“On observe un retour du nationalisme religieux dans beaucoup de pays“
SOPHIE LEBRUN publié le 11/01/2018
Portes Ouvertes France
En tête de ce triste classement : la Corée du Nord – au premier rang 17 années de suite –, l'Afghanistan et la Somalie. Autant par le nombre des attaques envers les personnes et lieux de culte (la persécution « marteau ») que par l'oppression, la discrimination ou le déni des droits (la persécution « étau ») grandissants dans ces sociétés, le niveau de persécution de ces pays est « pour la première fois au niveau d'une persécution extrême dans notre estimation », souligne Michel Varton, directeur de Portes ouvertes France. « Autre aspect nouveau dans nos résultats, nous avons inclus plus de pays que d'habitude : nous avons voulu montrer huit pays qui sont dans une situation de persécutions fortes. Malgré le fait qu'ils ne soient pas dans les 50 premiers, ils n'en sont pas loin », ajoute-t-il.
En cause, « un retour du nationalisme religieux dans beaucoup de ces pays », selon lui : « Il y a 500 ans, en 1517, l’irruption de la Réforme en Europe a déclenché un processus, non sans douleur, vers un Occident tolérant des croyances diverses, instaurant la séparation entre le pouvoir de l’État et les religions. Le nationalisme religieux, avec sa devise "Une Foi, une Loi, un Roi", a été mis de côté, pour un monde moderne où le droit de chaque individu de mener sa vie, et donc de vivre sa foi librement, est devenu le fondement de toutes nos valeurs. En 2017, c’est le nationalisme religieux, avec son intolérance envers les minorités, qui semble être de retour en force autour du globe. »
En Chine, après une dizaine d'années où l'on observait une voie d'ouverture, le pouvoir semble vouloir revenir à un contrôle des Églises surtout évangéliques.
L'Asie est un exemple de ce phénomène, comme en Inde, au Myanmar, Népal et Laos. En Chine, « après une dizaine d'années où l'on observait une voie d'ouverture, le pouvoir semble vouloir revenir à un contrôle des Églises surtout évangéliques ». Des camps de jeunes chrétiens ont été forcés de fermer durant l'été 2017, et les fêtes de Noël ont été marquées par des interdictions de rassemblements publics dans certaines provinces assorties de pressions sur les fonctionnaires pour qu'ils ne célèbrent pas cet événement. « Hindouisme, bouddhisme, communisme et/ou confucianisme, et bien sûr l’islam, sont identifiés comme religions d’État et les chrétiens en paient souvent le prix », explique Michel Varton.
Selon l'enquête de Portes ouvertes, l'Afrique reste « le continent de la violence, comme le montre le fait que 8 des 10 pays de l'Index les plus violents envers les chrétiens sont dans cette zone géographique ». « En 2017, c’est aussi la défaite militaire du "califat" du groupe l’État Islamique au Moyen-Orient, qui voulait lui imposer une sorte d’"internationalisme religieux", ajoute-t-il. Pourtant nous ne voyons pas encore une amélioration réelle pour les minorités chrétiennes dans la région et cette vision continue à être exportée autour du monde. D’ailleurs, dans des pays comme l’Arabie Saoudite, le nationalisme religieux reste de rigueur. »
Un point positif que souligne l'association : la Tanzanie, à la 33e place dans le précédent Index, est sortie du classement. Et le directeur de Portes ouvertes France d'analyser : « C'est l'exemple que quand l’État central est fort et que le gouvernement joue son rôle, la persécution diminue fortement envers les minorités dont les chrétiens. »
Le Pakistan, entre peur et attente
La situation des chrétiens au Pakistan est alarmante, a insisté l'ONG Portes ouvertes France à la présentation de son Index mondial de persécution des chrétiens 2018 mercredi 10 janvier. Alors que les chrétiens sont présents dans cette région du monde depuis les années 200 après J.C. Et qu'ils seraient 4 millions aujourd'hui, la loi contre le blasphème agit comme « une épée de Damoclès pour la liberté de penser et de croire » a expliqué Mgr Michael Nazir-Ali, évêque anglican pakistanais anciennement en poste dans Pendjab. « Les chrétiens sont disproportionnellement visés par rapport aux autres ethnies. Elle créé une situation de haine qui se ressent dans tout ce qui est extrajudiciaire. » Le symbole de cette persécution est Asia Bibi, jeune chrétienne condamnée à mort en 2009 pour blasphème. Emprisonnée depuis, son exécution a été suspendue de fait par la Cour suprême quand celle-ci s'est engagée en juillet 2015 à étudier son cas... sans jamais le faire jusqu'alors. « Tous ceux qui s'impliquent dans cette affaire sont menacés de mort par les islamistes », a rappelé Mgr Nazir-Ali. Tout comme ceux qui remettent en cause cette loi à l'image de Salman Taseer, gouverneur du Penjab, puis Shahbaz Bhatti, ministre des Minorités religieuses, assassinés en 2011 pour l'avoir critiquée.
© Portes ouvertes France
Pour en savoir plus : www.portesouvertes.fr
SOPHIE LEBRUN publié le 11/01/2018
Portes Ouvertes France
À l'occasion de la présentation de l'Index mondial des persécutions des chrétiens 2018, le directeur de l'ONG protestante Portes ouvertes France s'est alarmé d'une montée des persécutions dans des pays où le nationalisme s'impose de plus en plus fortement.
Un chrétien sur douze dans le monde est persécuté, et l'intensité de cette persécution est en augmentation : c'est le constat de l'ONG Portes ouvertes qui a dévoilé mercredi 10 janvier les résultats de son analyse mondiale sur les persécutions que subissent les chrétiens chaque année. Scrutant les violences auxquelles sont soumis les chrétiens dans plus d'une cinquantaine de pays via les retours de ses équipes et partenaires sur place ainsi que des sources externes, l'association protestante a révélé que 215 millions de chrétiens « subissent un degré de persécution fort à extrême ».En tête de ce triste classement : la Corée du Nord – au premier rang 17 années de suite –, l'Afghanistan et la Somalie. Autant par le nombre des attaques envers les personnes et lieux de culte (la persécution « marteau ») que par l'oppression, la discrimination ou le déni des droits (la persécution « étau ») grandissants dans ces sociétés, le niveau de persécution de ces pays est « pour la première fois au niveau d'une persécution extrême dans notre estimation », souligne Michel Varton, directeur de Portes ouvertes France. « Autre aspect nouveau dans nos résultats, nous avons inclus plus de pays que d'habitude : nous avons voulu montrer huit pays qui sont dans une situation de persécutions fortes. Malgré le fait qu'ils ne soient pas dans les 50 premiers, ils n'en sont pas loin », ajoute-t-il.
En cause, « un retour du nationalisme religieux dans beaucoup de ces pays », selon lui : « Il y a 500 ans, en 1517, l’irruption de la Réforme en Europe a déclenché un processus, non sans douleur, vers un Occident tolérant des croyances diverses, instaurant la séparation entre le pouvoir de l’État et les religions. Le nationalisme religieux, avec sa devise "Une Foi, une Loi, un Roi", a été mis de côté, pour un monde moderne où le droit de chaque individu de mener sa vie, et donc de vivre sa foi librement, est devenu le fondement de toutes nos valeurs. En 2017, c’est le nationalisme religieux, avec son intolérance envers les minorités, qui semble être de retour en force autour du globe. »
En Chine, après une dizaine d'années où l'on observait une voie d'ouverture, le pouvoir semble vouloir revenir à un contrôle des Églises surtout évangéliques.
L'Asie est un exemple de ce phénomène, comme en Inde, au Myanmar, Népal et Laos. En Chine, « après une dizaine d'années où l'on observait une voie d'ouverture, le pouvoir semble vouloir revenir à un contrôle des Églises surtout évangéliques ». Des camps de jeunes chrétiens ont été forcés de fermer durant l'été 2017, et les fêtes de Noël ont été marquées par des interdictions de rassemblements publics dans certaines provinces assorties de pressions sur les fonctionnaires pour qu'ils ne célèbrent pas cet événement. « Hindouisme, bouddhisme, communisme et/ou confucianisme, et bien sûr l’islam, sont identifiés comme religions d’État et les chrétiens en paient souvent le prix », explique Michel Varton.
Selon l'enquête de Portes ouvertes, l'Afrique reste « le continent de la violence, comme le montre le fait que 8 des 10 pays de l'Index les plus violents envers les chrétiens sont dans cette zone géographique ». « En 2017, c’est aussi la défaite militaire du "califat" du groupe l’État Islamique au Moyen-Orient, qui voulait lui imposer une sorte d’"internationalisme religieux", ajoute-t-il. Pourtant nous ne voyons pas encore une amélioration réelle pour les minorités chrétiennes dans la région et cette vision continue à être exportée autour du monde. D’ailleurs, dans des pays comme l’Arabie Saoudite, le nationalisme religieux reste de rigueur. »
Un point positif que souligne l'association : la Tanzanie, à la 33e place dans le précédent Index, est sortie du classement. Et le directeur de Portes ouvertes France d'analyser : « C'est l'exemple que quand l’État central est fort et que le gouvernement joue son rôle, la persécution diminue fortement envers les minorités dont les chrétiens. »
Le Pakistan, entre peur et attente
La situation des chrétiens au Pakistan est alarmante, a insisté l'ONG Portes ouvertes France à la présentation de son Index mondial de persécution des chrétiens 2018 mercredi 10 janvier. Alors que les chrétiens sont présents dans cette région du monde depuis les années 200 après J.C. Et qu'ils seraient 4 millions aujourd'hui, la loi contre le blasphème agit comme « une épée de Damoclès pour la liberté de penser et de croire » a expliqué Mgr Michael Nazir-Ali, évêque anglican pakistanais anciennement en poste dans Pendjab. « Les chrétiens sont disproportionnellement visés par rapport aux autres ethnies. Elle créé une situation de haine qui se ressent dans tout ce qui est extrajudiciaire. » Le symbole de cette persécution est Asia Bibi, jeune chrétienne condamnée à mort en 2009 pour blasphème. Emprisonnée depuis, son exécution a été suspendue de fait par la Cour suprême quand celle-ci s'est engagée en juillet 2015 à étudier son cas... sans jamais le faire jusqu'alors. « Tous ceux qui s'impliquent dans cette affaire sont menacés de mort par les islamistes », a rappelé Mgr Nazir-Ali. Tout comme ceux qui remettent en cause cette loi à l'image de Salman Taseer, gouverneur du Penjab, puis Shahbaz Bhatti, ministre des Minorités religieuses, assassinés en 2011 pour l'avoir critiquée.
© Portes ouvertes France
Pour en savoir plus : www.portesouvertes.fr