Luc l'évangéliste dans le codex Bezæ
On dit habituellement que saint Luc n’était pas un témoin direct de la vie du Christ, et qu’il rapporte dans son évangile ce dont il s’est soigneusement enquis auprès des témoins et des acteurs des événements. Cette idée reçue vient du prologue de son évangile, traduit ainsi : « après m’être informé exactement de tout depuis les origines », ou « après avoir fait des recherches exactes sur toutes ces choses depuis le commencement »
Sylvie Chabert d’Hyères, spécialiste du Codex Bezae, qui contient sans doute le plus ancien texte grec connu et l’un des plus anciens textes latins des Evangiles et des Actes, montre que ces traductions sont fautives.
Saint Luc, qui connaissait bien le grec, utilise une expression que l’on trouve chez Démosthène (et aussi chez Flavius Josèphe), dont le verbe, parikolouthikoti, a le sens d’« accompagner de près » : on le trouve aussi, et ainsi traduit, dans deux épîtres de saint Paul (la différence est que chez Démosthène il s’agit comme chez saint Luc d’avoir accompagné les événements, d’avoir suivi de près ce qui s’est passé, tandis que chez saint Paul il s’agit d’accompagner quelqu’un).
Le sens du prologue de Luc est donc le contraire de ce que l’on dit.
Saint Luc affirme solennellement qu’il a décidé d’écrire cet évangile parce qu’il a « accompagné tous ces événements de près depuis le début », parce qu’il les a suivis en personne depuis la naissance de saint Jean Baptiste.
Dans la Vulgate (et dans le texte latin du Codex Bezae), le mot est assecuto. En latin classique, adsequere veut dire atteindre, et l’on ne peut pas le traduire ainsi dans la phrase de saint Luc. Mais si l’on oublie le préfixe ad, il reste secuto, de sequere : suivre. Or on trouve précisément ce verbe, avec le préfixe, dans le sens de suivre, dans la notice sur saint Luc du Canon de Muratori (2e siècle) : « à la mesure de ce qu’il avait pu suivre (asequi) il commença à le dire à partir de la nativité de Jean ».
S’il en est ainsi
Les deux premiers chapitres de l’évangile de saint Luc (annonciation et conception de saint Jean Baptiste, Annonciation et conception du Christ, Visitation, nativité de saint Jean Baptiste, Nativité du Christ, circoncision, Présentation au Temple, Jésus face aux docteurs : il y a là les cinq mystères joyeux du Rosaire) sont encore plus bouleversants.
Mais ce codex Bezæ reste très différent des autres
Pour séduisantes qu'elle soient, ses suggestions sur ce que voulait dire Luc dans son introduction restent une hypothèse. Elle repose sur une formule grecque que Luc utilise et qui est utilisée par l'orateur Démosthène. C'est trop peu pour pouvoir affirmer à la critique littéraire que Luc voulût signifier qu'il avait été témoin des évènements.
Cependant, si on admet que les Evangiles ont leur source dans les textes araméens anciens, et qui ont été transmis jusqu'à aujourd'hui avec beaucoup plus de stabilité que les diverses traductions et transmissions de textes grecs, ( CF Pierre Perrier ) on s'aperçoit que le codex de Bèze est une traduction particulièrement fidèle à la Pshytta (Bible araméenne transmise), davantage en tout cas, à de nombreuses occasions, que les textes communément utilisés aujourd'hui.
Or, le texte araméen est précis : Luc ne parle pas de son propre témoignage des faits, mais de son rapprochement vers les témoins directs de ces faits.
Le prologue de Luc pourrait se traduire de la sorte
"Puisque beaucoup de gens ont voulu que soient mis par écrits les récitatifs des choses accomplies parmi nous et bien connues de nous, d'après la tradition de ceux qui furent dès le début les témoins oculaires puis qui ont été mis au service de la Parole, il m'a paru bon à moi aussi, puisque j'ai mis mon application à être proche d'eux, de mettre tout par écrit ordré pour toi sage Théophile..."
Ce qui signifie, en plus clair :
Puisque beaucoup de gens ont demandé une mise par écrit des récits oraux (structurés selon le savoir faire traditionnel d'Israël) des évènements qui se sont passés parmi nous et que nous connaissons tous, selon le témoignage de ceux qui ont tout vu depuis le début et qui depuis, sont devenus les responsables de la Parole (dans le culte judéo-chrétien) , j'ai cru bon d'en faire, moi aussi, un récit organisé par écrit, ayant moi-même pris le soin de les rencontrer...
Source :
http://christianisme.skynetblogs.be/tag/sylvie+chabert+d+hyeres
&
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=28368
On dit habituellement que saint Luc n’était pas un témoin direct de la vie du Christ, et qu’il rapporte dans son évangile ce dont il s’est soigneusement enquis auprès des témoins et des acteurs des événements. Cette idée reçue vient du prologue de son évangile, traduit ainsi : « après m’être informé exactement de tout depuis les origines », ou « après avoir fait des recherches exactes sur toutes ces choses depuis le commencement »
Sylvie Chabert d’Hyères, spécialiste du Codex Bezae, qui contient sans doute le plus ancien texte grec connu et l’un des plus anciens textes latins des Evangiles et des Actes, montre que ces traductions sont fautives.
Saint Luc, qui connaissait bien le grec, utilise une expression que l’on trouve chez Démosthène (et aussi chez Flavius Josèphe), dont le verbe, parikolouthikoti, a le sens d’« accompagner de près » : on le trouve aussi, et ainsi traduit, dans deux épîtres de saint Paul (la différence est que chez Démosthène il s’agit comme chez saint Luc d’avoir accompagné les événements, d’avoir suivi de près ce qui s’est passé, tandis que chez saint Paul il s’agit d’accompagner quelqu’un).
Le sens du prologue de Luc est donc le contraire de ce que l’on dit.
Saint Luc affirme solennellement qu’il a décidé d’écrire cet évangile parce qu’il a « accompagné tous ces événements de près depuis le début », parce qu’il les a suivis en personne depuis la naissance de saint Jean Baptiste.
Dans la Vulgate (et dans le texte latin du Codex Bezae), le mot est assecuto. En latin classique, adsequere veut dire atteindre, et l’on ne peut pas le traduire ainsi dans la phrase de saint Luc. Mais si l’on oublie le préfixe ad, il reste secuto, de sequere : suivre. Or on trouve précisément ce verbe, avec le préfixe, dans le sens de suivre, dans la notice sur saint Luc du Canon de Muratori (2e siècle) : « à la mesure de ce qu’il avait pu suivre (asequi) il commença à le dire à partir de la nativité de Jean ».
S’il en est ainsi
Les deux premiers chapitres de l’évangile de saint Luc (annonciation et conception de saint Jean Baptiste, Annonciation et conception du Christ, Visitation, nativité de saint Jean Baptiste, Nativité du Christ, circoncision, Présentation au Temple, Jésus face aux docteurs : il y a là les cinq mystères joyeux du Rosaire) sont encore plus bouleversants.
Mais ce codex Bezæ reste très différent des autres
Pour séduisantes qu'elle soient, ses suggestions sur ce que voulait dire Luc dans son introduction restent une hypothèse. Elle repose sur une formule grecque que Luc utilise et qui est utilisée par l'orateur Démosthène. C'est trop peu pour pouvoir affirmer à la critique littéraire que Luc voulût signifier qu'il avait été témoin des évènements.
Cependant, si on admet que les Evangiles ont leur source dans les textes araméens anciens, et qui ont été transmis jusqu'à aujourd'hui avec beaucoup plus de stabilité que les diverses traductions et transmissions de textes grecs, ( CF Pierre Perrier ) on s'aperçoit que le codex de Bèze est une traduction particulièrement fidèle à la Pshytta (Bible araméenne transmise), davantage en tout cas, à de nombreuses occasions, que les textes communément utilisés aujourd'hui.
Or, le texte araméen est précis : Luc ne parle pas de son propre témoignage des faits, mais de son rapprochement vers les témoins directs de ces faits.
Le prologue de Luc pourrait se traduire de la sorte
"Puisque beaucoup de gens ont voulu que soient mis par écrits les récitatifs des choses accomplies parmi nous et bien connues de nous, d'après la tradition de ceux qui furent dès le début les témoins oculaires puis qui ont été mis au service de la Parole, il m'a paru bon à moi aussi, puisque j'ai mis mon application à être proche d'eux, de mettre tout par écrit ordré pour toi sage Théophile..."
Ce qui signifie, en plus clair :
Puisque beaucoup de gens ont demandé une mise par écrit des récits oraux (structurés selon le savoir faire traditionnel d'Israël) des évènements qui se sont passés parmi nous et que nous connaissons tous, selon le témoignage de ceux qui ont tout vu depuis le début et qui depuis, sont devenus les responsables de la Parole (dans le culte judéo-chrétien) , j'ai cru bon d'en faire, moi aussi, un récit organisé par écrit, ayant moi-même pris le soin de les rencontrer...
Source :
http://christianisme.skynetblogs.be/tag/sylvie+chabert+d+hyeres
&
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=28368