LA RUSSIE INTERDIT LES CHRETIENS TEMOINS DE JEHOVAH
Avr 23, 2017 by Christian Paturel
« Peut-être la persécution systématique des chrétiens devrait-elle être, pour les partisans de la liberté, un signal d’alarme, avertisseur de tyrannie totalitaire »
(Cercle Européen des Témoins de Jéhovah Anciens Déportés et Internés)
Une décision judiciaire inique
Le 20 avril dernier, l’arrêt de la Cour Suprême de Russie est tombé comme un couperet : les chrétiens Témoins de Jéhovah sont considérés comme une « organisation extrémiste » et sont interdits dans tout le Pays.
Les conséquences de cet arrêt sont dramatiques pour les 175000 Témoins de Jéhovah concernés ainsi que pour leurs familles :
Fermeture du siège social de Saint Pétersbourg, de 395 congrégations locales et de 2277 groupes religieux,
Confiscation de tous les biens immobiliers au profit de l’Etat,
Interdiction de toute activité (évangélisation et réunions cultuelles notamment) sous peines de lourdes sanctions pénales : 2 à 6 ans d’emprisonnement sur la base de l’article 282-2 du code pénal russe qui vise « la participation à l’activité d’une association religieuse qui a été fermée ou interdite par la justice pour cause d’activité extrémiste »
Un attentat politico-religieux contre les Témoins de Jéhovah
La notion « d’activité extrémiste », tout comme celles de « sectes et de déviances sectaires » chères à la France, n’est pas définie de façon satisfaisante selon les instances européennes. Un tel flou juridique ouvre une large porte à l’arbitraire, au discriminatoire et à la mauvaise foi.
Ce sera le cas dans ce simulacre de procès où la décision était rendue d’avance.
Procès suscité par la puissante Eglise orthodoxe qui est redevenue la religion officielle de Russie. 70 à 80% des Russes, dont M Vladimir Poutine, se déclarent Orthodoxes. La hiérarchie orthodoxe collabore étroitement dans la Fédération de Russie avec le pouvoir politique. L’éternelle alliance du religieux et du politique. « Rien de neuf sous le soleil ».
La religion officielle de Russie supporte très mal la concurrence des chrétiens Témoins de Jéhovah accusés de pratiquer un « prosélytisme agressif ». Notion particulièrement subjective de la part de l’Eglise orthodoxe qui, depuis des lustres, a totalement négligé cette mission première du christianisme.
Dans cette association pour le moins insolite du politique et du religieux, l’importance des biens immobiliers détenus par les Témoins de Jéhovah a sans aucun doute été un élément incitateur pour l’Etat russe.
Comment accréditer cette idée « d’activité extrémiste » à l’encontre des Témoins de Jéhovah ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que la Cour Suprême va faire preuve de beaucoup d’imagination et déployer de laborieux efforts pour parvenir à ses fins.
Quid des « activités extrémistes » ?
Mais, au préalable, rappelons les données juridiques de cette affaire :
La Constitution de la Fédération de Russie adoptée le 12 décembre 1993 et plusieurs lois garantissent la liberté religieuse à toutes les confessions et cultes. La Fédération de Russie se proclame «Etat non confessionnel ».
Sur ce, en 2006 la loi sur «l’extrémiste » a été complétée et englobe désormais « l’incitation à la haine raciale, nationaliste ou religieuse et à l’hostilité sociale »
– Puis, en 2007, seront considérées comme seules « religions traditionnelles » : la chrétienté orthodoxe, l’Islam, le Judaïsme et le Bouddhisme.
Sur ces bases juridiques et constitutionnelles, évoquons le déroulement de l’audience devant la Cour Suprême de la Fédération de Russie. Les reproches suivants seront faits à l’Eglise chrétienne des Témoins de Jéhovah :
Le refus des transfusions sanguines. Thème bateau. Il serait temps d’organiser au niveau mondial une conférence médicale aux fins d’évacuer les préjugés qui interdisent à la médecine de progresser. Des vies, les finances publiques, la santé d’humains sont en cause,
La diffusion de littératures interdites. Littérature biblique en la circonstance ! L’Eglise Orthodoxe est en train de scier la branche sur laquelle elle est censée être assise…,
La non application des mesures de sécurité imposées aux manifestations « extrémistes ». L’observateur impartial ne voit pas trop lesquelles. Mais il est vrai que l’impartialité était absente des débats,
Financement d’organisations régionales déjà interdites. La Cour européenne s’est déjà prononcée sur de telles interdictions,
L’interdiction de voter et d’être élus. Affirmations totalement erronées. Un Témoin de Jéhovah peut voter, il n’existe aucun interdit en la matière. Quant à être élu, il s’agit d’un métier qui résulte d’un choix personnel. Profession qui n’attire guère les intéressés, d’autant plus que la concurrence y est rude, et l’ambiance pas terrible,
Le refus du service militaire. Mais, la loi russe dispose qu’il est possible d’effectuer un service civil de remplacement, ce que ne refusent pas les Témoins de Jéhovah,
Le refus de saluer le drapeau et de chanter l’hymne national. Mais, a-t-on vu un Témoin de Jéhovah russe siffler cet hymne, brûler le drapeau ? Non ! Dès lors ils respectent l’Etat et ses symboles. Si de telles actions se sont produites en Russie, elles émanaient d’autres personnes, ces « bons citoyens » selon les conceptions des magistrats de la Cour Suprême,
L’affirmation de détenir «La Vérité ». Suprématie religieuse qui conduirait à la haine religieuse ! Affirmation qui d’une part dénote une totale ignorance de la religion pacifique des Témoins de Jéhovah, d’autre part est en contradiction avec la précédente. Le nationalisme est à l’origine des haines, des guerres, du racisme, de la xénophobie…
Enfin, le refus de célébrer les fêtes publiques, sociales et religieuses. Pourtant, rien dans le code pénal russe ne contraint ses ressortissants à suivre ces fêtes.
Appliquer la définition générale sur « l’activité extrémiste », telle qu’elle résulte de la loi de 2006 aux Témoins de Jéhovah revient à vouloir faire entrer un pied de pointure 44 dans une chaussure du 39 ! La Cour Suprême de Russie réussira cet exploit dans un exercice de haute voltige juridique qui ne peux susciter que l’admiration des gens du cirque.
Les voies de recours
L’Eglise des Témoins de Jéhovah se doit de faire appel de cet arrêt en saisissant le Présidium de la Cour Suprême de la Fédération de Russie qui devra se prononcer dans le mois.
En cas d’échec, il conviendra de porter l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’Homme qui a déjà censuré et condamné l’Etat russe dans des affaires semblables. La victoire est assurée devant cette juridiction européenne. Malheureusement, ce dénouement impliquera un procès sur plusieurs années.
Une piètre image de la Russie
Soljenitsyne disait que voir les Témoins de Jéhovah aux portes est le signe d’un pays démocratique.
Dans la passé, Hitler, Staline, Laval (France), Franco… ont édicté de telles interdictions à l’encontre de l’Eglise des Témoins de Jéhovah. Ces références, cette filiation ne sont guère flatteuses pour le régime russe.
Dans l’immédiat, reste…la clandestinité
L’Histoire enseigne que face aux interdictions, condamnations et persécutions, les Chrétiens Témoins de Jéhovah n’ont jamais cessé leur mission d’évangélisation. Un Témoin peut accomplir cette dernière sans qu’il ait besoin d’une structure juridique, d’un siège social, d’un compte bancaire, d’un bâtiment de culte, de l’approbation d’autorités politiques…
Les Témoins de Jéhovah, notamment Russes, possèdent une très longue expérience de l’action dans la clandestinité. Leur attitude a toujours été magnifique sous la dictature communiste.
L’arrêt de la Cour Suprême ne résout nullement « le problème » de l’Eglise Orthodoxe russe. Bien au contraire, les Témoins de Jéhovah ressortent toujours plus forts, plus nombreux de leurs épreuves. Ils ont triomphé de l’horreur nazie, de la terreur soviétique et de bien d’autres régimes totalitaires.
Que le peuple russe soit attentif et soucieux de sa liberté. Cette dernière ne peut souffrir d’aucune exception, d’aucune réduction, d’aucune discrimination.
Au-delà des Témoins de Jéhovah, c’est LA LIBERTE de tout un peuple qui est en danger.
Christian Paturel