[size=44]Pourquoi il est impossible d’aller à Jésus sans passer par l’Église[/size]
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Jean-Michel Castaing | 11 février 2020
Dieu n’a pas voulu que nous allions à Son Fils sans passer par la médiation de l’Église. Voilà une raison supplémentaire de rester attaché à elle, en ces temps où sa cote d’amour est à la baisse !
On ne croit jamais seul. Jésus-Christ nous parvient toujours par l’intermédiaire de l’Église. Même dans les révélations divines les plus foudroyantes, les plus personnelles et les plus immédiates, l’Église n’est jamais absente. C’est là une vérité difficile à accepter pour certains, en ces temps de défiance envers les institutions et toutes formes d’autorité.
La révélation faite à Paul Claudel
Pour illustrer cet article de foi, prenons l’exemple de la conversion de Paul Claudel, le jour de Noël 1886. Ce fut un choc immédiat. Dieu se révéla à l’écrivain en un instant, comme la foudre qui s’abat sur un arbre isolé. Illumination instantanée. On pourrait croire que l’Église ne fut pour rien dans cette révélation. Pourtant, c’est à l’intérieur de Notre-Dame qu’eut lieu l’événement qui coupa en deux l’existence de Claudel, le plus important de sa vie. Précisément au moment où étaient chantées les vêpres du jour de la Nativité. Or, qui a bâti la cathédrale de Paris ? N’est-ce pas l’Église ? Qui a institué les vêpres (Claudel désirait, en se rendant à Notre-Dame ce jour-là, en faire le sujet d’un morceau de littérature « décadent » selon ses propres termes) ? Et n’est-ce pas toujours les croyants qui les chantent, les descendants de ceux qui édifièrent l’église la plus célèbre de France ? Ainsi, l’Église était bien présente au moment de la conversion de l’écrivain ! Dieu ne lui est pas tombé dessus au milieu de nulle-part ! Il l’a fait à intérieur d’un bâtiment qu’avaient construit les disciples de Son Fils, et au moment où ils priaient pour rendre grâce pour le don de Jésus au monde.
Notre foi est celle de l’Église
Nous aussi, nous pourrions penser que lorsque nous nous adressons à Dieu directement, par exemple en écoutant de la belle musique religieuse, ou en redisant la prière de saint François d’Assise : « Seigneur, fais de moi un instrument de paix… », l’Église est absente. Il n’en est rien. Là encore, elle est bien présente ! Car qui a composé cette musique, sinon des croyants dont la foi est issue de la prédication des témoins de Jésus-Christ, une foi portée par toute une Tradition ininterrompue depuis la mort du dernier apôtre. De son côté, saint François n’est pas sorti tout armé de la cuisse du Très-Haut ! Lui aussi a reçu la foi de notre Mère l’Église. Et s’il la réforma profondément au XIIe siècle, il s’appuya pour cela sur les paroles du Christ puisées dans les Évangiles. Or, les Évangiles ne sont pas tombés du Ciel eux non plus : c’est l’Église qui les a consignés par écrit, qui les a conservés dans leur intégrité et les a désignés aux fidèles comme la Parole de Dieu. Même un des plus grands réformateurs qu’a jamais connu l’Église a eu besoin d’Elle pour assurer son œuvre de régénération !
Un témoignage personnel
Nous ne pouvons aller à Jésus sans la médiation de l’Église. Pour appuyer cette affirmation, je voudrais livrer ici un témoignage personnel. Au fil des ans, je suis devenu un chrétien « habitué ». En tant que tel, je cours le risque de considérer comme normal, comme allant de soi, des mystères qui défient la simple raison humaine et l’étroitesse de nos intelligences comme de notre générosité très parcimonieuse. Parmi ces mystères, l’Eucharistie est l’un des plus importants. Je ne me souviens plus à partir de quelle date j’ai cru à la présence réelle, à savoir que le pain et le vin consacrés étaient Jésus-Christ en personne, présent dans son humanité et sa divinité. C’est là le « mystère de la foi » qui dépasse les capacités de compréhension de nos esprits limités. Mais si je n’ai pas souvenance du moment à partir duquel j’ai cru à la présence telle que la foi catholique l’a définie et proclamée, en revanche j’ai acquis au fil des ans la quasi-certitude que sans l’Église, jamais je n’aurais donné créance à cet article de foi. Sur ce point, même si je ne me le suis pas avoué explicitement au départ, je pense avoir été gagné à la foi par mes coreligionnaires.
Qu’est-ce qui m’autorise à tenir pareille affirmation ? La dévotion et le respect que j’ai vu les croyants rendre à l’Eucharistie n’ont pas été étrangers à la foi que j’accorde à la présence de Jésus vivant sous les espèces du pain et du vin. La solennité et la pompe des célébrations, même si elles ne sont pas l’essentiel des liturgies, représentent-elles aussi un signe extérieur de la réalité invisible qui s’y manifeste. Toutes ces marques de déférence, de dévotion et d’adoration ont contribué à la naissance et à la consolidation de ma foi eucharistique (mes souvenirs de catéchisme restant très flous sur la question). Mais c’est surtout le témoignage des fidèles dans ce qu’ils sont et ce qu’ils font, qui a été décisif dans l’affaire. J’ai constaté au fil des ans que la grande majorité des personnes qui donnaient leur assentiment à ce mystère, étaient à la fois sensées et respectables. Dans la crédibilité de l’Église et des points de foi qu’elle proclame, les fidèles représentent une des pièces les plus essentielles, voire la plus déterminante !
En effet, quels signes tangibles de la Résurrection avons-nous, plus de 2.000 ans plus tard, sinon la présence assidue à la messe et le rayonnement des disciples de Jésus-Christ ? J’en témoigne pour moi : les parfaites probité et droiture de la majorité des « pratiquants » ont constitué le facteur le plus important pour me faire croire à l’Eucharistie. Et dans l’hypothèse où on m’eût demandé si je croyais à la Présence réelle sans que j’eusse jamais été à la messe ni côtoyé aucun croyant, je pense en toute honnêteté que j’aurais répondu par la négative. Mêmes les paroles du Christ « Ceci est mon corps », sans plus ample explication et interprétation, ne m’auraient pas convaincu.
J’ai désiré partager mon expérience afin d’étayer la thèse selon laquelle la foi de l’Église non seulement nous soutient, supplée la faiblesse de la nôtre, mais surtout se trouve à son origine. Je crois parce que les apôtres ont déjeuné avec le Ressuscité. Et même si ce témoignage factuel est insuffisant pour nourrir mon affection pour Lui, et que ce sont surtout ses paroles et les marques de son amour qui m’importent, c’est encore l’Église qui m’a transmis les unes et les autres et en a donné la juste interprétation — car les faits, comme les paroles, ont toujours besoin d’être interprétés. C’est l’Église qui a écrit les Évangiles et c’est elle encore qui soutient par sa prière les croyants qui chancellent dans leur foi.
Impossible d’aimer en restant seul dans son coin !
Enfin, nous avons besoin de l’Église pour vivre l’amour des frères et sœurs, ainsi que l’authentique amour et louange communautaires de Dieu. C’est en son sein que nous expérimentons ces deux amours. Même si Dieu peut se révéler à un individu complètement isolé, et qui n’a jamais entendu parler des dogmes du magistère ecclésial, toutefois cet individu ne pourra pas faire l’économie, après cette révélation, de lire la Bible (écrite, sous l’inspiration divine, par des croyants), et surtout de se rapprocher d’une communauté afin de mettre en pratique le commandement du Seigneur d’aimer son prochain. Il constatera que c’est dans l’union des frères que « le Seigneur envoie la bénédiction, la vie pour toujours » (Ps 132, 3). Impossible de zapper la médiation de l’Église !