontre des Hutus. Cependant, la Commission n'a pas trouvé d'indices que les massacres de Hutus perpétrés par les soldats du FPR avaient été systématiques, commandités ou encore approuvés par les dirigeants gouvernementaux ou les commandants de l'armée.
Par ailleurs, 1.500 réfugiés rwandais ont décidé de quitter le Zaïre car ils estimaient que leur sécurité n'était plus suffisamment garantie. Il s'agit de témoins de Jéhovah qui avaient installé leur propre camp au-dessus de celui de Katale. Les Témoins de Jéhovah étaient particulièrement persécutés par l'ancien régime car ils refusaient de porter les armes et de participer aux cérémonies d'animation collective...
D'autre part, les relations entre le Rwanda et le reste du monde se normalisent lentement: non seulement le représentant du nouveau régime a pris la présidence tournante du Conseil de sécurité, le vice-président Paul Kagamé est arrivé en Belgique, mais la Banque mondiale vient d'accorder à Kigali un prêt de 50 millions de dollars. À Paris, le ministre de la Santé, qui avait finalement été invité à la conférence mondiale sur le sida, ce qu'il a qualifié de rayon d'espoir, a indiqué que son gouvernement voulait renouer avec la France et il a invité à Kigali les ministres de la Santé et de la Coopération. Depuis les États-Unis, le Premier ministre Twagiramungu a également appelé à la normalisation des relations avec la France.
NOUVELLE TENSION AU BURUNDI
Le Burundi, où un accord de partage du pouvoir venait d'être trouvé, est à nouveau ébranlé par une crise politique. Les seules voix du Frodebu, largement majoritaire à l'Assemblée nationale, ont permis l'élection à la présidence de Jean Minani, ancien ministre de la Santé. Pour le Frodebu, la majorité dont il dispose l'autorise à doter l'Assemblée du bureau de son choix, mais pour la minorité tutsi, M. Minani incarne de très mauvais souvenirs. Dans les heures qui suivirent l'assassinat du président Ndadaye, c'est lui en effet qui, depuis la radio de Kigali, proclama un gouvernement en exil (que l'Internationale démocrate chrétienne reconnut sur-le-champ) et, selon les Tutsis, appela les Hutus à se saisir de leurs machettes pour des massacres qui préfiguraient le génocide rwandais.
C. B. (avec AFP.)
Voir annuaire 2012
LES EXPERTS DE L'ONU CONCLUENT AU GENOCIDE L'ISOLEMENT DU RWANDA S'ATTENUE
BRAECKMAN,COLETTE
Page 10
Samedi 3 décembre 1994
Les experts de l'ONU concluent au génocide
L'isolement du Rwanda s'atténue
Le génocide des Tutsis avait été planifié de longue date par le régime du président Habyarimana, avec la mise en place d'escadrons de la mort appelés «Réseau zéro». Telles sont les conclusions de la commission d'experts composée par trois juristes africains, MM. Atsu-Koffi Amega (Togo), Haby Dieng (Guinée) et Salifou Fomba (Mali) qui ont enquêté à la demande du secrétaire général.
Des preuves accablantes montrent que l'extermination des Tutsis par les Hutus avait été planifiée des mois à l'avance. Les massacres ont été perpétrés essentiellement par des éléments hutus, de manière concertée, planifiée, systématique et méthodique, et ont été motivés par la haine ethnique, ont estimé les experts qui font état d'au moins 500.000 morts lors des massacres qui commencèrent moins d'une heure après l'attentat contre le président Habyarimana. M. Amega a précisé qu'il pouvait affirmer, preuves à l'appui, que le président Habyarimana et son entourage étaient responsables de la planification, de la préparation et de l'exécution des massacres. Il a souhaité que le génocide ne reste pas impuni et que l'ONU aille vite en besogne.
Mais dans leur rapport, les trois enquêteurs ont également examiné les accusations lancées contre le Front patriotique rwandais aujourd'hui au pouvoir et concluent qu'il y a de sérieuses raisons de conclure que des éléments tutsis s'étaient eux aussi livrés à des massacres, des exécutions sommaires, des violations du droit humanitaire et des crimes contre l'humanité à l'encontre des Hutus. Cependant, la Commission n'a pas trouvé d'indices que les massacres de Hutus perpétrés par les soldats du FPR avaient été systématiques, commandités ou encore approuvés par les dirigeants gouvernementaux ou les commandants de l'armée.
Par ailleurs, 1.500 réfugiés rwandais ont décidé de quitter le Zaïre car ils estimaient que leur sécurité n'était plus suffisamment garantie. Il s'agit de témoins de Jéhovah qui avaient installé leur propre camp au-dessus de celui de Katale. Les Témoins de Jéhovah étaient particulièrement persécutés par l'ancien régime car ils refusaient de porter les armes et de participer aux cérémonies d'animation collective...
D'autre part, les relations entre le Rwanda et le reste du monde se normalisent lentement: non seulement le représentant du nouveau régime a pris la présidence tournante du Conseil de sécurité, le vice-président Paul Kagamé est arrivé en Belgique, mais la Banque mondiale vient d'accorder à Kigali un prêt de 50 millions de dollars. À Paris, le ministre de la Santé, qui avait finalement été invité à la conférence mondiale sur le sida, ce qu'il a qualifié de rayon d'espoir, a indiqué que son gouvernement voulait renouer avec la France et il a invité à Kigali les ministres de la Santé et de la Coopération. Depuis les États-Unis, le Premier ministre Twagiramungu a également appelé à la normalisation des relations avec la France.
NOUVELLE TENSION AU BURUNDI
Le Burundi, où un accord de partage du pouvoir venait d'être trouvé, est à nouveau ébranlé par une crise politique. Les seules voix du Frodebu, largement majoritaire à l'Assemblée nationale, ont permis l'élection à la présidence de Jean Minani, ancien ministre de la Santé. Pour le Frodebu, la majorité dont il dispose l'autorise à doter l'Assemblée du bureau de son choix, mais pour la minorité tutsi, M. Minani incarne de très mauvais souvenirs. Dans les heures qui suivirent l'assassinat du président Ndadaye, c'est lui en effet qui, depuis la radio de Kigali, proclama un gouvernement en exil (que l'Internationale démocrate chrétienne reconnut sur-le-champ) et, selon les Tutsis, appela les Hutus à se saisir de leurs machettes pour des massacres qui préfiguraient le génocide rwandais.
C. B. (avec AFP.)
Voir annuaire 2012