L’Etat pose les bases du dialogue avec l’islam
LE MONDE | 10.06.2015 à 11h25 • Mis à jour le 15.06.2015 à 09h19 | Par Cécile Chambraud
image: http://s2.lemde.fr/image/2015/06/15/534x0/4654002_6_9cb4_une-reunion-entre-les-instances-musulmanes-et_093f46e82461bb09fa41bd0acbe9c55f.jpg
Une réunion entre les instances musulmanes et le ministère de l'Intérieur s'est déroulée le 24 février.
Pierre Joxe avait fait le Corif (Conseil de réflexion sur l’islam de France), Jean-Pierre Chevènement l’Istichara (« la consultation »), Nicolas Sarkozy le CFCM (Conseil français du culte musulman). A son tour, Bernard Cazeneuve s’apprête à réunir une « instance de dialogue » avec les musulmans, destinée, dit-on au ministère de l’intérieur, à ouvrir « une nouvelle phase » dans les relations entre les pouvoirs publics et le deuxième culte de France en nombre de fidèles.
Lundi 15 juin, quelque cent cinquante représentants de fédérations et de mosquées, des théologiens, des associatifs, se retrouveront Place Beauvau, mêlés à une cinquantaine de représentants des pouvoirs publics. La journée sera ouverte par un discours du premier ministre Manuel Valls et conclue par une intervention du ministre de l’intérieur. Entre-temps, les participants répartis en ateliers seront invités à travailler sur quatre thématiques : la construction et la gestion des lieux de culte ; le statut des imams et des aumôniers ; les pratiques rituelles (halal, carrés confessionnels, jours de fête, pèlerinage…) ; la lutte contre les actes antimusulmans et l’image de l’islam. Travailleront avec eux des représentants des différentes administrations concernées (alimentation, urbanismes, collectivités locales…).
Le ministère de l’intérieur espère trouver dans l’instance de dialogue un « mécanisme de consultation régulier » des musulmans sur les affaires qui ont trait à leur culte. Appelée à se réunir une à deux fois par an, elle ne sera dotée d’aucun pouvoir. Sa fonction consistera d’abord à « entendre des gens qui ont une légitimité personnelle et des choses à dire sur la pratique du culte, à objectiver les situations, à formuler les problèmes, à susciter un processus pour les faire évoluer », dit-on au ministère de l’intérieur. La lutte contre la radicalisation n’est pas au programme. Le ministère a précisément voulu mettre de côté pour cette journée le volet sécuritaire, vécu par beaucoup de musulmans comme une stigmatisation.
Lire aussi : Un conseil théologique veut promouvoir un islam du « juste milieu »
Interlocuteur raisonnablement représentatif
Cette initiative est un pari. L’une des conditions de sa réussite réside dans sa capacité, ou non, à convaincre de larges secteurs du monde musulman français à l’accepter. Depuis la fin des années 1980, les ministres de l’intérieur ont cherché à faire émerger un interlocuteur raisonnablement représentatif des musulmans de France. Sa diversité et son émiettement rendent la mission difficile, comme en témoigne aujourd’hui l’échec du CFCM.
Qui sera présent lundi ? S’appuyant sur les propositions des préfets, le ministère de l’intérieur s’est efforcé d’attirer une large diversité, « des soufis au Tabligh » – deux mouvances de l’islam – en passant par toutes les autres nuances qui « reconnaît la primauté des lois de la République ». « Il n’y a pas de salafistes déclarés », ajoute-t-on cependant au ministère de l’intérieur.
Les personnalités liées au CFCM demeureront bien présentes. Entre les membres de son bureau, les représentants des CRCM (les conseils régionaux), ceux des différentes fédérations membres ou pas du bureau du CFCM, elles seront une soixantaine. Dalil Boubakeur, son président jusqu’au 30 juin, et Anouar Kbibech, qui prendra la suite, interviendront ce 15 juin. Le Comité contre l’islamophobie en France (CCIF), association indépendante qui recense depuis quelques années les actes antimusulmans et les discriminations liées à la pratique de l’islam et dénonce avec constance les dérives observées en la matière dans des services publics, sera représenté par son président, Samy Debah.
Investissements de sécurité
Lors des consultations préalables à la réunion du 15 juin, la crainte des actes anti-musulmans et la question de l’image de l’islam véhiculée par les médias ont été très présentes. Le ministère de l’intérieur voudrait saisir cette occasion pour expliquer les moyens qu’il consacre à la protection des lieux de culte. Un millier de mosquées (sur 2 400 recensées) font l’objet de protection aujourd’hui, affirme-t-on au ministère, et 3 millions d’euros de fonds publics sont disponibles pour cofinancer des investissements de sécurité (comme des installations de caméras).
Bernard Cazeneuve voudrait pouvoir faire avancer certains dossiers bien concrets. Il voudrait ainsi rendre obligatoire une formation universitaire civique et civile d’une année pour les nouveaux aumôniers et les imams détachés par leur pays d’origine, ainsi qu’une formation au français pour ces derniers. Des négociations à ce sujet sont en cours avec l’Algérie, le Maroc et la Turquie. Le cadre juridique et financier pour la construction de lieux de cultes, qui n’a pas vocation à être modifié, sera réexposé.
image: http://s1.lemde.fr/image/2014/06/18/24x24/1100512603_4_f24c_14031037875897-chambraud-cecile-international-20_24ba7ee24a7699b86470219d91403fe4.jpg
Cécile Chambraud
LE MONDE | 10.06.2015 à 11h25 • Mis à jour le 15.06.2015 à 09h19 | Par Cécile Chambraud
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Une réunion entre les instances musulmanes et le ministère de l'Intérieur s'est déroulée le 24 février.
Pierre Joxe avait fait le Corif (Conseil de réflexion sur l’islam de France), Jean-Pierre Chevènement l’Istichara (« la consultation »), Nicolas Sarkozy le CFCM (Conseil français du culte musulman). A son tour, Bernard Cazeneuve s’apprête à réunir une « instance de dialogue » avec les musulmans, destinée, dit-on au ministère de l’intérieur, à ouvrir « une nouvelle phase » dans les relations entre les pouvoirs publics et le deuxième culte de France en nombre de fidèles.
Lundi 15 juin, quelque cent cinquante représentants de fédérations et de mosquées, des théologiens, des associatifs, se retrouveront Place Beauvau, mêlés à une cinquantaine de représentants des pouvoirs publics. La journée sera ouverte par un discours du premier ministre Manuel Valls et conclue par une intervention du ministre de l’intérieur. Entre-temps, les participants répartis en ateliers seront invités à travailler sur quatre thématiques : la construction et la gestion des lieux de culte ; le statut des imams et des aumôniers ; les pratiques rituelles (halal, carrés confessionnels, jours de fête, pèlerinage…) ; la lutte contre les actes antimusulmans et l’image de l’islam. Travailleront avec eux des représentants des différentes administrations concernées (alimentation, urbanismes, collectivités locales…).
Le ministère de l’intérieur espère trouver dans l’instance de dialogue un « mécanisme de consultation régulier » des musulmans sur les affaires qui ont trait à leur culte. Appelée à se réunir une à deux fois par an, elle ne sera dotée d’aucun pouvoir. Sa fonction consistera d’abord à « entendre des gens qui ont une légitimité personnelle et des choses à dire sur la pratique du culte, à objectiver les situations, à formuler les problèmes, à susciter un processus pour les faire évoluer », dit-on au ministère de l’intérieur. La lutte contre la radicalisation n’est pas au programme. Le ministère a précisément voulu mettre de côté pour cette journée le volet sécuritaire, vécu par beaucoup de musulmans comme une stigmatisation.
Lire aussi : Un conseil théologique veut promouvoir un islam du « juste milieu »
Interlocuteur raisonnablement représentatif
Cette initiative est un pari. L’une des conditions de sa réussite réside dans sa capacité, ou non, à convaincre de larges secteurs du monde musulman français à l’accepter. Depuis la fin des années 1980, les ministres de l’intérieur ont cherché à faire émerger un interlocuteur raisonnablement représentatif des musulmans de France. Sa diversité et son émiettement rendent la mission difficile, comme en témoigne aujourd’hui l’échec du CFCM.
Qui sera présent lundi ? S’appuyant sur les propositions des préfets, le ministère de l’intérieur s’est efforcé d’attirer une large diversité, « des soufis au Tabligh » – deux mouvances de l’islam – en passant par toutes les autres nuances qui « reconnaît la primauté des lois de la République ». « Il n’y a pas de salafistes déclarés », ajoute-t-on cependant au ministère de l’intérieur.
Les personnalités liées au CFCM demeureront bien présentes. Entre les membres de son bureau, les représentants des CRCM (les conseils régionaux), ceux des différentes fédérations membres ou pas du bureau du CFCM, elles seront une soixantaine. Dalil Boubakeur, son président jusqu’au 30 juin, et Anouar Kbibech, qui prendra la suite, interviendront ce 15 juin. Le Comité contre l’islamophobie en France (CCIF), association indépendante qui recense depuis quelques années les actes antimusulmans et les discriminations liées à la pratique de l’islam et dénonce avec constance les dérives observées en la matière dans des services publics, sera représenté par son président, Samy Debah.
Investissements de sécurité
Lors des consultations préalables à la réunion du 15 juin, la crainte des actes anti-musulmans et la question de l’image de l’islam véhiculée par les médias ont été très présentes. Le ministère de l’intérieur voudrait saisir cette occasion pour expliquer les moyens qu’il consacre à la protection des lieux de culte. Un millier de mosquées (sur 2 400 recensées) font l’objet de protection aujourd’hui, affirme-t-on au ministère, et 3 millions d’euros de fonds publics sont disponibles pour cofinancer des investissements de sécurité (comme des installations de caméras).
Bernard Cazeneuve voudrait pouvoir faire avancer certains dossiers bien concrets. Il voudrait ainsi rendre obligatoire une formation universitaire civique et civile d’une année pour les nouveaux aumôniers et les imams détachés par leur pays d’origine, ainsi qu’une formation au français pour ces derniers. Des négociations à ce sujet sont en cours avec l’Algérie, le Maroc et la Turquie. Le cadre juridique et financier pour la construction de lieux de cultes, qui n’a pas vocation à être modifié, sera réexposé.
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Cécile Chambraud