Plusieurs auteurs, depuis une centaine d’années, soutiennent que Nazareth n’existait pas du temps de Jésus. En 1970, dans son livre à succès « Jésus ou le mortel secret des Templiers », l’auteur Robert Ambelain[size=16][1] écrivait :[/size]
« Il nous reste un problème à éclaircir, celui de l’identification de Nazareth. Cette ville (Nazaret, Nazara, Nazareth) ne figure dans aucun texte ancien. L’Ancien Testament, si loquace dans la géographie, Flavius Josèphe, le Talmud, les manuscrits de la mer Morte, n’en parlent pas. Elle apparaît avec les manuscrits des Évangiles officiels, c’est-à-dire au quatrième siècle [...] La bourgade actuelle, en fait n’est apparue matériellement qu’au huitième siècle car il fallut bien, un jour et finalement, situer cette Nazareth dont parlaient les Évangiles ; les pèlerins devenaient de plus en plus nombreux ; ils voulaient visiter Nazareth. On s’arrangea pour la créer. » [2]
Le nihiliste[size=16][3] Bernard Dubourg partage cette opinion. Dans le Glossaire situé à la fin de son livre intitulé L’invention de Jésus (Paris, Gallimard, 1987), on lit page 260 :[/size]
« Nazareth : ville fantôme des Évangiles (le mot résulte d’un travail exégétique sur divers passages de la Bible hébraïque : c’est un mot forgé). Aucune mention de Nazareth dans l’immense littérature juive biblique et post-biblique. »
Qu’en est-il réellement ?
La présence humaine sur le site actuel de Nazareth remonte au deuxième millénaire av. J.-C. Les fouilles ont mis au jour un matériel abondant et varié : vases d’argile, albâtre, etc. retrouvés dans des tombes situées à proximité du village. Nous ne pouvons toutefois affirmer que Nazareth a effectivement été occupée de façon ininterrompue de 2000 av. J.-C. jusqu’à l’époque de la rédaction des Évangiles. Mais, du temps de Jésus, la bourgade comptait tout de même une vingtaine de maisons toutes construites devant, ou sur une grotte, laquelle grotte pouvant tenir lieu d’habitation ou de dépendance.
Certes, ni l’Ancien Testament, ni Flavius Josèphe, ni les sources rabbiniques les plus anciennes, ne mentionnent Nazareth[size=16][4]. Mais, vu la taille modeste de la bourgade à l’époque évangélique, il n’y a pas lieu de s’en étonner. De nombreux autres villages palestiniens sont dans le même cas et nul ne songe pour autant à remettre en doute leur existence. Peu peuplée, dépourvue de remparts et située à l’écart des grandes routes, le village ne présentait aucun intérêt économique ni stratégique.[/size]
Pour les chrétiens, en revanche, du fait de son rapport étroit avec la personne de Jésus, le site a rapidement présenté un intérêt majeur et les pèlerins ont commencé à y affluer dès la seconde moitié du iv[size=12][size=13]e siècle de notre ère. Eusèbe de Césarée, vers 300 apr. J.-C., localise l’agglomération à quelques kilomètres du mont Thabor. D’après Épiphane de Salamine, la première église n’y fut édifiée que vers 350 apr. J.-C. car Nazareth était restée juive jusqu’alors. Saint Jérôme s’y rend pour la première fois en 386 apr. J.-C. Théodosius la mentionne dans son guide pour pèlerins (c. 530). L’Anonyme de Plaisance (c. 570 apr. J.-C.) et l’évêque gaulois Arculfe (c. 670, apud Adomnan) qui l’ont visitée nous en ont laissé une description détaillée.[/size][/size]
Une question reste toutefois en suspens : avons-nous l’assurance que l’emplacement de la Nazareth évangélique correspond effectivement à celui de la localité actuelle ? Matthieu en parle comme d’une « ville » (polis en grec, Matthieu 2 : 23), tandis que Luc, de son côté, précise qu’elle était bâtie sur une « montagne » (oros) à proximité d’un « escarpement » (ophrus) suffisamment profond pour provoquer la mort en cas de chute (Luc 4 : 29). Des données qui ne s’accordent pas avec le site actuel. Située sur une petite colline à flanc de cuvette, Nazareth n’était encore qu’une bourgade au i[size=12][size=13]ersiècle. Baptisé « lieu de la précipitation », le seul endroit vraiment escarpé se trouve à plus de 2 kilomètres du site. Faut-il pour autant en conclure à une pure création des évangélistes ?[/size][/size]
Pas nécessairement. Dans les évangiles, la patrie de Jésus est tantôt appelée Nazareth, tantôt Nazara. Plusieurs agglomérations mentionnées dans la Bible ne correspondent pas forcément aux localités actuelles portant les mêmes noms ou des noms voisins. Les homonymies topographiques sont en effet légion et conduisent fréquemment à des erreurs de localisation. Ceci ne prouve pas donc qu’une agglomération du nom de Nazareth ou Nazara n’existait pas au i[size=12][size=13]er siècle de notre ère. Le diacre Conon, qui subit le martyre vers 250 apr. J.-C., sous la persécution de Dèce, déclarait être originaire de Nazareth et appartenir à « la famille du Seigneur ». Son témoignage est-il authentique et, le cas échéant, s’agissait-il bien de la même localité que celle que nous connaissons ?[/size][/size]
Le poète juif Eléazar Kalir, qui vécut autour du viii[size=12][size=13]e siècle, mentionne également Nazareth et la présente comme étant une des agglomérations de Galilée où les vingt-quatre classes sacerdotales cherchèrent refuge après la ruine de Jérusalem en 70 apr. J.-C. Certes des auteurs comme Robert Ambelain (cité plus haut), considèrent ce témoignage, qui contrarient leur thèse, comme de peu de valeur (ibid., p. 131). Mais, en 1962, l’archéologie est venue confirmer les dires de Kalir : à Césarée-Maritime (Palestine) trois fragments de marbre gris portant une inscription en hébreu carré ont été découverts dans ce qu’on suppose être une antique synagogue. Il s’agit d’une liste sacerdotale de la fin du iiie siècle qui mentionne la classe de Happitsets (voir I Chroniques 24 : 15) résidant à Nazareth [/size][/size]