Quand la foi s'embrase
Eric Vinson - publié le 14/01/2015
Comme l'ont encore illustré dramatiquement les attentats de Charlie Hebdo, Montrouge et de l’hypermarché casher, les « fous de Dieu » occupent l’actualité, portant depuis quelques années le fanatisme à la une des médias. Mais si la liste des agressions au nom du « feu sacré » est longue, la chose n’est ni nouvelle, ni propre au religieux.
Le fanatisme et le fondamentalisme (...) doivent être contrés par la solidarité de tous les croyants. » Telle est la conviction affirmée par le pape François lors de son voyage en Turquie en novembre dernier, devant les autorités du pays. « Fanatisme »... À mesure que se mondialise la guerre opposant islamo-terroristes et pouvoirs en place, ce terme un peu oublié fait un retour fracassant dans notre univers que le sacré semblait avoir déserté. Non sans charrier d’épineuses questions, nouées autour des rapports si complexes – si équivoques – du religieux et du politique, de la tradition et de la modernité. Du civilisé et du barbare.
« Apparu au début du XVIe siècle, le terme “fanatiques” est appliqué par Luther et Calvin à ceux qui, au début de la Réforme, voulaient détruire la société civile existante pour instaurer ici et maintenant le Royaume de Dieu », rappelle Dominique Colas, l’un des rares universitaires spécialistes du fanatisme. « Iconoclastes et radicaux, ces protestants extrémistes se dressaient contre les princes et brisaient les images saintes, poursuit-il, pour purifier le monde de l’idolâtrie, obstacle intolérable à l’amour de la présence divine immédiate et pure. Car, à ses propres yeux, le fanatique est la vérité : elle l’anime, l’agite, le propulse. Il n’a point à construire ou découvrir le vrai, ni à cheminer vers Dieu dans la nuit obscure, selon la voie du mystique. Il jouit, sans délai et sans relais, d’une certitude immédiate et totale qui l’habite, le possède tout entier et le propulse… violemment. Pour façonner le réel à son image, quitte à annihiler tous ceux qui lui font obstacle. » Polémique et même injurieux, le qualificatif de « fanatique » émerge ainsi avec la fracture de la chrétienté occidentale, peu après le rendez-vous manqué de celle-ci avec les juifs, expulsés de France et d’Espagne aux XIVe et XVe siècles, et les musulmans de l’Espagne reconquise en 1492.
« Tuez-les tous, dieu reconnaîtra les siens »
De cette crise globale – qui durera des années 1520 au XVIIIe siècle – émergera peu à peu notre société moderne, notamment par une distinction accrue d’un religieux et d’un politique progressivement désacralisé. L’adjectif « fanatique » est ainsi lié aux horreurs restées proverbiales des guerres de Religion ; il est un enjeu entre les catholiques et les protestants, se disqualifiant les uns les autres grâce à lui pour mieux légitimer leurs entêtements jumeaux et leurs exactions en miroir. Marquant la fin de la société traditionnelle européenne, la notion de « fanatisme » désigne par la suite l’excès pathologique de la croyance, quand celle-ci – affranchie de toute limite – s’absolutise, s’embrase et confine à la folie.
À connotation religieuse, son étymologie renvoie à fanum (temple, en latin), et en l’occurrence aux prêtres des déesses Cybèle et Bellone, réputés à Rome pour leurs rituels frénétiques. Opposé au raisonnable et a fortiori au rationnel, le terme évoque ainsi la dérégulation, la démesure du religieux, où s’affirme de plus en plus l’intransigeance et la cruauté – exercée contre autrui mais aussi contre soi-même (voir p. 29). Mais, de fait, les « fanatiques » sévissent bien avant l’invention du mot… On pense, évidemment, au « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra le siens ! », lancé, paraît-il, par le légat du pape Arnaud Amaury lors du sanglant sac de Béziers (1209), durant la croisade contre les Albigeois. Et l’on pourrait remonter bien plus loin.
Une vieille histoire
Les hommes n’ont pas attendu la Renaissance pour étriper au nom de Dieu, ou des dieux. Sacrifices humains antiques ou précolombiens, anathème biblique, conversions forcées et persécutions de minorités, « sectes » offensives ou martyrisées, hérétiques suppliciés, Inquisition et progroms… La liste des agressions liées au religieux est-elle aussi longue qu’antédiluvienne ? « Si le mot “fanatisme” est historiquement plus récent, confirme le politologue Paul Zawadzki, la chose est ancienne, autant peut-être que la capacité des hommes à nourrir de l’idéal et à s’entre-tuer en son nom ». Et si les conflits inter-communautaires semblent vieux comme le monde, leur instrumentalisation du sacré le paraît tout autant, puisqu’il n’y a rien de mieux pour rassembler et galvaniser les troupes, légitimer les chefs et diaboliser les ennemis. Du « Gott mit uns » (« Dieu avec nous ») de la Wehrmacht au « In God we trust » de la devise américaine, Dieu que la guerre – sainte – est jolie, aurait pu direApollinaire…
Mais au-delà des combats millénaires entre groupes et nations, on ne doit pas non plus oublier la violence inhérente à chaque société prise en elle-même, et qui s’exprime souvent sur un mode religieux illustré par le mécanisme anthropologique du « bouc émissaire », cher au philosophe René Girard. Ce qui fait du fanatisme autant un problème interne à chacune des civilisations qu’un choc entre ces dernières, contrairement aux idées reçues. En cela, aucune époque, aucune culture n’est épargnée par ce « feu sacré », métaphore choisie par Régis Debray pour résumer l’ambiguïté qui caractérise le religieux. « Le feu sacré sera foyer ou volcan, domestique ou sauvage, vivifiant ou mortifère, explique l’essayiste. Qu’on le maudisse ou l’adore, il est bien là, au cœur de la cité des hommes, avec ses intermittences et ses ambivalences. Car les fanatiques sont aussi dévoués, et les identitaires, courageux. Avec le religieux, rien n’est simple. »
En 1694, le Dictionnaire de l’Académie définit le « fanatique » comme un « fou extravagant aliéné d’esprit qui croit avoir des visions, des inspirations » et précise que le mot « ne se dit qu’en fait de religion ». Peu avant que les Lumières ne se vouent à extirper cette bête noire, à leurs yeux inséparable de la « superstition » et de l’« obscurantisme ». La figure clé est ici celle de Voltaire, proclamant en 1771 dans sa lutte acharnée contre « l’infâme » : « Le plus grand exemple de fanatisme est celui des bourgeois de Paris qui coururent assassiner, égorger, jeter par les fenêtres, mettre en pièces, la nuit de la Saint-Barthélémy, leurs concitoyens qui n’allaient point à la messe. » Toujours le traumatisme des guerres de Religion, tragique repoussoir à l’origine de la promotion de la tolérance, puis de la liberté de conscience, et finalement de la laïcité en France.
À partir de cet antifanatisme typiquement moderne, détaille Paul Zawadzki, « la critique peut facilement s’étendre au catholicisme intransigeant constitué en réaction à la Révolution française et au libéralisme, à l’intégrisme catholique qui en est issu, à la part de l’ultra-orthodoxie juive qui ne s’est pas ralliée à l’État israélien, ou de manière massive à l’islamisme politique. Dans le monde contemporain, conclut l’expert, l’analyse du fanatisme recoupe ainsi plus ou moins celle de l’intégrisme et du fondamentalisme, dès lors que s’y déploie le projet de réincorporer la politique dans la religion ».
Intégrisme, fondamentalisme… À ces mots omniprésents dans les médias, mais rarement définis, on pourrait ajouter ceux d’extrémisme, de secte, de terrorisme ou de radicalisme, désormais toujours plus ou moins rattachés à l’islam. Comme si les musulmans étaient les seuls atteints par ce mal ; et comme si une religion « modérée », tiède, discrète, était seule acceptable dans notre cité post-moderne, relativiste et sceptique en tout… sauf envers sa propre supériorité. Cette société où, disait Kant, « on prend pour un exalté celui qui vit d’une manière conforme à ce qu’il enseigne ».
L’autre, Toujours
François d’Assise, l’Abbé Pierre ou Gandhi étaient-ils, pourtant, des croyants « modérés » ? En dehors des crimes caractérisés motivés par une croyance, qui peut déterminer avec certitude quand celle-ci devient « excessive » ? Et selon quels critères universels, hormis la « règle d’or » commune à toutes les religions ? De fait, la croyance « exagérée », l’aveuglement et la barbarie qu’elle implique parfois sont bien souvent attribués à qui m’agresse par sa différence. Tel le « sauvage » ou le « sectaire », « le fanatique, c’est toujours l’autre », souligne en un mot le psychanalyste André Haynal. En témoigne l’emploi du vocable par Pascal Bruckner, contre les écologistes, dans son essai Le Fanatisme de l’Apocalypse : sauver la Terre, punir l’Homme (2013) ; ou par l’économiste Joseph Stiglitz, contre les ultra-libéraux, dans Un autre monde : contre le fanatisme du marché (2008). Sans oublier ceux qui se renvoient sans fin au visage les victimes du fanatisme djihadiste et celles du fanatisme sioniste ou néo-colonial de l’Occident… Rivalité victimaire qui renforce le cercle vicieux de la violence au lieu de le briser.
Religieux ou non, certains sont prêts à tout pour imposer leur vision du monde et leur « rêve », qui vire au cauchemar pour les autres. Ce n’est donc pas tant l’intensité de la croyance ou son « irrationnalité » qui font le fanatique, mais son exclusivisme, sa bonne conscience et sa brutalité sans scrupule. Par une contradiction révoltante – et même incompréhensible pour qui réduit la religion à l’éthique et à la spiritualité –, les « fous de Dieu » existent hélas bel et bien ; mais la folie séculière des idéologues, des écervelés et des cyniques ne fait pas moins de dégâts. En 1921, au nom du « sens de l’Histoire » et du « socialisme scientifique », Lénine ne prescrivait-il pas aux communistes italiens de monter un « Parti incapable d’hésiter, vraie avant-garde, qui réunisse un dévouement sans bornes et le plus grand fanatisme » ?
http://www.lemondedesreligions.fr/savoir/quand-la-foi-s-embrase-14-01-2015-4467_110.php
Eric Vinson - publié le 14/01/2015
Comme l'ont encore illustré dramatiquement les attentats de Charlie Hebdo, Montrouge et de l’hypermarché casher, les « fous de Dieu » occupent l’actualité, portant depuis quelques années le fanatisme à la une des médias. Mais si la liste des agressions au nom du « feu sacré » est longue, la chose n’est ni nouvelle, ni propre au religieux.
Le fanatisme et le fondamentalisme (...) doivent être contrés par la solidarité de tous les croyants. » Telle est la conviction affirmée par le pape François lors de son voyage en Turquie en novembre dernier, devant les autorités du pays. « Fanatisme »... À mesure que se mondialise la guerre opposant islamo-terroristes et pouvoirs en place, ce terme un peu oublié fait un retour fracassant dans notre univers que le sacré semblait avoir déserté. Non sans charrier d’épineuses questions, nouées autour des rapports si complexes – si équivoques – du religieux et du politique, de la tradition et de la modernité. Du civilisé et du barbare.
« Apparu au début du XVIe siècle, le terme “fanatiques” est appliqué par Luther et Calvin à ceux qui, au début de la Réforme, voulaient détruire la société civile existante pour instaurer ici et maintenant le Royaume de Dieu », rappelle Dominique Colas, l’un des rares universitaires spécialistes du fanatisme. « Iconoclastes et radicaux, ces protestants extrémistes se dressaient contre les princes et brisaient les images saintes, poursuit-il, pour purifier le monde de l’idolâtrie, obstacle intolérable à l’amour de la présence divine immédiate et pure. Car, à ses propres yeux, le fanatique est la vérité : elle l’anime, l’agite, le propulse. Il n’a point à construire ou découvrir le vrai, ni à cheminer vers Dieu dans la nuit obscure, selon la voie du mystique. Il jouit, sans délai et sans relais, d’une certitude immédiate et totale qui l’habite, le possède tout entier et le propulse… violemment. Pour façonner le réel à son image, quitte à annihiler tous ceux qui lui font obstacle. » Polémique et même injurieux, le qualificatif de « fanatique » émerge ainsi avec la fracture de la chrétienté occidentale, peu après le rendez-vous manqué de celle-ci avec les juifs, expulsés de France et d’Espagne aux XIVe et XVe siècles, et les musulmans de l’Espagne reconquise en 1492.
« Tuez-les tous, dieu reconnaîtra les siens »
De cette crise globale – qui durera des années 1520 au XVIIIe siècle – émergera peu à peu notre société moderne, notamment par une distinction accrue d’un religieux et d’un politique progressivement désacralisé. L’adjectif « fanatique » est ainsi lié aux horreurs restées proverbiales des guerres de Religion ; il est un enjeu entre les catholiques et les protestants, se disqualifiant les uns les autres grâce à lui pour mieux légitimer leurs entêtements jumeaux et leurs exactions en miroir. Marquant la fin de la société traditionnelle européenne, la notion de « fanatisme » désigne par la suite l’excès pathologique de la croyance, quand celle-ci – affranchie de toute limite – s’absolutise, s’embrase et confine à la folie.
À connotation religieuse, son étymologie renvoie à fanum (temple, en latin), et en l’occurrence aux prêtres des déesses Cybèle et Bellone, réputés à Rome pour leurs rituels frénétiques. Opposé au raisonnable et a fortiori au rationnel, le terme évoque ainsi la dérégulation, la démesure du religieux, où s’affirme de plus en plus l’intransigeance et la cruauté – exercée contre autrui mais aussi contre soi-même (voir p. 29). Mais, de fait, les « fanatiques » sévissent bien avant l’invention du mot… On pense, évidemment, au « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra le siens ! », lancé, paraît-il, par le légat du pape Arnaud Amaury lors du sanglant sac de Béziers (1209), durant la croisade contre les Albigeois. Et l’on pourrait remonter bien plus loin.
Une vieille histoire
Les hommes n’ont pas attendu la Renaissance pour étriper au nom de Dieu, ou des dieux. Sacrifices humains antiques ou précolombiens, anathème biblique, conversions forcées et persécutions de minorités, « sectes » offensives ou martyrisées, hérétiques suppliciés, Inquisition et progroms… La liste des agressions liées au religieux est-elle aussi longue qu’antédiluvienne ? « Si le mot “fanatisme” est historiquement plus récent, confirme le politologue Paul Zawadzki, la chose est ancienne, autant peut-être que la capacité des hommes à nourrir de l’idéal et à s’entre-tuer en son nom ». Et si les conflits inter-communautaires semblent vieux comme le monde, leur instrumentalisation du sacré le paraît tout autant, puisqu’il n’y a rien de mieux pour rassembler et galvaniser les troupes, légitimer les chefs et diaboliser les ennemis. Du « Gott mit uns » (« Dieu avec nous ») de la Wehrmacht au « In God we trust » de la devise américaine, Dieu que la guerre – sainte – est jolie, aurait pu direApollinaire…
Mais au-delà des combats millénaires entre groupes et nations, on ne doit pas non plus oublier la violence inhérente à chaque société prise en elle-même, et qui s’exprime souvent sur un mode religieux illustré par le mécanisme anthropologique du « bouc émissaire », cher au philosophe René Girard. Ce qui fait du fanatisme autant un problème interne à chacune des civilisations qu’un choc entre ces dernières, contrairement aux idées reçues. En cela, aucune époque, aucune culture n’est épargnée par ce « feu sacré », métaphore choisie par Régis Debray pour résumer l’ambiguïté qui caractérise le religieux. « Le feu sacré sera foyer ou volcan, domestique ou sauvage, vivifiant ou mortifère, explique l’essayiste. Qu’on le maudisse ou l’adore, il est bien là, au cœur de la cité des hommes, avec ses intermittences et ses ambivalences. Car les fanatiques sont aussi dévoués, et les identitaires, courageux. Avec le religieux, rien n’est simple. »
En 1694, le Dictionnaire de l’Académie définit le « fanatique » comme un « fou extravagant aliéné d’esprit qui croit avoir des visions, des inspirations » et précise que le mot « ne se dit qu’en fait de religion ». Peu avant que les Lumières ne se vouent à extirper cette bête noire, à leurs yeux inséparable de la « superstition » et de l’« obscurantisme ». La figure clé est ici celle de Voltaire, proclamant en 1771 dans sa lutte acharnée contre « l’infâme » : « Le plus grand exemple de fanatisme est celui des bourgeois de Paris qui coururent assassiner, égorger, jeter par les fenêtres, mettre en pièces, la nuit de la Saint-Barthélémy, leurs concitoyens qui n’allaient point à la messe. » Toujours le traumatisme des guerres de Religion, tragique repoussoir à l’origine de la promotion de la tolérance, puis de la liberté de conscience, et finalement de la laïcité en France.
À partir de cet antifanatisme typiquement moderne, détaille Paul Zawadzki, « la critique peut facilement s’étendre au catholicisme intransigeant constitué en réaction à la Révolution française et au libéralisme, à l’intégrisme catholique qui en est issu, à la part de l’ultra-orthodoxie juive qui ne s’est pas ralliée à l’État israélien, ou de manière massive à l’islamisme politique. Dans le monde contemporain, conclut l’expert, l’analyse du fanatisme recoupe ainsi plus ou moins celle de l’intégrisme et du fondamentalisme, dès lors que s’y déploie le projet de réincorporer la politique dans la religion ».
Intégrisme, fondamentalisme… À ces mots omniprésents dans les médias, mais rarement définis, on pourrait ajouter ceux d’extrémisme, de secte, de terrorisme ou de radicalisme, désormais toujours plus ou moins rattachés à l’islam. Comme si les musulmans étaient les seuls atteints par ce mal ; et comme si une religion « modérée », tiède, discrète, était seule acceptable dans notre cité post-moderne, relativiste et sceptique en tout… sauf envers sa propre supériorité. Cette société où, disait Kant, « on prend pour un exalté celui qui vit d’une manière conforme à ce qu’il enseigne ».
L’autre, Toujours
François d’Assise, l’Abbé Pierre ou Gandhi étaient-ils, pourtant, des croyants « modérés » ? En dehors des crimes caractérisés motivés par une croyance, qui peut déterminer avec certitude quand celle-ci devient « excessive » ? Et selon quels critères universels, hormis la « règle d’or » commune à toutes les religions ? De fait, la croyance « exagérée », l’aveuglement et la barbarie qu’elle implique parfois sont bien souvent attribués à qui m’agresse par sa différence. Tel le « sauvage » ou le « sectaire », « le fanatique, c’est toujours l’autre », souligne en un mot le psychanalyste André Haynal. En témoigne l’emploi du vocable par Pascal Bruckner, contre les écologistes, dans son essai Le Fanatisme de l’Apocalypse : sauver la Terre, punir l’Homme (2013) ; ou par l’économiste Joseph Stiglitz, contre les ultra-libéraux, dans Un autre monde : contre le fanatisme du marché (2008). Sans oublier ceux qui se renvoient sans fin au visage les victimes du fanatisme djihadiste et celles du fanatisme sioniste ou néo-colonial de l’Occident… Rivalité victimaire qui renforce le cercle vicieux de la violence au lieu de le briser.
Religieux ou non, certains sont prêts à tout pour imposer leur vision du monde et leur « rêve », qui vire au cauchemar pour les autres. Ce n’est donc pas tant l’intensité de la croyance ou son « irrationnalité » qui font le fanatique, mais son exclusivisme, sa bonne conscience et sa brutalité sans scrupule. Par une contradiction révoltante – et même incompréhensible pour qui réduit la religion à l’éthique et à la spiritualité –, les « fous de Dieu » existent hélas bel et bien ; mais la folie séculière des idéologues, des écervelés et des cyniques ne fait pas moins de dégâts. En 1921, au nom du « sens de l’Histoire » et du « socialisme scientifique », Lénine ne prescrivait-il pas aux communistes italiens de monter un « Parti incapable d’hésiter, vraie avant-garde, qui réunisse un dévouement sans bornes et le plus grand fanatisme » ?
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