Comment l'été peut se faire meurtrier
Mots clés : santé publique, canicule, Chaleur, Mortalité, été, Températures
Par figaro icondamien Mascret - le 16/07/2015
La mortalité est étroitement liée à la saison, et c'est entre 14 et 26°C que la population française se porte le mieux.
On ne meurt pas autant, et pas de la même façon, tout au long de l'année, et les statistiques du nombre de décès en France montrent «une “courbe en U”, avec une surmortalité quand il fait très froid, une mortalité la plus basse en avril-mai et une surmortalité quand il fait très chaud», explique le Dr Grégoire Rey, directeur du Centre d'épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépicDC de l'Inserm). Le fond de la courbe, c'est-à-dire l'optimum thermique auquel la mortalité est la plus basse dans la population française, se situe entre 14 °C et 16 °C pour les températures minimales, 23 °C et 26 °C pour les températures maximales.
«Chez les patients ayant des antécédents cardio-vasculaires (infarctus du myocarde, angine de poitrine, etc.) la mortalité suit la courbe de température: plus il fait chaud, plus il y a de décès», explique le Pr Philippe Amouyel, professeur de santé publique (Inserm, CHRU de Lille). «Il existe, en été, une corrélation très claire entre l'augmentation de la température et la mortalité», ajoute le Dr Rey. La modélisation mise au point avec ses collègues de l'Inserm Anne Fouillet, Éric Jougal et Denis Hémon «permet d'expliquer 80 % des variations de mortalité avec ce seul paramètre», ajoute-t-il.
Pollution et chaleur
Coup de froid comme coup de chaud sont ennemis des maladies respiratoires. Le Pr François Braun, président de Samu de France, confirme voir «plus de décompensations (déséquilibre brutal, NDLR) d'insuffisants respiratoires ou cardiaques en été, à cause de la chaleur, et en hiver, à cause des infections». L'an dernier, une étude de deux épidémiologistes de l'Institut de veille sanitaire, Véronique Olié et Christophe Bonaldi, avait ainsi montré en hiver une hausse de 25 % des hospitalisations pour embolie pulmonaire et des décès associés.
Selon le Dr Frédéric Le Guillou, pneumologue et président de l'Association BPCO (Bronchite chronique), «il existe un risque hivernal probablement dû aux viroses respiratoires et aux surinfections bactériennes chez des patients ayant une fonction respiratoire précaire, mais il existe aussi des pics d'exacerbations, sans forcément de mortalité, en fonction de la pollution aux particules fines et ozone, lors des épisodes de forte chaleur, souvent l'été». Président de la Fédération française de pneumologie, le Pr Bruno Housset confirme cette conjuration de la pollution et de la chaleur: «L'irritation des bronches et le chaud augmentent la demande respiratoire, et l'insuffisant respiratoire va avoir du mal à y faire face.»
Les maladies du système nerveux sont aussi une cause de surmortalité lors des canicules. Ce qu'explique le Pr Yves Agid, directeur scientifique de l'Institut du cerveau et de la moelle épinière (Paris): «Beaucoup de maladies neurologiques sont présentes chez les sujets âgés fragiles et sont source d'immobilité, de troubles de déglutition (et donc de pneumopathie), et de diminution de l'autonomie à l'origine de complications de décubitus» (station allongée, NDLR).
700 morts dues à la canicule de début juillet
Alors que la France subit un nouvel épisode de chaleur, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a dévoilé jeudi les premiers chiffres du nombre de décès dus à la canicule en ce début d'été.
Entre le 29 juin et le 5 juillet, l'Institut de veille sanitaire (InVS) estime l'excès de mortalité à 700 décès (+ 7 % par rapport au nombre attendu en dehors de tout événement inhabituel), essentiellement chez des plus de 65 ans. Des données extrapolées d'après les états civils de 1000 communes, et qui restent à consolider avec les chiffres concernant la seconde partie de la vague de chaleur, du 6 au 8 juillet. Les recours, en lien direct avec la chaleur, aux urgences (3577 passages) et à SOS Médecins (1464 consultations) ont aussi été en légère hausse. Déshydratation et hyponatrémie (baisse du taux de sodium dans le sang) ont concerné surtout les personnes âgées, les coups de chaleur s'observant «davantage chez les enfants et les adultes de moins de 75 ans», note l'InVS.
«Cet épisode caniculaire confirme que la chaleur demeure un risque important pour la santé en France», conclut l'InVS, indiquant que la prévention reste impérative. «Tout épisode de canicule s'accompagne nécessairement d'une surmortalité», précise cependant Marisol Touraine, les personnes déjà malades étant fragilisées par l'extrême chaleur. Mais l'on constate que, depuis 2003, population et institutions sont mieux préparées.