[size=20]À travers la question des Rohingyas, c’est toute la question des minorités qui se posera au pape pendant cette semaine en Birmanie, où il arrive lundi 27 novembre et au Bangladesh.
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Le pape est attendu à partir d’aujourd’hui en Birmanie. / Jorge Silva/Reuters
« Plus qu’un voyage : une aventure ! », sourit Greg Burke, directeur de la Salle de presse du Saint-Siège à propos du voyage du pape François en Birmanie, où il doit arriver lundi 27 novembre, avant le Bangladesh à partir de jeudi 30 novembre.
Un voyage dont les détails ont été réglés jusqu’au dernier moment. Il y a dix jours, le cardinal Charles Bo était encore dans le bureau du pape pour le convaincre de quelques ajouts à son programme : une réunion interreligieuse, dès mardi matin 28 novembre avec des représentants de toutes les confessions présentes en Birmanie – et donc, probablement, des musulmans – et une rencontre « privée » avec le chef de l’armée birmane, celle-là même que l’ONU accuse de
« nettoyage ethnique » vis-à-vis des Rohingyas.
LIRE AUSSI : Cardinal Bo : « En Birmanie, bouddhistes et musulmans nous font confiance pour trouver une voie médiane »En contrepartie, à Dacca, avant la rencontre interreligieuse de vendredi 1
er décembre, François rencontrera quelques Rohingyas dont il écoutera le témoignage, lui qui ne cesse de plaider en leur faveur depuis plusieurs mois.
La question des Rohingyas, au cœur du voyage papal
Si le pape vient d’abord à la rencontre de deux petites Églises (0,24 % de la population au Bangladesh, 1,27 % en Birmanie), c’est bien la question des Rohingyas qui sera au cœur de son 21
e voyage. L’emploi même du mot pourrait poser problème même si, au Vatican, on assure que
« Rohingya n’est pas un mot interdit ».
« Il pourrait plutôt parler des « musulmans de l’État Rakhine » », suggère néanmoins le cardinal Bo qui, comme le reste de l’Église birmane, a essayé de faire en sorte que le pape n’insiste pas trop sur le sujet.
Non qu’elle se désintéresse du sort des Rohingyas, mais elle sait que, à travers eux, c’est toute la question des minorités qui est en jeu.
« On parle beaucoup des Rohingyas mais on oublie que beaucoup d’autres minorités ont vécu la même chose », rappelle le père Bernardo Cervellera, directeur de l’agence d’information italienne AsiaNews, qui cite les Karens, dans l’est du pays, ou les Kachins, dans le Nord, ethnies majoritairement chrétiennes.
VIDÉO : Birmanie, Aung San Suu Kyi se rend en zones de crise des Rohingyas« En arrivant au pouvoir, Aung San Suu Kyi a trouvé une situation très polarisée et a lancé un vaste programme de réconciliation », explique encore ce spécialiste de l’Asie. Selon lui, si l’Église soutient si fortement Aung San Suu Kyi, c’est parce qu’elle a bien compris que ce qui se passe avec les Rohingyas est une tentative des militaires pour l’affaiblir et la faire partir une fois qu’elle aura perdu le soutien de la communauté internationale.
« Le soutien du pape à Aung San Suu Kyi sera aussi un message à la Chine »
À cet égard, la rencontre avec les moines bouddhistes, mercredi après-midi 29 novembre, sera cruciale pour François.
« Il y a dix ans, ce sont eux qui ont commencé les marches pour la démocratie, rappelle le père Cervellera.
Ils sont une vraie force dans le pays mais, depuis quelques années, les militaires ont placé des gens à eux dans les monastères pour exciter le nationalisme. »REPORTAGE : En Birmanie, un peuple pieux tenté par le repliPourtant, cette confrontation n’est, pour lui,
« religieuse qu’en apparence ». « Le programme des nationalistes bouddhistes coïncide avec celui politique mais surtout économique des militaires », explique-t-il, décrivant le projet de port en eau profonde pour accueillir les navires chinois prévu dans l’État Rakhine, où vivent les Rohingyas, qu’un pipeline et une autoroute relieront à la Chine, justement à travers les terres des minorités chrétiennes du Nord.
« Le soutien du pape à Aung San Suu Kyi sera aussi un message à la Chine », affirme le père Cervellera.
Appeler au dialogue
Mais c’est bien sur le dialogue que François entend insister tout au long de cette semaine asiatique : vis-à-vis du bouddhisme en Birmanie, comme de l’islam au Bangladesh. Et aussi l’hindouisme. Dacca ne sera qu’à une encablure de l’Inde où un voyage avait été envisagé, rendu difficile par le discours nationaliste et antichrétien du parti au pouvoir à New Delhi.
De ces deux « petits » pays que le pape visitera, il s’adressera donc aux deux géants de l’Asie, la Chine et l’Inde (2,7 milliards à eux deux !). Comme le reconnaît Greg Burke,
« ce sera sûrement le voyage le plus intéressant de François sur le plan diplomatique ».
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Un nouvel appel pour l’accueil des migrantsLe pape François a placé la Journée mondiale de la paix, qui aura lieu le 1
er janvier, sous le signe des migrants.
« Ceux qui fomentent la peur des migrants, parfois à des fins politiques, au lieu de construire la paix sèment la violence, la discrimination raciale et la xénophobie, sources de grande préoccupation pour tous ceux qui ont à cœur la protection de chaque être humain », affirme-t-il, dans son message publié vendredi 24 novembre.
Le pape souligne que les migrants et les réfugiés
« n’arrivent pas les mains vides ». « Ils enrichissent la vie des nations qui les accueillent », selon les mots de François qui appelle à les
« accueillir », les
« protéger », les
« promouvoir » et les
« intégrer ». Au cours de l’année 2018, il souhaite égalemen
t « la définition et l’approbation par les Nations unies de deux pactes mondiaux : l’un pour des migrations sûres, ordonnées et régulières et l’autre concernant les réfugiés ».