Les Français sont plus tolérants mais restent pétris de préjugés
Par Caroline Piquet Publié le 30/03/2017 à 06:27
«Contrairement à ce qu'on pourrait penser, la peur du terrorisme a créé plus de cohésion nationale qu'elle n'en a démoli», estime Christine Lazerges, présidente de la CNCDH.
Remonter au début de l'article
La Commission nationale et consultative des droits de l'Homme (CNCDH) rend ce jeudi matin son rapport annuel sur le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie en France.
Pour la troisième année consécutive, les Français gagnent en tolérance. «Paradoxalement, malgré le contexte très tendu créé par les dramatiques attentats terroristes, on constate une poursuite de l'apaisement et de l'ouverture», observe la Commission nationale et consultative des droits de l'Homme (CNCDH) qui rend son rapport annuel sur le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie en France. Comme au début de l'année 2016, cette institution rattachée à Matignon a constaté que les préjugés hostiles aux minorités avaient reculé en fin d'année et que «les comportements et les propos racistes étaient jugés de plus en plus intolérables par les Français».
Résultats, «les Français jugent de plus en plus que l'intégration des personnes d'origine étrangère fonctionne bien et perçoivent une diminution du phénomène communautariste». Pour autant, les préjugés, les propos et les attitudes racistes n'ont pas disparu, mettent en garde les auteurs du rapport. Et les améliorations constatées ces dernières années, notamment en 2015, ne doivent «pas masquer l'ensemble de la situation». Radiographie en 5 points de cette France plus ouverte mais encore pétrie de préjugés.
• Toujours un peu plus de tolérance en France
Comme chaque année, depuis 1990, la CNCDH prend le pouls de la France et mesure «l'indice longitudinal de tolérance», une sorte de thermomètre national qui mesure les évolutions de l'opinion publique française à l'égard de la diversité. En clair: plus les Français se montrent ouverts d'esprit, plus cet indice est élevé. Et cette année, on est passé au niveau 65, soit un point de plus qu'en début d'année et 11 points de plus qu'en 2013. «Il semble que, depuis la vague récente d'attentats, la société française refuse les amalgames et valorise l'acceptation de l'autre», suppose la commission.
• Le racisme biologique en recul depuis 2014
Un sondage réalisé par l'institut IPSOS pour la CNCDH vient confirmer cette tendance. Plus de la moitié des Français (54%) s'estiment «pas racistes du tout» alors qu'ils n'étaient «que» 43% en 2014. C'est d'ailleurs le plus haut niveau jamais atteint depuis le lancement du baromètre en 1990. Par ailleurs, la commission juge que le «racisme biologique a très largement disparu en France». En effet, seuls 8% des Français interrogés estiment qu'il «y a des races supérieures à d'autres», contre 15% en 2014. À l'inverse, 60% des personnes interrogées pensent que «toutes les races humaines se valent» et près d'un tiers (30%) disent que «les races humaines n'existent pas». Toutefois, ce recul se ferait «au bénéfice d'un racisme culturel, plus insidieux», avance Christine Lazerges, présidente de la CNCDH. «C'est quand on ne supporte pas la culture de l'autre. Par exemple, la musique africaine du voisin ou une femme voilée dans la rue».
Entre le chômage, les attentats ou encore l'État d'urgence, ces résultats peuvent surprendre. «Contrairement à ce qu'on pourrait penser, la peur du terrorisme a créé plus de cohésion nationale qu'elle n'en a démoli», réagit Christine Lazerges. Même l'État d'urgence n'aurait pas entamé cette dynamique positive. «Les perquisitions qui ont eu lieu dans certaines familles et qui ont entraîné du rejet dans certains quartiers n'ont finalement pas produit de perte de cohésion nationale». En clair, «la situation n'est pas aussi noire, contrairement à ce que certains laissent entendre», ajoute la responsable associative.
• Une baisse des opinions négatives envers l'immigration
Pour la troisième fois consécutive, la CNCDH enregistre «une décrue des préjugés à l'égard des différentes minorités ainsi que des attitudes hostiles envers l'immigration». Alors que les opinions négatives étaient particulièrement élevées en 2014, elles ont sensiblement baissé depuis.
«D'ailleurs, il est intéressant de voir que l'immigration arrive loin dans le classement des préoccupations des Français», souligne Christine Lazerges. En effet, seuls 3,8% des sondés l'ont définie comme une priorité, loin derrière le terrorisme et le chômage qui restent leurs principales craintes.
Néanmoins, les préjugés à l'égard des immigrés restent tenaces, selon la commission. «Ainsi 57% des Français pensent que de nombreux immigrés viennent en France uniquement pour profiter de la protection sociale», écrivent les auteurs de l'enquête qui soulignent que c'est tout de même le plus bas niveau enregistré depuis le début des années 2000. Par ailleurs, ils sont 39% à juger que «l'immigration est la principale cause d'insécurité», qui est la préoccupation principale d'un Français sur 10.
• Le sentiment de communautarisme diminue
C'est l'autre enseignement de cette étude: «le sentiment d'un fort communautarisme des minorités recule», constate la CNCDH. «Seuls les Roms restent très majoritairement perçus comme un groupe à part dans la société» mais pratiquement tous les autres indices sont en baisse. Ainsi, «seuls» 38% des Français pensent que les musulmans sont à part (-18 points par rapport à 2014), devant les Asiatiques (25%) et les Juifs (23%).
Les Roms représentent en revanche «la minorité la plus stigmatisée aujourd'hui en France». Une majorité de Français (66%) les jugent mal intégrés et pensent que c'est de leur faute (55%). Plus de la moitié des Français croient aussi qu'ils vivent essentiellement de vols et de trafics (52%), et qu'ils exploitent très souvent les enfants (65%). Ces préjugés reculent néanmoins au fil des années. Pareil pour les juifs. Alors qu'ils étaient 41% à penser que les juifs ont un rapport particulier à l'argent, ils ne sont plus «que» 35% aujourd'hui.
• L'islam reste «mal perçu», pas les musulmans
Autre constat: «La perception de l'islam et des musulmans (...) reste une source de tensions», observe la CNCDH. Près d'un tiers des Français ont une opinion négative de cette religion. Ainsi, «46% (contre 50%) pensent que l'islam est une menace pour l'identité de la France». Ils sont aussi un certain nombre à estimer que certaines pratiques religieuses musulmanes sont incompatibles avec la société française (voir ci-contre). «On constate toutefois une légère décrispation sur le voile intégral (- 9 points en trois ans), et une évolution beaucoup plus nette sur le port du voile, avec un recul de 22 points». Idem avec la pratique du ramadan (-14 points) et l'interdiction de consommer de la viande et de boire de l'alcool (-13 points).
Plus largement, plus de la moitié des Français s'opposent à l'idée de «faciliter l'exercice du culte musulman en France» (41% y étant favorables). Mais paradoxalement, ils sont 79% à penser qu'il faut «permettre aux musulmans de France d'exercer leur religion dans de bonnes conditions». Cette contradiction s'explique «sans doute par le fait que le second intitulé met l'accent sur les musulmans et le premier sur l'islam», avancent les auteurs du rapport. Ces derniers en déduisent que les Français ont une perception plus positive des musulmans que de leur religion.
Malgré des préjugés persistants, une grande partie des sondés (71%) pensent «qu'une lutte vigoureuse contre le racisme est nécessaire en France».
Une baisse des actes racistes à relativiser
Autre signe positif: la baisse des actes racistes. En un an, le ministère de l'Intérieur a enregistré une diminution de 44,69% des faits délictueux à caractère raciste, antisémite et antimusulman, soit 1125 faits en 2016. Ces actions (violences, incendies, dégradations...) et menaces (propos, inscriptions, courriers injurieux, etc.) correspondent aux faits ayant donné lieu à une plainte ou une main courante. Mais attention, avertit la CNCDH, cette tendance doit être «mise en perspective avec la hausse exceptionnelle observée en 2015», les attentats ayant fortement contribué à cette hausse. Toutefois, la commission espère que cette tendance se confirmera en 2017. «Même si les chiffres du ministère de l'Intérieur ne représentent que la face émergée de l'iceberg, la grande majorité des actes racistes n'étant pas signalés aux autorités».
* L'enquête CNCDH-SIG-IPSOS réalisée du 17 au 24 octobre 2016, à partir d'un échantillon national représentatif de la population adulte vivant en métropole, interrogée à domicile, en face-à-face
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2017/03/30/01016-20170330ARTFIG00017-les-francais-sont-plus-tolerants-mais-restent-petris-de-prejuges.php
Par Caroline Piquet Publié le 30/03/2017 à 06:27
«Contrairement à ce qu'on pourrait penser, la peur du terrorisme a créé plus de cohésion nationale qu'elle n'en a démoli», estime Christine Lazerges, présidente de la CNCDH.
Remonter au début de l'article
La Commission nationale et consultative des droits de l'Homme (CNCDH) rend ce jeudi matin son rapport annuel sur le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie en France.
Pour la troisième année consécutive, les Français gagnent en tolérance. «Paradoxalement, malgré le contexte très tendu créé par les dramatiques attentats terroristes, on constate une poursuite de l'apaisement et de l'ouverture», observe la Commission nationale et consultative des droits de l'Homme (CNCDH) qui rend son rapport annuel sur le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie en France. Comme au début de l'année 2016, cette institution rattachée à Matignon a constaté que les préjugés hostiles aux minorités avaient reculé en fin d'année et que «les comportements et les propos racistes étaient jugés de plus en plus intolérables par les Français».
Résultats, «les Français jugent de plus en plus que l'intégration des personnes d'origine étrangère fonctionne bien et perçoivent une diminution du phénomène communautariste». Pour autant, les préjugés, les propos et les attitudes racistes n'ont pas disparu, mettent en garde les auteurs du rapport. Et les améliorations constatées ces dernières années, notamment en 2015, ne doivent «pas masquer l'ensemble de la situation». Radiographie en 5 points de cette France plus ouverte mais encore pétrie de préjugés.
• Toujours un peu plus de tolérance en France
Comme chaque année, depuis 1990, la CNCDH prend le pouls de la France et mesure «l'indice longitudinal de tolérance», une sorte de thermomètre national qui mesure les évolutions de l'opinion publique française à l'égard de la diversité. En clair: plus les Français se montrent ouverts d'esprit, plus cet indice est élevé. Et cette année, on est passé au niveau 65, soit un point de plus qu'en début d'année et 11 points de plus qu'en 2013. «Il semble que, depuis la vague récente d'attentats, la société française refuse les amalgames et valorise l'acceptation de l'autre», suppose la commission.
• Le racisme biologique en recul depuis 2014
Un sondage réalisé par l'institut IPSOS pour la CNCDH vient confirmer cette tendance. Plus de la moitié des Français (54%) s'estiment «pas racistes du tout» alors qu'ils n'étaient «que» 43% en 2014. C'est d'ailleurs le plus haut niveau jamais atteint depuis le lancement du baromètre en 1990. Par ailleurs, la commission juge que le «racisme biologique a très largement disparu en France». En effet, seuls 8% des Français interrogés estiment qu'il «y a des races supérieures à d'autres», contre 15% en 2014. À l'inverse, 60% des personnes interrogées pensent que «toutes les races humaines se valent» et près d'un tiers (30%) disent que «les races humaines n'existent pas». Toutefois, ce recul se ferait «au bénéfice d'un racisme culturel, plus insidieux», avance Christine Lazerges, présidente de la CNCDH. «C'est quand on ne supporte pas la culture de l'autre. Par exemple, la musique africaine du voisin ou une femme voilée dans la rue».
Entre le chômage, les attentats ou encore l'État d'urgence, ces résultats peuvent surprendre. «Contrairement à ce qu'on pourrait penser, la peur du terrorisme a créé plus de cohésion nationale qu'elle n'en a démoli», réagit Christine Lazerges. Même l'État d'urgence n'aurait pas entamé cette dynamique positive. «Les perquisitions qui ont eu lieu dans certaines familles et qui ont entraîné du rejet dans certains quartiers n'ont finalement pas produit de perte de cohésion nationale». En clair, «la situation n'est pas aussi noire, contrairement à ce que certains laissent entendre», ajoute la responsable associative.
• Une baisse des opinions négatives envers l'immigration
Pour la troisième fois consécutive, la CNCDH enregistre «une décrue des préjugés à l'égard des différentes minorités ainsi que des attitudes hostiles envers l'immigration». Alors que les opinions négatives étaient particulièrement élevées en 2014, elles ont sensiblement baissé depuis.
«D'ailleurs, il est intéressant de voir que l'immigration arrive loin dans le classement des préoccupations des Français», souligne Christine Lazerges. En effet, seuls 3,8% des sondés l'ont définie comme une priorité, loin derrière le terrorisme et le chômage qui restent leurs principales craintes.
Néanmoins, les préjugés à l'égard des immigrés restent tenaces, selon la commission. «Ainsi 57% des Français pensent que de nombreux immigrés viennent en France uniquement pour profiter de la protection sociale», écrivent les auteurs de l'enquête qui soulignent que c'est tout de même le plus bas niveau enregistré depuis le début des années 2000. Par ailleurs, ils sont 39% à juger que «l'immigration est la principale cause d'insécurité», qui est la préoccupation principale d'un Français sur 10.
• Le sentiment de communautarisme diminue
C'est l'autre enseignement de cette étude: «le sentiment d'un fort communautarisme des minorités recule», constate la CNCDH. «Seuls les Roms restent très majoritairement perçus comme un groupe à part dans la société» mais pratiquement tous les autres indices sont en baisse. Ainsi, «seuls» 38% des Français pensent que les musulmans sont à part (-18 points par rapport à 2014), devant les Asiatiques (25%) et les Juifs (23%).
Les Roms représentent en revanche «la minorité la plus stigmatisée aujourd'hui en France». Une majorité de Français (66%) les jugent mal intégrés et pensent que c'est de leur faute (55%). Plus de la moitié des Français croient aussi qu'ils vivent essentiellement de vols et de trafics (52%), et qu'ils exploitent très souvent les enfants (65%). Ces préjugés reculent néanmoins au fil des années. Pareil pour les juifs. Alors qu'ils étaient 41% à penser que les juifs ont un rapport particulier à l'argent, ils ne sont plus «que» 35% aujourd'hui.
• L'islam reste «mal perçu», pas les musulmans
Autre constat: «La perception de l'islam et des musulmans (...) reste une source de tensions», observe la CNCDH. Près d'un tiers des Français ont une opinion négative de cette religion. Ainsi, «46% (contre 50%) pensent que l'islam est une menace pour l'identité de la France». Ils sont aussi un certain nombre à estimer que certaines pratiques religieuses musulmanes sont incompatibles avec la société française (voir ci-contre). «On constate toutefois une légère décrispation sur le voile intégral (- 9 points en trois ans), et une évolution beaucoup plus nette sur le port du voile, avec un recul de 22 points». Idem avec la pratique du ramadan (-14 points) et l'interdiction de consommer de la viande et de boire de l'alcool (-13 points).
Plus largement, plus de la moitié des Français s'opposent à l'idée de «faciliter l'exercice du culte musulman en France» (41% y étant favorables). Mais paradoxalement, ils sont 79% à penser qu'il faut «permettre aux musulmans de France d'exercer leur religion dans de bonnes conditions». Cette contradiction s'explique «sans doute par le fait que le second intitulé met l'accent sur les musulmans et le premier sur l'islam», avancent les auteurs du rapport. Ces derniers en déduisent que les Français ont une perception plus positive des musulmans que de leur religion.
Malgré des préjugés persistants, une grande partie des sondés (71%) pensent «qu'une lutte vigoureuse contre le racisme est nécessaire en France».
Une baisse des actes racistes à relativiser
Autre signe positif: la baisse des actes racistes. En un an, le ministère de l'Intérieur a enregistré une diminution de 44,69% des faits délictueux à caractère raciste, antisémite et antimusulman, soit 1125 faits en 2016. Ces actions (violences, incendies, dégradations...) et menaces (propos, inscriptions, courriers injurieux, etc.) correspondent aux faits ayant donné lieu à une plainte ou une main courante. Mais attention, avertit la CNCDH, cette tendance doit être «mise en perspective avec la hausse exceptionnelle observée en 2015», les attentats ayant fortement contribué à cette hausse. Toutefois, la commission espère que cette tendance se confirmera en 2017. «Même si les chiffres du ministère de l'Intérieur ne représentent que la face émergée de l'iceberg, la grande majorité des actes racistes n'étant pas signalés aux autorités».
* L'enquête CNCDH-SIG-IPSOS réalisée du 17 au 24 octobre 2016, à partir d'un échantillon national représentatif de la population adulte vivant en métropole, interrogée à domicile, en face-à-face
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2017/03/30/01016-20170330ARTFIG00017-les-francais-sont-plus-tolerants-mais-restent-petris-de-prejuges.php