Une église évangélique et une mosquée détruites dans la Jungle de Calais
AGNÈS CHARETON
CRÉÉ LE 01/02/2016 / MODIFIÉ LE 01/02/2016 À 16H53
© PHILIPPE HUGUEN / AFP © PHILIPPE HUGUEN / AFP
Les deux lieux de culte ont été rasés par les bulldozers. Selon la préfecture du Pas-de-Calais, ils se trouvaient dans la bande de sécurité de 100 mètres à évacuer. Le pasteur Fabien Boinet, qui avait mis sur pied l'église, se dit « extrêmement déçu » par la perte de ce « lieu de vie » pour les migrants.
Du chapiteau bleu surmonté de deux croix colorées, il ne reste plus rien. Ce lundi 1er février au matin, les bulldozers ont intégralement rasé l'église évangélique installée au bord de la « Jungle » de Calais, ainsi qu'une mosquée qui se trouvait à proximité. La préfecture indique que les lieux de culte se situaient dans la zone de 100 mètres entre la route et la Jungle qui devait être évacuée en vertu d'un arrêté préfectoral. Impuissantes, les associations présentes dans le bidonville ont assisté à la destruction de ces lieux de culte ainsi que des cabanes de migrants qui les entouraient. « Nous avions été informés que cette église resterait », affirme Christian Salomé, président de l'Auberge des migrants. « Cette église ne gênait pas. La bande de 100 mètres avait été tracée et l'église n'était pas comprise dans ce périmètre », assure-t-il.
L'église évangélique de la Jungle avait été construite en octobre dernier à l'initiative de Fabien Boinet, pasteur de l'Eglise évangélique des 2 Caps, à Calais, et de son équipe. Le pasteur se dit « extrêmement déçu. » « Notre objectif n'était pas de nous imposer, mais d'apporter un peu de paix et de quiétude dans ce contexte difficile, réagit-il. On nous a demandé d'enlever la croix avant la destruction, mais symboliquement, nous avons refusé, pour montrer qu'ici, c'est une église. » Les migrants qui vivaient à proximité avaient été informés par la préfecture de l'évacuation imminente de la zone, mais, selon Fabien Boinet, la préfecture avait assuré que l'église ne serait pas démolie. « Nous avons eu une réunion il y a quelques semaines avec le sous-préfet. Il nous avait dit que les habitations des migrants devraient déménager, mais que les lieux de culte resteraient. »
L'église évangélique était un lieu de prière, avec la célébration du culte en anglais et des ateliers sur la Bible, mais aussi un espace de convivialité. « Elle nous permettait d'apporter un soutien spirituel, mais aussi humain et psychologique aux migrants, rappelle Fabien Boinet. La foi est quelque chose d'essentiel pour eux. Déjà qu'ils n'ont pas grand-chose, alors en plus si on leur retire la possibilité de se réunir pour prier... Nous ne sommes pas contre les autorités, nous voulons simplement que la dignité de ces personnes soit respectée, et je crois que le droit à l'exercice de sa foi est quelque chose de fondamental. » Le pasteur a pu récupérer le chapiteau et le matériel entreposé dans l'église avant qu'elle ne soit détruite mais il ne sait pas encore si la tente pourra être installée à un autre endroit du camp. Sa volonté de venir en aide aux migrants n'est pas entamée. « Ce sont des gens qui ont la foi, ils nous donnent des leçons d'espérance. »
Dans la Jungle, où les musulmans sont majoritaires, plusieurs mosquées ont vu le jour, ainsi qu'une église érythréenne orthodoxe. L'église évangélique était fréquentée par des chrétiens érythréens, éthiopiens, mais aussi afghans et iraniens. Difficile de connaître leur nombre exact, selon Fabien Boinet, car « si certains parlent de leur foi facilement, d'autres, chez les Afghans et les Iraniens, fuient l'intégrisme musulman et cachent leur foi même auprès de leurs amis, de peur de représailles. » Contrairement à la Jungle de Grande-Synthe, où des tensions se sont cristallisées autour des appartenances religieuses, la question ne suscite pas de violences à Calais. Jusqu'ici, les différentes religions coexistent pacifiquement.
En revanche, la volonté affichée des autorités de réduire progressivement le périmètre où les migrants peuvent installer leurs cabanes rend la situation explosive. Le 26 janvier dernier, Fabienne Buccio, la préfète du Pas-de-Calais, affirmait dans une interview au Monde son intention de profiter de la période hivernale pour évacuer totalement la Jungle, et d'offrir une solution à chaque migrant. On en est encore loin.
AGNÈS CHARETON
CRÉÉ LE 01/02/2016 / MODIFIÉ LE 01/02/2016 À 16H53
© PHILIPPE HUGUEN / AFP © PHILIPPE HUGUEN / AFP
Les deux lieux de culte ont été rasés par les bulldozers. Selon la préfecture du Pas-de-Calais, ils se trouvaient dans la bande de sécurité de 100 mètres à évacuer. Le pasteur Fabien Boinet, qui avait mis sur pied l'église, se dit « extrêmement déçu » par la perte de ce « lieu de vie » pour les migrants.
Du chapiteau bleu surmonté de deux croix colorées, il ne reste plus rien. Ce lundi 1er février au matin, les bulldozers ont intégralement rasé l'église évangélique installée au bord de la « Jungle » de Calais, ainsi qu'une mosquée qui se trouvait à proximité. La préfecture indique que les lieux de culte se situaient dans la zone de 100 mètres entre la route et la Jungle qui devait être évacuée en vertu d'un arrêté préfectoral. Impuissantes, les associations présentes dans le bidonville ont assisté à la destruction de ces lieux de culte ainsi que des cabanes de migrants qui les entouraient. « Nous avions été informés que cette église resterait », affirme Christian Salomé, président de l'Auberge des migrants. « Cette église ne gênait pas. La bande de 100 mètres avait été tracée et l'église n'était pas comprise dans ce périmètre », assure-t-il.
L'église évangélique de la Jungle avait été construite en octobre dernier à l'initiative de Fabien Boinet, pasteur de l'Eglise évangélique des 2 Caps, à Calais, et de son équipe. Le pasteur se dit « extrêmement déçu. » « Notre objectif n'était pas de nous imposer, mais d'apporter un peu de paix et de quiétude dans ce contexte difficile, réagit-il. On nous a demandé d'enlever la croix avant la destruction, mais symboliquement, nous avons refusé, pour montrer qu'ici, c'est une église. » Les migrants qui vivaient à proximité avaient été informés par la préfecture de l'évacuation imminente de la zone, mais, selon Fabien Boinet, la préfecture avait assuré que l'église ne serait pas démolie. « Nous avons eu une réunion il y a quelques semaines avec le sous-préfet. Il nous avait dit que les habitations des migrants devraient déménager, mais que les lieux de culte resteraient. »
L'église évangélique était un lieu de prière, avec la célébration du culte en anglais et des ateliers sur la Bible, mais aussi un espace de convivialité. « Elle nous permettait d'apporter un soutien spirituel, mais aussi humain et psychologique aux migrants, rappelle Fabien Boinet. La foi est quelque chose d'essentiel pour eux. Déjà qu'ils n'ont pas grand-chose, alors en plus si on leur retire la possibilité de se réunir pour prier... Nous ne sommes pas contre les autorités, nous voulons simplement que la dignité de ces personnes soit respectée, et je crois que le droit à l'exercice de sa foi est quelque chose de fondamental. » Le pasteur a pu récupérer le chapiteau et le matériel entreposé dans l'église avant qu'elle ne soit détruite mais il ne sait pas encore si la tente pourra être installée à un autre endroit du camp. Sa volonté de venir en aide aux migrants n'est pas entamée. « Ce sont des gens qui ont la foi, ils nous donnent des leçons d'espérance. »
Dans la Jungle, où les musulmans sont majoritaires, plusieurs mosquées ont vu le jour, ainsi qu'une église érythréenne orthodoxe. L'église évangélique était fréquentée par des chrétiens érythréens, éthiopiens, mais aussi afghans et iraniens. Difficile de connaître leur nombre exact, selon Fabien Boinet, car « si certains parlent de leur foi facilement, d'autres, chez les Afghans et les Iraniens, fuient l'intégrisme musulman et cachent leur foi même auprès de leurs amis, de peur de représailles. » Contrairement à la Jungle de Grande-Synthe, où des tensions se sont cristallisées autour des appartenances religieuses, la question ne suscite pas de violences à Calais. Jusqu'ici, les différentes religions coexistent pacifiquement.
En revanche, la volonté affichée des autorités de réduire progressivement le périmètre où les migrants peuvent installer leurs cabanes rend la situation explosive. Le 26 janvier dernier, Fabienne Buccio, la préfète du Pas-de-Calais, affirmait dans une interview au Monde son intention de profiter de la période hivernale pour évacuer totalement la Jungle, et d'offrir une solution à chaque migrant. On en est encore loin.