[size=45]Comment gérer les conflits dans l’Église ? Les protestants ouvrent le débat[/size]
Bénévent Tosseri, à Lyon , le 27/11/2017 à 16h07
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« Renoncez donc à chercher l’église parfaite, car au moment où vous franchirez sa porte, elle ne le sera plus ! »
« Renoncez donc à chercher l’église parfaite, car au moment où vous franchirez sa porte, elle ne le sera plus ! » La formule mordante a été dénichée dans un vieux bulletin paroissial par l’un des participants de la journée sur la gestion des conflits, organisée par le Forum de Regards protestants, samedi 25 novembre à Lyon.
La pensée vise juste. « Il est important d’être déçu le plus tôt possible par l’Église », lance Frédéric Rognon, professeur de philosophie des religions à la faculté de théologie protestante de Strasbourg, pour mieux encourager la bienveillance entre ses membres.
Plus facile à dire qu’à faire ! Les conflits se vivent souvent à bas bruit au sein des communautés chrétiennes, tant ils se heurtent au message évangélique. Conséquence, soit on quitte sa paroisse, soit on tait les différends, et les nuages s’amoncellent. « Jusqu’à ce que l’orage éclate », dit la psychologue Céline Houzard, qui a vu un pasteur démissionner « sans crier gare », quand d’autres ont souffert de querelles durant la sainte Cène, en raison d’interprétations différentes.
A LIRE En France, un protestantisme de plus en plus divers
Les situations conflictuelles sont d’autant plus fréquentes que les causes peuvent être nombreuses. « Elles naissent d’abord en raison de la collégialité de la gouvernance », témoigne Angelo Pace, pasteur de l’Église évangélique de réveil de Villeurbanne. Dans le cadre de l’administration congrégationnelle des Églises évangéliques, où existe une tension entre la responsabilité partagée de tous les croyants et la fonction du pasteur, comme au sein du système presbytérien-synodal chez les réformés, où le souci peut provenir des tiraillements au sein du conseil gérant l’Église locale avec le pasteur.
Il suffit souvent de se parler pour résoudre le problème. Encore faut-il l’encourager. C’est ce qu’a décidé l’Église de réveil de Villeurbanne, en lançant à la rentrée dernière une formation sur « la santé relationnelle ». La première du genre en près de soixante ans d’existence, indique Angelo Pace, le pasteur. Autre façon de procéder, faire revivre le débat théologique. « En revenir ensemble à la Bible, notamment au sein des conseils presbytéraux, pour mieux se mettre au diapason », conseille Céline Houzard.
Car lorsque l’on commence à se lancer des versets au visage, il est souvent trop tard. Dès lors, lorsque les positions deviennent irréconciliables, la médiation devient une solution. « Attention, nous parlons de la médiation, pas de la conciliation », prévient Hervé Ott, théologien et spécialiste de la gestion des conflits.
Certes, il existe des réponses institutionnelles, comme l’intervention du conseil régional, ou d’un inspecteur ecclésiastique pour les luthériens. Mais lorsque la situation est inextricable, c’est à un « médiateur neutre » qu’il faut faire appel pour dénouer les choses.
« La médiation fut autrefois très à la mode dans les Églises. Les anciens militants non-violents, formés dans le sillage de Martin Luther King, furent parfois plus nombreux à proposer leur aide que les situations justifiant leur intervention, s’amuse Louis Schweitzer. Nous avions même créé un service de médiation dans l’Église avec les mennonites. Mais personne ne faisait appel à lui ! », souligne l’ancien secrétaire général de la Fédération protestante de France, qui ressent au contraire aujourd’hui un besoin en ce sens.
« La médiation, c’est sortir l’artillerie lourde », prévient toutefois Frédéric Rognon. La première étape avant d’en arriver là, c’est d’accepter les conflits, et en tirer parti en les surmontant, ont encouragé les participants. « Il faut les honorer », résume le philosophe Olivier Abel, organisateur de la rencontre.
« Le seul lieu où il n’existe aucun conflit, c’est le cimetière, grince Louis Schweitzer. Ce qui est spécifique dans l’approche chrétienne, ce n’est pas l’absence de conflits. C’est la manière de les résoudre. »
Bénévent Tosseri, à Lyon
Bénévent Tosseri, à Lyon , le 27/11/2017 à 16h07
[size=20]Le Forum de Regards protestants s’est penché samedi 25 novembre, à Lyon, sur la gestion des conflits dans l’Église. Pasteurs, psychologues et théologiens apportent leur éclairage.[/size]
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« Renoncez donc à chercher l’église parfaite, car au moment où vous franchirez sa porte, elle ne le sera plus ! »
« Renoncez donc à chercher l’église parfaite, car au moment où vous franchirez sa porte, elle ne le sera plus ! » La formule mordante a été dénichée dans un vieux bulletin paroissial par l’un des participants de la journée sur la gestion des conflits, organisée par le Forum de Regards protestants, samedi 25 novembre à Lyon.
La pensée vise juste. « Il est important d’être déçu le plus tôt possible par l’Église », lance Frédéric Rognon, professeur de philosophie des religions à la faculté de théologie protestante de Strasbourg, pour mieux encourager la bienveillance entre ses membres.
Formation sur « la santé relationnelle »
Plus facile à dire qu’à faire ! Les conflits se vivent souvent à bas bruit au sein des communautés chrétiennes, tant ils se heurtent au message évangélique. Conséquence, soit on quitte sa paroisse, soit on tait les différends, et les nuages s’amoncellent. « Jusqu’à ce que l’orage éclate », dit la psychologue Céline Houzard, qui a vu un pasteur démissionner « sans crier gare », quand d’autres ont souffert de querelles durant la sainte Cène, en raison d’interprétations différentes.
A LIRE En France, un protestantisme de plus en plus divers
Les situations conflictuelles sont d’autant plus fréquentes que les causes peuvent être nombreuses. « Elles naissent d’abord en raison de la collégialité de la gouvernance », témoigne Angelo Pace, pasteur de l’Église évangélique de réveil de Villeurbanne. Dans le cadre de l’administration congrégationnelle des Églises évangéliques, où existe une tension entre la responsabilité partagée de tous les croyants et la fonction du pasteur, comme au sein du système presbytérien-synodal chez les réformés, où le souci peut provenir des tiraillements au sein du conseil gérant l’Église locale avec le pasteur.
Il suffit souvent de se parler pour résoudre le problème. Encore faut-il l’encourager. C’est ce qu’a décidé l’Église de réveil de Villeurbanne, en lançant à la rentrée dernière une formation sur « la santé relationnelle ». La première du genre en près de soixante ans d’existence, indique Angelo Pace, le pasteur. Autre façon de procéder, faire revivre le débat théologique. « En revenir ensemble à la Bible, notamment au sein des conseils presbytéraux, pour mieux se mettre au diapason », conseille Céline Houzard.
Car lorsque l’on commence à se lancer des versets au visage, il est souvent trop tard. Dès lors, lorsque les positions deviennent irréconciliables, la médiation devient une solution. « Attention, nous parlons de la médiation, pas de la conciliation », prévient Hervé Ott, théologien et spécialiste de la gestion des conflits.
Un « médiateur neutre »
Certes, il existe des réponses institutionnelles, comme l’intervention du conseil régional, ou d’un inspecteur ecclésiastique pour les luthériens. Mais lorsque la situation est inextricable, c’est à un « médiateur neutre » qu’il faut faire appel pour dénouer les choses.
« La médiation fut autrefois très à la mode dans les Églises. Les anciens militants non-violents, formés dans le sillage de Martin Luther King, furent parfois plus nombreux à proposer leur aide que les situations justifiant leur intervention, s’amuse Louis Schweitzer. Nous avions même créé un service de médiation dans l’Église avec les mennonites. Mais personne ne faisait appel à lui ! », souligne l’ancien secrétaire général de la Fédération protestante de France, qui ressent au contraire aujourd’hui un besoin en ce sens.
« La médiation, c’est sortir l’artillerie lourde », prévient toutefois Frédéric Rognon. La première étape avant d’en arriver là, c’est d’accepter les conflits, et en tirer parti en les surmontant, ont encouragé les participants. « Il faut les honorer », résume le philosophe Olivier Abel, organisateur de la rencontre.
« Le seul lieu où il n’existe aucun conflit, c’est le cimetière, grince Louis Schweitzer. Ce qui est spécifique dans l’approche chrétienne, ce n’est pas l’absence de conflits. C’est la manière de les résoudre. »
Bénévent Tosseri, à Lyon