[size=32]Des statues jugées offensantes détruites aux Maldives
Par Raphaël Buisson-Rozensztrauch - publié le 27/09/2018En juillet dernier, la police des Maldives a procédé à la destruction d’une série de sculptures contemporaines de l’artiste Jason deClaires Taylor. Celles-ci étaient jugées offensantes pour l’islam par le président alors en exercice.
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C'est à coups de pioche et de scie à métaux que la police des Maldives a détruit une série de statues controversées, comme le montrent des photos publiées sur Twitter par la police du pays le 21 septembre. Créées par l'artiste britannique Jason deCaires Taylor, elles étaient jugées offensantes pour l'islam d'après l'ex-président de l'archipel Abdulla Yameen.
Cette démolition, annoncée en juillet, a eu une portée symbolique surprenante : elle a en effet eu lieu la veille de la défaite inattendue d’Abdulla Yameen aux élections présidentielles, contre le candidat de l'opposition, Ibrahim Mohamed Solih. Ce geste brutal semble être le dernier soubresaut d'un mandat placé sous le signe de l'autoritarisme et de l'endettement auprès de la Chine, qui lutte tout comme l'Inde pour renforcer son influence sur l'archipel.
L'artiste britannique Jason deCaires Taylor, spécialisé dans la création d'œuvres sous-marines, a déclaré dans une interview à l'Agence France-Presse être attristé de la destruction d'œuvres qu'il a« conçues pour connecter les humains à leur environnement », et qui sont dépourvues de significations religieuses. Ces statues à taille réelle, trente au total, intégrées dans une œuvre appelée Coralarium, étaient immergées ou hors des eaux selon les mouvements des marées, et le sculpteur estimait qu'elles agissaient comme un sanctuaire pour préserver et mettre en valeur la vie aquatique locale. Au cœur du complexe balnéaire qui en a fait la commande à l'artiste, Fairmont Maldives Sirru Fen Fushi, donnant sur l'océan Indien, les visiteurs pouvaient venir y plonger, au milieu d'invertébrés, poissons et autres crustacés venus s'y abriter. C'était la première galerie d'art sous-marine au monde, et, à peine mise sur pied en juillet dernier, l'ancien dirigeant a immédiatement exprimé son désaccord quant à la présence de ces sculptures anthropomorphes.
Un « ressentiment public »
Ainsi, il a déclaré dès juillet avoir décidé de la démolition de ces statues en réponse à un «ressentiment public significatif», dans un archipel comptant 340 000 musulmans sunnites. En effet, certaines interprétations de l'islam, religion officielle du pays, bannissent en principe toute représentation humaine, jugée idolâtre. Même les représentations du Bouddah y sont interdites, bien que la présence de bouddhistes dans l'archipel remonte à des temps bien antérieurs à l'islamisation du pays. De l'œuvre monumentale, il ne reste que la grille de la galerie sous-marine, sauvegardée au nom de la protection de la faune et de la flore aquatiques.
Le complexe de vacances a déjà annoncé avoir jeté les bases d'une prochaine exposition à l'intérieur du Coralarium, pour continuer à faire vivre un projet artistique innovant mettant en valeur l'environnement de l'archipel. Si Jason deCaires Taylor continue de priser la beauté des Maldives et la générosité de sa population, il dénonce « un jour triste pour l'art et l'environnement ».
Le sculpteur s'investit désormais dans le projet du premier éco-musée sous-marin au monde dans la baie de Cannes, présentant notamment une cinquantaine de statues de Cannois s'étant portés volontaires. Le musée, financé à hauteur de 300 000 € par la mairie, devrait voir le jour d'ici fin 2019.