Viols, excision, mariages forcés : des réfugiées d'un nouveau genre
AZIZ EL MASSASSI
Le rapport d’activité de l’OFPRA (Office français de Protection des Réfugiés et des Apatrides), rendu public jeudi, révèle une recrudescence des femmes demandeuses d’asile. Elles sont nombreuses à fuir des menaces qui les visent particulièrement.
En 2014, elles ne représentent que 36% des premières demandes d’asile en France. Les femmes correspondent pourtant à environ la moitié des personnes ayant bénéficié de la protection de l’OFPRA (Office français de Protection des Réfugiés et des Apatrides), qui a rendu ce jeudi son rapport d'activité pour 2014. Ces femmes bénéficient de l'asile en France soit par l’octroi du statut de réfugié soit, le cas échéant, via un mécanisme de protection subsidiaire. Dans un contexte de conflits armés, et même en temps de paix dans certaines régions (voire selon différentes ethnies), les femmes fuient de par le monde. Certaines s'exilent aux côtés de leurs proches, d'autres tentent précisément de leur échapper. Les risques de viols (souvent impunis), de mutilations sexuelles (notamment l'excision), de mariages forcés et plus généralement de violences sont les causes d'un parcours de combattante. Au sens propre.
La part des femmes dans la demande de protection internationale a notablement cru dans les années 2000 après la loi du 11 décembre 2003 qui instaure ce mécanisme de protection subsidiaire. Il permet au demandeurs d’asile d’être prémunis contre les menaces de mort ou de tortures dans leurs pays lorsqu’ils ne peuvent prétendre au statut de réfugié, en raison des critères stricts imposés par la Convention de Genève de 1951 qui évoque des risques de persécution liés à la race, la religion, la nationalité, l'appartenance à un groupe social ou encore les opinions politiques. Parmi les tortures en question, certaines affectent spécifiquement les femmes, comme l’excision. Autre changement majeur pour la protection des femmes exilées, la nouvelle politique du Conseil d’Etat. La haute juridiction administrative, depuis 2013, estime que les femmes fuyant l’excision ne relèvent plus d’une simple protection subsidiaire mais bien d’un véritable statut de réfugié en raison donc de leur « appartenance à un groupe social », celui des femmes. Ce bouleversement juridique n'a pas été vain : selon le HCR, la France est le premier pays européen à accueillir des femmes victimes ou menacées d'excision.
Le risque de ces violences spécifiques explique en effet la plus grande clémence de l’administration à l’égard des femmes demandeuses d’asile. Si le taux moyen d’admission à la protection internationale reste de 12% sur les cinq dernières années, celui des femmes est de quatre points supérieur, atteignant environ 16%. Ce taux d’admission est particulièrement élevé pour les ressortissantes des pays du Moyen-Orient en état de guerre mais aussi des régions où l’excision est pratiquée, comme le Mali et la Guinée. La générosité relative de l'administration à l'égard de ces femmes cache toutefois une réalité faite d'ignorance de ces problématiques. « Si les petites filles ou les femmes sont globalement bien protégées en France lorsqu'il y a lieu de craindre une excision dans leur pays d'origine, ce sujet est encore trop peu connu des professionnels de l'asile qui sont pourtant amenés à se prononcer sur ces cas », estime Annelise Garzuel, chargée des relations institutionnelles pour Excision, parlons-en !. Le 13 avril dernier, l'association a organisé la conférence « Excision et crédibilité de la demande d'asile » à l'université Panthéon-Assas, précisément pour donner des « repères » aux professionnels, avocats, médecins et surtout agents de CADA (Centre d'accueil pour demandeurs d'asile), de l'OFPRA et de la CNDA (Cour Nationale du Droit d'Asile).
Au-delà de l’excision, l’OFPRA a été confronté à d’autres situations dans lesquelles les femmes encourent des dangers particuliers, en cas de conflits armés ou non. En 2014, 12% des femmes demandeuses d’asile en France venaient de la République Démocratique du Congo (RDC), où le viol est devenu une véritable arme de guerre entre factions rivales. De la même manière, les risques de violences faites spécifiquement aux femmes ou de mariages forcés ont été invoqués par des demandeuses maliennes, tchadiennes, ivoiriennes ou guinéennes. Annelise Garzuel confirme ainsi que « l'asile est parfois octroyé en raison d'une autre violence subie, comme le viol ou le mariage forcé, sans que l'excision ne soit mentionnée. C'est bien l'ensemble qui constitue autant d'éléments pour justifier que la personne demande une protection ».
Pour cette raison, le projet de réforme de l'asile, adopté par l'Assemblée nationale en décembre 2014 et qui sera examiné par le Sénat en mai, intégrera explicitement la protection des droits des femmes dans le dispositif français. « Le fait que les violences fondées sur le genre soient désormais considérées comme des motifs de persécution constitue une avancée significative », se réjouit Annelise Garzuel. Mais l'association estime que les parlementaires devraient aller plus loin en reconnaissant le caractère politique de cet exil : « Les femmes sont contraintes de s’exiler parce qu’elles refusent de subir des lois, des coutumes ou des pratiques inégalitaires, elles s’opposent donc à la manière dont est organisée et gouvernée la société. Reconnaître le droit d’asile aux femmes persécutées au nom de leurs opinions politiques reviendrait également à soutenir leurs luttes et les appuyer en tant qu'actrices de leur liberté ».
Des actrices de la liberté qui ne pourront pas baisser la garde. Dans son dernier rapport datant de 2013, l’Unicef relève certes une diminution des cas d’excision dans le monde tout en prospectant que, dans la décennie à venir, quelques trente millions de femmes pourraient subir cette torture. Quant au viol, il reste encore une arme de guerre en République Démocratique du Congo ou en Syrie. Une arme qui serait, selon les rapports de l'ONU et des ONG, utilisée de façon massive.
AZIZ EL MASSASSI
Le rapport d’activité de l’OFPRA (Office français de Protection des Réfugiés et des Apatrides), rendu public jeudi, révèle une recrudescence des femmes demandeuses d’asile. Elles sont nombreuses à fuir des menaces qui les visent particulièrement.
En 2014, elles ne représentent que 36% des premières demandes d’asile en France. Les femmes correspondent pourtant à environ la moitié des personnes ayant bénéficié de la protection de l’OFPRA (Office français de Protection des Réfugiés et des Apatrides), qui a rendu ce jeudi son rapport d'activité pour 2014. Ces femmes bénéficient de l'asile en France soit par l’octroi du statut de réfugié soit, le cas échéant, via un mécanisme de protection subsidiaire. Dans un contexte de conflits armés, et même en temps de paix dans certaines régions (voire selon différentes ethnies), les femmes fuient de par le monde. Certaines s'exilent aux côtés de leurs proches, d'autres tentent précisément de leur échapper. Les risques de viols (souvent impunis), de mutilations sexuelles (notamment l'excision), de mariages forcés et plus généralement de violences sont les causes d'un parcours de combattante. Au sens propre.
La part des femmes dans la demande de protection internationale a notablement cru dans les années 2000 après la loi du 11 décembre 2003 qui instaure ce mécanisme de protection subsidiaire. Il permet au demandeurs d’asile d’être prémunis contre les menaces de mort ou de tortures dans leurs pays lorsqu’ils ne peuvent prétendre au statut de réfugié, en raison des critères stricts imposés par la Convention de Genève de 1951 qui évoque des risques de persécution liés à la race, la religion, la nationalité, l'appartenance à un groupe social ou encore les opinions politiques. Parmi les tortures en question, certaines affectent spécifiquement les femmes, comme l’excision. Autre changement majeur pour la protection des femmes exilées, la nouvelle politique du Conseil d’Etat. La haute juridiction administrative, depuis 2013, estime que les femmes fuyant l’excision ne relèvent plus d’une simple protection subsidiaire mais bien d’un véritable statut de réfugié en raison donc de leur « appartenance à un groupe social », celui des femmes. Ce bouleversement juridique n'a pas été vain : selon le HCR, la France est le premier pays européen à accueillir des femmes victimes ou menacées d'excision.
Le risque de ces violences spécifiques explique en effet la plus grande clémence de l’administration à l’égard des femmes demandeuses d’asile. Si le taux moyen d’admission à la protection internationale reste de 12% sur les cinq dernières années, celui des femmes est de quatre points supérieur, atteignant environ 16%. Ce taux d’admission est particulièrement élevé pour les ressortissantes des pays du Moyen-Orient en état de guerre mais aussi des régions où l’excision est pratiquée, comme le Mali et la Guinée. La générosité relative de l'administration à l'égard de ces femmes cache toutefois une réalité faite d'ignorance de ces problématiques. « Si les petites filles ou les femmes sont globalement bien protégées en France lorsqu'il y a lieu de craindre une excision dans leur pays d'origine, ce sujet est encore trop peu connu des professionnels de l'asile qui sont pourtant amenés à se prononcer sur ces cas », estime Annelise Garzuel, chargée des relations institutionnelles pour Excision, parlons-en !. Le 13 avril dernier, l'association a organisé la conférence « Excision et crédibilité de la demande d'asile » à l'université Panthéon-Assas, précisément pour donner des « repères » aux professionnels, avocats, médecins et surtout agents de CADA (Centre d'accueil pour demandeurs d'asile), de l'OFPRA et de la CNDA (Cour Nationale du Droit d'Asile).
Au-delà de l’excision, l’OFPRA a été confronté à d’autres situations dans lesquelles les femmes encourent des dangers particuliers, en cas de conflits armés ou non. En 2014, 12% des femmes demandeuses d’asile en France venaient de la République Démocratique du Congo (RDC), où le viol est devenu une véritable arme de guerre entre factions rivales. De la même manière, les risques de violences faites spécifiquement aux femmes ou de mariages forcés ont été invoqués par des demandeuses maliennes, tchadiennes, ivoiriennes ou guinéennes. Annelise Garzuel confirme ainsi que « l'asile est parfois octroyé en raison d'une autre violence subie, comme le viol ou le mariage forcé, sans que l'excision ne soit mentionnée. C'est bien l'ensemble qui constitue autant d'éléments pour justifier que la personne demande une protection ».
Pour cette raison, le projet de réforme de l'asile, adopté par l'Assemblée nationale en décembre 2014 et qui sera examiné par le Sénat en mai, intégrera explicitement la protection des droits des femmes dans le dispositif français. « Le fait que les violences fondées sur le genre soient désormais considérées comme des motifs de persécution constitue une avancée significative », se réjouit Annelise Garzuel. Mais l'association estime que les parlementaires devraient aller plus loin en reconnaissant le caractère politique de cet exil : « Les femmes sont contraintes de s’exiler parce qu’elles refusent de subir des lois, des coutumes ou des pratiques inégalitaires, elles s’opposent donc à la manière dont est organisée et gouvernée la société. Reconnaître le droit d’asile aux femmes persécutées au nom de leurs opinions politiques reviendrait également à soutenir leurs luttes et les appuyer en tant qu'actrices de leur liberté ».
Des actrices de la liberté qui ne pourront pas baisser la garde. Dans son dernier rapport datant de 2013, l’Unicef relève certes une diminution des cas d’excision dans le monde tout en prospectant que, dans la décennie à venir, quelques trente millions de femmes pourraient subir cette torture. Quant au viol, il reste encore une arme de guerre en République Démocratique du Congo ou en Syrie. Une arme qui serait, selon les rapports de l'ONU et des ONG, utilisée de façon massive.