Les Églises peuvent-elles imposer des règles internes et une discipline pour assurer une certaine orthodoxie ?
Associations religieuses - Liberté de religion - Droit interne - Discipline religieuse
Publié le 16 mars 2015
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Dans la Revue trimestrielle des droits de l’homme, le professeur Jean-Pierre Schouppe rappelle qu’une Église est libre d’imposer une uniformité en matière religieuse conformément à la Convention européenne des droits de l’homme : « Le second pilier de la liberté de religion institutionnelle, à savoir l’autonomie organisationnelle des communautés religieuses, suppose, lui aussi, la reconnaissance de plusieurs libertés pour chaque groupement religieux. L’“ancienne” Commission avait déjà mis en relief plusieurs aspects de cette autonomie, notamment [...] la liberté de veiller à sauvegarder une uniformité doctrinale et le droit de faire respecter une discipline et des règles propres. Elle avait aussi précisé, à cet égard, que la liberté religieuse à l’intérieur des communautés est circonscrite à la libre adhésion et au libre départ, tant des membres que des ministres [1] ».
Cela signifie qu’une personne ne pourrait pas, au nom de sa liberté religieuse, obliger une communauté religieuse à l’accepter comme membre alors qu’elle ne se conforme pas au credo de cette religion. La Commission européenne des droits de l’homme a ainsi expliqué dans l’affaire X. contre Danemark : « Une église est une communauté religieuse organisée, fondée sur une identité ou sur une substantielle similitude de convictions. Grâce aux droits reconnus à ses adhérents par l’article 9, l’église elle-même bénéficie d’une protection dans sa liberté de manifester sa religion, d’organiser et de célébrer son culte, d’enseigner les pratiques et les rites, et elle peut assurer et imposer l’uniformité en ces matières. [2] »
La liberté personnelle de religion d’un membre peut donc s’exercer par le droit de quitter l’église, en cas de désaccord avec les enseignements de celle-ci. Aussi la commission européenne a-t-elle rejeté ce recours en jugeant que « contrairement à l’État lui-même envers quiconque relève de sa juridiction, les églises ne sont pas tenues d’assurer la liberté de religion de leurs prêtres et de leurs fidèles ». Franchement, quel est l’intérêt d’appartenir à une confession dont on ne partage pas les croyances de base ou dont on ne respecte pas les valeurs communes ?
Par ailleurs, il n’est pas rare que des religions établies disposent d’une législation et de juridictions internes. Par exemple, le Code de Droit canonique est le recueil officiel des lois qui régissent l’organisation de l’Église catholique romaine, ainsi que la vie de ses fidèles, et qui encadrent les sacrements, la discipline religieuse et le rôle des tribunaux ecclésiastiques. Quant au Beth Din rabbinique, c’est un tribunal religieux chargé de juger les affaires couvertes par la Loi juive.
La séparation des Églises et de l’État prévoit que chacun gère ses affaires de manière autonome dans son domaine respectif, spirituel ou temporel, sans chercher à s’immiscer dans celui de l’autre. Dans la mesure où les institutions religieuses traitent seulement ce qui concerne les sacrements ou la discipline religieuse, elles ne se substituent pas aux juridictions civiles et pénales ni n’interfèrent dans leurs procédures judiciaires.
Notes
[1] Jean-Pierre Schouppe, « La dimension collective et institutionnelle de la liberté religieuse à la lumière de quelques arrêts récents de la Cour européenne des droits de l’homme », Revue trimestrielle des droits de l’homme, n° 2005/63, p. 626, 627.
[2] Com. EDH, 8 mars 1976, n° 7374/76, affaire X. contre Danemark.
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Publié le 16 mars 2015
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Dans la Revue trimestrielle des droits de l’homme, le professeur Jean-Pierre Schouppe rappelle qu’une Église est libre d’imposer une uniformité en matière religieuse conformément à la Convention européenne des droits de l’homme : « Le second pilier de la liberté de religion institutionnelle, à savoir l’autonomie organisationnelle des communautés religieuses, suppose, lui aussi, la reconnaissance de plusieurs libertés pour chaque groupement religieux. L’“ancienne” Commission avait déjà mis en relief plusieurs aspects de cette autonomie, notamment [...] la liberté de veiller à sauvegarder une uniformité doctrinale et le droit de faire respecter une discipline et des règles propres. Elle avait aussi précisé, à cet égard, que la liberté religieuse à l’intérieur des communautés est circonscrite à la libre adhésion et au libre départ, tant des membres que des ministres [1] ».
Cela signifie qu’une personne ne pourrait pas, au nom de sa liberté religieuse, obliger une communauté religieuse à l’accepter comme membre alors qu’elle ne se conforme pas au credo de cette religion. La Commission européenne des droits de l’homme a ainsi expliqué dans l’affaire X. contre Danemark : « Une église est une communauté religieuse organisée, fondée sur une identité ou sur une substantielle similitude de convictions. Grâce aux droits reconnus à ses adhérents par l’article 9, l’église elle-même bénéficie d’une protection dans sa liberté de manifester sa religion, d’organiser et de célébrer son culte, d’enseigner les pratiques et les rites, et elle peut assurer et imposer l’uniformité en ces matières. [2] »
La liberté personnelle de religion d’un membre peut donc s’exercer par le droit de quitter l’église, en cas de désaccord avec les enseignements de celle-ci. Aussi la commission européenne a-t-elle rejeté ce recours en jugeant que « contrairement à l’État lui-même envers quiconque relève de sa juridiction, les églises ne sont pas tenues d’assurer la liberté de religion de leurs prêtres et de leurs fidèles ». Franchement, quel est l’intérêt d’appartenir à une confession dont on ne partage pas les croyances de base ou dont on ne respecte pas les valeurs communes ?
Par ailleurs, il n’est pas rare que des religions établies disposent d’une législation et de juridictions internes. Par exemple, le Code de Droit canonique est le recueil officiel des lois qui régissent l’organisation de l’Église catholique romaine, ainsi que la vie de ses fidèles, et qui encadrent les sacrements, la discipline religieuse et le rôle des tribunaux ecclésiastiques. Quant au Beth Din rabbinique, c’est un tribunal religieux chargé de juger les affaires couvertes par la Loi juive.
La séparation des Églises et de l’État prévoit que chacun gère ses affaires de manière autonome dans son domaine respectif, spirituel ou temporel, sans chercher à s’immiscer dans celui de l’autre. Dans la mesure où les institutions religieuses traitent seulement ce qui concerne les sacrements ou la discipline religieuse, elles ne se substituent pas aux juridictions civiles et pénales ni n’interfèrent dans leurs procédures judiciaires.
Notes
[1] Jean-Pierre Schouppe, « La dimension collective et institutionnelle de la liberté religieuse à la lumière de quelques arrêts récents de la Cour européenne des droits de l’homme », Revue trimestrielle des droits de l’homme, n° 2005/63, p. 626, 627.
[2] Com. EDH, 8 mars 1976, n° 7374/76, affaire X. contre Danemark.