Rien ne prouve que le bio soit meilleur pour la santé"
Par CHLOÉ DURAND-PARENTI
Il rame à contre-courant du bio et de l'écologiquement correct. Gil Rivière-Wekstein, journaliste fondateur de la revue Agriculture et environnement, sort cette semaine aux éditions Le Publieur un ouvrage intitulé Bio, fausses promesses et vrai marketing, destiné à tordre le cou aux idées reçues sur l'agriculture biologique. L'auteur a la dent dure, mais l'ouvrage, du genre poil à gratter, a le mérite de soulever des questions un peu vite évacuées d'un discours sur l'alimentation un brin monolithique. Entretien.
Quelle est, aujourd'hui, l'ampleur du phénomène bio ?
Médiatiquement, l'agriculture biologique est très présente et, ça, les grandes enseignes l'ont bien compris... Pour autant, l'engouement pour les produits bio doit être relativisé. Ainsi, en France, pour l'année 2010, le bio ne représente que 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires, soit deux fois moins que les sandwichs (6,4 milliards d'euros) ou encore un dixième de la restauration rapide (32 milliards d'euros, en augmentation de 60 % entre 2004 et 2010). En termes de marché, la nourriture halal, dont on parle finalement beaucoup moins, représente aujourd'hui un marché plus important que le bio.
Connaît-on les motivations des consommateurs qui préfèrent les produits bio en dépit de leur coût élevé ?
Ils sont avant tout convaincus que c'est meilleur pour leur santé. Une croyance à laquelle les médias contribuent directement et indirectement en répétant sans cesse : attention, la nourriture conventionnelle est bourrée de pesticides et donc dangereuse pour la santé.
Ces produits sont-ils meilleurs pour la santé ?
Non, aucune étude sérieuse n'est parvenue à le démontrer scientifiquement. Certaines reconnaissent des différences nutritionnelles : un peu plus de ci, un peu plus de ça. Pour autant, aucun effet de ces apports sur la santé n'a été établi. En outre, ces différences nutritionnelles ne peuvent pas être attribuées au fait que le produit soit biologique. C'est le résultat d'un mode de production, d'un parcours agronomique. À titre d'exemple, la nourriture que vous donnez à un poulet "label" ou à un poulet "bio" a, bien entendu, une incidence sur la qualité de cette volaille. Dans les deux cas, il n'aura pas le même goût qu'un poulet élevé en batterie.
Il n'y aurait donc aucune différence ?
Vous avez un petit avantage qui peut parfois se transformer en inconvénient. Quand des végétaux sont traités systématiquement en préventif, ils ne tombent jamais malades, mais ne développent pas non plus de résistance. Quand vous ne traitez pas préventivement - ce qui est également le cas dans l'agriculture dite raisonnée - la plante est agressée et donc se défend. Elle sécrète alors certaines toxines qui sont bonnes pour notre santé, sauf que certaines d'entre elles peuvent aussi être toxiques...
L'agriculture biologique proscrit l'utilisation des traitements chimiques de synthèse régulièrement décriés pour leurs effets sur la santé. Ces produits ne sont-ils tout de même pas plus sains ?
Mais les producteurs biologiques utilisent eux aussi des pesticides, des produits naturels pas nécessairement inoffensifs. Prenez la roténone par exemple, l'Union européenne veut s'en débarrasser parce qu'elle est suspectée d'avoir un lien avec la maladie de Parkinson. De même l'huile de neem, interdite à la vente en France, mais autorisée dans certains pays européens, est un perturbateur endocrinien.
Ce type d'agriculture est-il plus respectueux de l'environnement ?
De ce point de vue, le cahier des charges du bio pose un vrai problème. Parce qu'il a été fixé dans les années 1920-1930 et que l'on refuse depuis de le faire évoluer. On se prive donc, en bloc, de toutes les découvertes de la chimie moderne et des biotechnologies. En revanche, de son côté, l'agriculture conventionnelle a pris cette question du développement durable à bras le corps. Elle développe aujourd'hui des méthodes qui sont en train de dépasser l'agriculture biologique sur ce terrain.
Lesquelles ?
On est, par exemple, en train de créer, en croisant deux variétés de pomme de terre, un "vilain" OGM résistant au mildiou. Ceux qui les cultiveront n'auront plus besoin de produits de traitement. Ils préserveront ainsi les sols quand l'agriculture biologique continuera de répandre du cuivre... Quant au désherbage mécanique préféré par l'agriculture biologique, il consomme beaucoup de pétrole. Alors, est-ce véritablement la solution la plus écologique ? La question mérite d'être posée.
Avec toutes ces fausses promesses que vous dénoncez, l'agriculture bio n'a donc pas d'avenir ?
Sa vraie place, à mon sens, c'est de proposer de la qualité gustative et des produits exceptionnels. Il y a d'ailleurs du bio vraiment très bon ou encore des gammes de produits biologiques innovants, originaux, qu'on ne trouve pas ailleurs. Ça, c'est un vrai marché ! Celui de l'exception. Mais il ne faut pas vendre du bio en disant que c'est meilleur pour la santé ou même pour l'environnement, c'est une fausse promesse...
Bio, fausses promesses et vrai marketing, Gil Rivière-Wekstein, éd. Le Publieur
Par CHLOÉ DURAND-PARENTI
Il rame à contre-courant du bio et de l'écologiquement correct. Gil Rivière-Wekstein, journaliste fondateur de la revue Agriculture et environnement, sort cette semaine aux éditions Le Publieur un ouvrage intitulé Bio, fausses promesses et vrai marketing, destiné à tordre le cou aux idées reçues sur l'agriculture biologique. L'auteur a la dent dure, mais l'ouvrage, du genre poil à gratter, a le mérite de soulever des questions un peu vite évacuées d'un discours sur l'alimentation un brin monolithique. Entretien.
Quelle est, aujourd'hui, l'ampleur du phénomène bio ?
Médiatiquement, l'agriculture biologique est très présente et, ça, les grandes enseignes l'ont bien compris... Pour autant, l'engouement pour les produits bio doit être relativisé. Ainsi, en France, pour l'année 2010, le bio ne représente que 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires, soit deux fois moins que les sandwichs (6,4 milliards d'euros) ou encore un dixième de la restauration rapide (32 milliards d'euros, en augmentation de 60 % entre 2004 et 2010). En termes de marché, la nourriture halal, dont on parle finalement beaucoup moins, représente aujourd'hui un marché plus important que le bio.
Connaît-on les motivations des consommateurs qui préfèrent les produits bio en dépit de leur coût élevé ?
Ils sont avant tout convaincus que c'est meilleur pour leur santé. Une croyance à laquelle les médias contribuent directement et indirectement en répétant sans cesse : attention, la nourriture conventionnelle est bourrée de pesticides et donc dangereuse pour la santé.
Ces produits sont-ils meilleurs pour la santé ?
Non, aucune étude sérieuse n'est parvenue à le démontrer scientifiquement. Certaines reconnaissent des différences nutritionnelles : un peu plus de ci, un peu plus de ça. Pour autant, aucun effet de ces apports sur la santé n'a été établi. En outre, ces différences nutritionnelles ne peuvent pas être attribuées au fait que le produit soit biologique. C'est le résultat d'un mode de production, d'un parcours agronomique. À titre d'exemple, la nourriture que vous donnez à un poulet "label" ou à un poulet "bio" a, bien entendu, une incidence sur la qualité de cette volaille. Dans les deux cas, il n'aura pas le même goût qu'un poulet élevé en batterie.
Il n'y aurait donc aucune différence ?
Vous avez un petit avantage qui peut parfois se transformer en inconvénient. Quand des végétaux sont traités systématiquement en préventif, ils ne tombent jamais malades, mais ne développent pas non plus de résistance. Quand vous ne traitez pas préventivement - ce qui est également le cas dans l'agriculture dite raisonnée - la plante est agressée et donc se défend. Elle sécrète alors certaines toxines qui sont bonnes pour notre santé, sauf que certaines d'entre elles peuvent aussi être toxiques...
L'agriculture biologique proscrit l'utilisation des traitements chimiques de synthèse régulièrement décriés pour leurs effets sur la santé. Ces produits ne sont-ils tout de même pas plus sains ?
Mais les producteurs biologiques utilisent eux aussi des pesticides, des produits naturels pas nécessairement inoffensifs. Prenez la roténone par exemple, l'Union européenne veut s'en débarrasser parce qu'elle est suspectée d'avoir un lien avec la maladie de Parkinson. De même l'huile de neem, interdite à la vente en France, mais autorisée dans certains pays européens, est un perturbateur endocrinien.
Ce type d'agriculture est-il plus respectueux de l'environnement ?
De ce point de vue, le cahier des charges du bio pose un vrai problème. Parce qu'il a été fixé dans les années 1920-1930 et que l'on refuse depuis de le faire évoluer. On se prive donc, en bloc, de toutes les découvertes de la chimie moderne et des biotechnologies. En revanche, de son côté, l'agriculture conventionnelle a pris cette question du développement durable à bras le corps. Elle développe aujourd'hui des méthodes qui sont en train de dépasser l'agriculture biologique sur ce terrain.
Lesquelles ?
On est, par exemple, en train de créer, en croisant deux variétés de pomme de terre, un "vilain" OGM résistant au mildiou. Ceux qui les cultiveront n'auront plus besoin de produits de traitement. Ils préserveront ainsi les sols quand l'agriculture biologique continuera de répandre du cuivre... Quant au désherbage mécanique préféré par l'agriculture biologique, il consomme beaucoup de pétrole. Alors, est-ce véritablement la solution la plus écologique ? La question mérite d'être posée.
Avec toutes ces fausses promesses que vous dénoncez, l'agriculture bio n'a donc pas d'avenir ?
Sa vraie place, à mon sens, c'est de proposer de la qualité gustative et des produits exceptionnels. Il y a d'ailleurs du bio vraiment très bon ou encore des gammes de produits biologiques innovants, originaux, qu'on ne trouve pas ailleurs. Ça, c'est un vrai marché ! Celui de l'exception. Mais il ne faut pas vendre du bio en disant que c'est meilleur pour la santé ou même pour l'environnement, c'est une fausse promesse...
Bio, fausses promesses et vrai marketing, Gil Rivière-Wekstein, éd. Le Publieur