L’Eglise orthodoxe grecque dans la tourmente financière
Scandales immobiliers et remise en cause d’avantages fiscaux marquent les rapports parfois orageux entre l’Église orthodoxe et l’État grec
Les Grecs entretiennent avec leur Église une relation paradoxale où se mêlent attachement et rejet. Attachement, car l’Église orthodoxe est étroitement liée à la guerre d’indépendance contre le joug ottoman, et à l’idée même de la création de la nation grecque.
Rejet, car les scandales financiers impliquant l’Église, des popes et les moines du mont Athos, cette république théocratique semi-autonome encore interdite aux femmes, se succèdent depuis quelques années à un rythme soutenu.
Le dernier en date concerne la vente suspecte par l’Église orthodoxe de Grèce d’un terrain de grande valeur situé sur le littoral près d’Athènes, pour 14 millions d’euros, à un employé du conseil municipal contre lequel l’Église avait intenté un procès pour occupation illégale.
Or ce terrain de 4 000 mètres carrés, situé en bord de mer dans la très chic station balnéaire de Vouliagmeni, a été revendu dès le lendemain à trois sociétés offshore pour 15,5 millions d’euros. Le parquet d’Athènes a ouvert une enquête sur la transaction en attendant d’identifier les personnes impliquées dans la vente.
Le chef de l’Église orthodoxe impliqué
Il y a quelques jours, la chaîne de télévision privée Mega révélait un autre scandale qui impliquerait le chef de l’Église orthodoxe. Cette fois, il s’agit de 2,58 milliards d’euros de cotisations sociales qu’une école prestigieuse – dont le président d’honneur est le primat d’Athènes, l’archevêque Ieronymos II – a « oublié » de verser dans les différentes caisses de ses employés.
Selon les responsables de cette école, cet argent a été soustrait au bien public pour faire face aux besoins de l’établissement. Seulement, il s’avère, après enquête, que seuls 250 millions d’euros ont été utilisés à cet effet.
Le reste aurait servi à payer, de 2005 à 2007, les salaires de 150 professeurs, embauchés pour des raisons clientélistes. Mgr Ieronymos II dit ignorer tout de l’affaire et a demandé que l’enquête ouverte par le parquet « aille jusqu’au bout ».
L'Eglise : plus gros propriétaire foncier du pays
Dans ce contexte, le refus de l’Église grecque de payer ses impôts, revus à la hausse par le ministre des finances, est mal vu de la population d’autant que, selon le dernier rapport, les comptes de l’Église orthodoxe grecque seraient au beau fixe. Surtout que le salaire des prêtres coûte 350 millions d’euros par an au gouvernement, car il n’y a pas de séparation entre l’Église et l’État.
L’Église orthodoxe grecque reste par ailleurs le plus gros propriétaire foncier du pays : 130 000 hectares de terres à bâtir, de forêts et de plages. Le bénéfice net de ses activités est estimé à 12 millions d’euros pour 2009. Pourtant, malgré cette prospérité, l’église grecque refuse de voir son assiette d’imposition augmenter.
« Nos popes sont des fonctionnaires, ils ont vu comme les autres leurs revenus baisser », a souligné le métropolite de Thessalonique, Anthimos, en référence au marasme économique dans lequel est plongée la Grèce.
Mgr Ieronymos II d’accord sur le principe de l’imposition
Pour l’évêque de Ioannina, Théoklitos, qui préside le comité des finances de l’Église, il s’agit là d’une question de principe : « On nous demande de contribuer à cause de l’échec des politiques économiques. Nous refusons de payer pour les fautes des autres. Il faut en finir avec le mythe des richesses fabuleuses de l’Église. »
L’Église avait dépensé 100 millions d’euros l’an dernier pour des actions caritatives à travers le pays et il existe 750 fondations ecclésiastiques au service des citoyens.
« Si nous avions moins de moyens, notre action philanthropique serait menacée », plaide-t-elle en substance. Reste que dans un souci de calmer le débat, Mgr Ieronymos II a indiqué qu’il était d’accord sur le principe de l’imposition. Il suggère néanmoins certaines modifications, comme l’imposition sur le bénéfice net, et non sur le chiffre d’affaires.
La levée du bouclier fiscal de l’Église promis par les socialistes
Mais le ministre des finances Georges Papaconstantinou s’y est opposé : l’Église sera bien imposée à hauteur de 20 % sur ses revenus bruts provenant de son patrimoine immobilier, à hauteur de 10 % sur les dons de biens fonciers, et à 5 % sur les dons d’argent.
Selon les premières estimations, les caisses de l’État devraient ainsi bénéficier d’environ 500 millions d’euros. La levée du bouclier fiscal de l’Église était une promesse électorale des socialistes, aujourd’hui au gouvernement.
Sans que les relations entre l’Église et l’État n’en soient, semble-t-il, durablement ébranlées : le 15 août, le primat d’Athènes et le premier ministre ont fêté ensemble la fête de l’Assomption, sur l’île de Paros dans les Cyclades.
Thomas JACOBI, à Athènes
http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2436711&rubId=4078
Scandales immobiliers et remise en cause d’avantages fiscaux marquent les rapports parfois orageux entre l’Église orthodoxe et l’État grec
Les Grecs entretiennent avec leur Église une relation paradoxale où se mêlent attachement et rejet. Attachement, car l’Église orthodoxe est étroitement liée à la guerre d’indépendance contre le joug ottoman, et à l’idée même de la création de la nation grecque.
Rejet, car les scandales financiers impliquant l’Église, des popes et les moines du mont Athos, cette république théocratique semi-autonome encore interdite aux femmes, se succèdent depuis quelques années à un rythme soutenu.
Le dernier en date concerne la vente suspecte par l’Église orthodoxe de Grèce d’un terrain de grande valeur situé sur le littoral près d’Athènes, pour 14 millions d’euros, à un employé du conseil municipal contre lequel l’Église avait intenté un procès pour occupation illégale.
Or ce terrain de 4 000 mètres carrés, situé en bord de mer dans la très chic station balnéaire de Vouliagmeni, a été revendu dès le lendemain à trois sociétés offshore pour 15,5 millions d’euros. Le parquet d’Athènes a ouvert une enquête sur la transaction en attendant d’identifier les personnes impliquées dans la vente.
Le chef de l’Église orthodoxe impliqué
Il y a quelques jours, la chaîne de télévision privée Mega révélait un autre scandale qui impliquerait le chef de l’Église orthodoxe. Cette fois, il s’agit de 2,58 milliards d’euros de cotisations sociales qu’une école prestigieuse – dont le président d’honneur est le primat d’Athènes, l’archevêque Ieronymos II – a « oublié » de verser dans les différentes caisses de ses employés.
Selon les responsables de cette école, cet argent a été soustrait au bien public pour faire face aux besoins de l’établissement. Seulement, il s’avère, après enquête, que seuls 250 millions d’euros ont été utilisés à cet effet.
Le reste aurait servi à payer, de 2005 à 2007, les salaires de 150 professeurs, embauchés pour des raisons clientélistes. Mgr Ieronymos II dit ignorer tout de l’affaire et a demandé que l’enquête ouverte par le parquet « aille jusqu’au bout ».
L'Eglise : plus gros propriétaire foncier du pays
Dans ce contexte, le refus de l’Église grecque de payer ses impôts, revus à la hausse par le ministre des finances, est mal vu de la population d’autant que, selon le dernier rapport, les comptes de l’Église orthodoxe grecque seraient au beau fixe. Surtout que le salaire des prêtres coûte 350 millions d’euros par an au gouvernement, car il n’y a pas de séparation entre l’Église et l’État.
L’Église orthodoxe grecque reste par ailleurs le plus gros propriétaire foncier du pays : 130 000 hectares de terres à bâtir, de forêts et de plages. Le bénéfice net de ses activités est estimé à 12 millions d’euros pour 2009. Pourtant, malgré cette prospérité, l’église grecque refuse de voir son assiette d’imposition augmenter.
« Nos popes sont des fonctionnaires, ils ont vu comme les autres leurs revenus baisser », a souligné le métropolite de Thessalonique, Anthimos, en référence au marasme économique dans lequel est plongée la Grèce.
Mgr Ieronymos II d’accord sur le principe de l’imposition
Pour l’évêque de Ioannina, Théoklitos, qui préside le comité des finances de l’Église, il s’agit là d’une question de principe : « On nous demande de contribuer à cause de l’échec des politiques économiques. Nous refusons de payer pour les fautes des autres. Il faut en finir avec le mythe des richesses fabuleuses de l’Église. »
L’Église avait dépensé 100 millions d’euros l’an dernier pour des actions caritatives à travers le pays et il existe 750 fondations ecclésiastiques au service des citoyens.
« Si nous avions moins de moyens, notre action philanthropique serait menacée », plaide-t-elle en substance. Reste que dans un souci de calmer le débat, Mgr Ieronymos II a indiqué qu’il était d’accord sur le principe de l’imposition. Il suggère néanmoins certaines modifications, comme l’imposition sur le bénéfice net, et non sur le chiffre d’affaires.
La levée du bouclier fiscal de l’Église promis par les socialistes
Mais le ministre des finances Georges Papaconstantinou s’y est opposé : l’Église sera bien imposée à hauteur de 20 % sur ses revenus bruts provenant de son patrimoine immobilier, à hauteur de 10 % sur les dons de biens fonciers, et à 5 % sur les dons d’argent.
Selon les premières estimations, les caisses de l’État devraient ainsi bénéficier d’environ 500 millions d’euros. La levée du bouclier fiscal de l’Église était une promesse électorale des socialistes, aujourd’hui au gouvernement.
Sans que les relations entre l’Église et l’État n’en soient, semble-t-il, durablement ébranlées : le 15 août, le primat d’Athènes et le premier ministre ont fêté ensemble la fête de l’Assomption, sur l’île de Paros dans les Cyclades.
Thomas JACOBI, à Athènes
http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2436711&rubId=4078