L'ÉGLISE DE L'UNITÉ DES FRÈRES
CHAPITRE XX
L'ÉGLISE DE L'UNITÉ DANS LES PAYS DE LANGUE FRANÇAISE
L'Eglise de l'Unité compte, dans le cercle de ses communautés, quatre paroisses de langue française. Numériquement peu importantes, celles-ci nous semblent cependant offrir de l'intérêt aux lecteurs de ces pages par la longue activité morave qui a précédé leur naissance et qui n'a pas été sans influence sur le développement religieux des Eglises officiellement établies dans la Suisse romande.
Avant la fondation de Herrnhut déjà, Dieu avait préparé pour les Frères un pied-à-terre dans le pays de Montbéliard. C'est là qu'après avoir été réveillé à Halle par A. H. Franke, le ministre Pelletier prêchait l'Evangile en 1716.
Peu après lui, le pasteur Nardin, devint à Blamont-Montécheroux, un moyen de grande bénédiction.
Une douzaine de personnes, à partir de 17 19, s'y groupèrent pour former, en dehors des cadres ecclésiastiques officiels, des réunions intimes d'édification. On les accusa de tendances sectaires, on les cita devant le consistoire, mais le troupeau ne se dispersa pas.
Une vingtaine d'années plus tard, deux voyageurs, le Morave Bez, accompagné de M. Perret-Gentil, descendaient à l'auberge de la Pomme d'or à Montécheroux. Rendu attentif, pendant un séjour en Suisse, à l'esprit franchement évangélique des discours du pasteur Nardin, le messager de l'Eglise de l'Unité s'était senti puissamment attiré vers le foyer de lumière et de vie allumé dans le pays de Montbéliard. L'aubergiste catholique auquel les deux arrivants demandèrent s'il y avait, dans la localité, des personnes pieuses, leur répondit: « je n'en connais que deux, le curé et l'instituteur. » Déçus, mais bien décidés à continuer leurs recherches, ils repartirent pour Montbéliard. Ils y apprirent qu'ils n'avaient qu'à retourner sur leurs pas et furent munis des adresses qu'il leur fallait. Les quelques jours qu'ils passèrent au milieu des réveillés de Montécheroux, laissèrent des traces ineffaçables. « Frère Bez », dit une chronique, « fit une prière et un discours si remplis d'onction qu'il attendrit tous les coeurs. C'est depuis lors qu'on comprit et le péché et la grâce gratuite de Dieu en Jésus-Christ, le Sauveur. »
A côté du troupeau de Montécheroux vint se placer celui de la ville de Montbéliard, où travailla avec bénédiction le pasteur Duvernoy, fidèle ami des Frères et traducteur d'une brochure sur la constitution de l'Eglise de l'Unité.
Des relations fréquentes et intimes s'établirent entre ces petits cercles et Montmirail, en Suisse (1). Et quand, en 1756, se fut formée, sur les bords du Rhin, la colonie morave de Neuwied, plusieurs familles s'y transportèrent pour se joindre à l'Eglise des Frères.
Pendant que ces choses se passaient à Montbéliard (encore appartenant alors à la famille princière du Wurtemberg), les messagers de l'Eglise avaient déjà commencé à parcourir la France, cherchant des disciples de Christ et des âmes inquiètes de leur salut. A partir de 1740, nous trouvons les Cossart, les Molther, les Knoll, à Paris, à Montauban, à Bordeaux, à Saint-Hippolyte-le-Fort, à Lyon, à Nîmes, à Orange, à Marseille, « annonçant partout l'efficace du sang de Jésus ». L'un d'eux, Knoll, fit, en divers lieux, des séjours de trois mois. A Nîmes, à Marseille et à Bordeaux son passage provoqua des impressions durables, malgré l'inimitié du clergé romain. Ici encore, de précieux rapports se nouèrent entre les petits noyaux des amis et l'Eglise de l'Unité. Bon nombre de lettres s'échangèrent entre la France et Herrnhut, dans les premières années du XIX ème siècle. Le professeur Bonnard à Montauban, entre autres, écrivit ces lignes (1809) : « Aussi longtemps que je vivrai, si le Seigneur m'en fait la grâce, je souhaite n'être avec vous qu'un coeur et qu'une âme; vous m'êtes très chers à cause de votre foi. »
Ainsi se jetèrent dans le sol de la France les racines de ce qu'on appelait « le moravisme ». L'activité de l'Eglise de l'Unité s'y poursuivit sans interruption jusqu'à la guerre franco-allemande de 1870-1871 Elle avait son centre à Saint-Hippolyte-le-Fort, d'où la politique fit partir le dernier ouvrier de la diaspora morave, Bönhof.
Dans le pays de Montbéliard seul, le travail de l'Eglise de l'Unité continua sans obstacles jusqu'à nos jours. Il traversa, entre 1830 et 1840, une crise pénible; le foyer évangélique de Montécheroux (en 1839) était près de s'éteindre; mais Dieu, par le fidèle ministère du frère Schippang, établi au Locle et visitant de là le pays de Montbéliard deux fois par an, ralluma le feu et ramena la vie. Plus tard, il donna à ces contrées, dans la personne de Théodore Schütz (décédé 1875), un évangéliste aussi fervent d'esprit que puissant et humble. Le visage toujours serein, le coeur affermi par la grâce, se dépensant au service d'une tâche souvent au delà de ses forces physiques, ce frère devint pour de nombreuses âmes un conducteur à Christ et un sage et ferme pédagogue spirituel.
Sur les bords de la Thièle, près Neuchâtel, Abraham Tribolet construisit, vers 1620, un château et établit des jardins. François de Langes, baron de Lubières, ayant acquis le domaine en 1716, l'appela Montmirail. C'est sous ce nom qu'il passa, en 1722, entre les mains des de Watteville.
On sait les rapports d'intimité dans lesquels plusieurs membres de cette famille se trouvaient avec le comte de Zinzendorf. Il est naturel, dès lors, que Montmirail soit devenu le pied-à-terre des messagers de l'Eglise de l'Unité en Suisse (2). Dans l'espoir de pouvoir offrir un lieu de refuge aux protestants persécutés en France et dans les vallées vaudoises du Piémont, l'Eglise acheta, en 1742, la propriété; mais, soit la Vénérable Classe de Neuchâtel, soit les autorités du canton, s'opposèrent à la réalisation de ce plan qui échoua. Dieu avait réservé Montmirail pour une oeuvre tout à la fois plus modeste et plus grande.
Le synode de 1764 proposa d'y établir une maison d'éducation, ce qui eut lieu en 1766. Dieu, pendant plus de cent vingt ans, et au milieu de toutes les péripéties que traversa le canton de Neuchâtel au point de vue religieux et politique, bénit visiblement cet établissement, auquel il fut donné de rendre à des milliers d'élèves (près de 3700 jusqu'en 1887) des services d'une inappréciable valeur. La maison pour laquelle on avait choisi la devise: Paix, amour et simplicité (Nicolas de Watteville), ne tarda pas, en outre, à devenir, pour ses alentours, un foyer de vie et de lumière chrétiennes.
Les membres de la diaspora morave regardèrent à elle comme à une sorte de mère, toujours prête à les accueillir au nom du Seigneur. A l'heure de la révolution de 1831, elle reçut, dans la période de détresse générale, quelques familles d'opinion fort différente qui s'étaient réfugiées à la campagne. Protégée par Dieu, elle protégea les autres !
Plus de soixante-dix ans après la fondation de l'institution de Montmirail, le Seigneur ouvrit pour l'Eglise de l'Unité un nouveau champ d'activité dans la Suisse romande. Quelques pères de famille de Bâle, désireux de posséder dans la Suisse romande une maison d'éducation chrétienne pour leurs fils, établirent à Lausanne, en 1837, un pensionnat pour jeunes gens. L'institution, placée d'abord sous la direction de l'Eglise morave, finit par passer entièrement entre les mains de celle-ci qui en fit l'acquisition. Grâce à la bénédiction de Dieu qui accompagna le long et fidèle travail de H. B. Reichel, et de son excellente épouse, l'oeuvre prospéra à vue d'oeil. De nombreux élèves (1370 jusqu'en 1887) firent dans la pension des séjours richement bénis pour plusieurs. La vieille maison de la Cité jouissait d'un respect général et répandait dans la ville sa modeste lumière. Aussi ne fut-ce pas sans regret que Lausanne, en 1873, vit le pensionnat transféré au château de Prangins, près Nyon, que l'Eglise de l'Unité, ensuite d'un paragraphe nouveau, généreusement intercalé dans la loi vaudoise par le Grand Conseil du canton, avait reçu la permission d'acheter à cet effet.
Mais ce ne fut pas aux élèves de ces deux établissements que se borna, dans la Suisse française, l'influence de l'Eglise morave.
L'on se souvient qu'en 1741, le comte de Zinzendorf, obéissant à un appel intérieur, s'était rendu à Genève avec un nombreux cortège de frères et de soeurs. Arrivé dans cette ville à l'heure où l'incrédulité y faisait de grands progrès et où la philosophie française, quoique combattue par le clergé, gagnait de nombreux et fervents adeptes, il s'empressa d'établir des réunions publiques pour proclamer les grandes vérités de la rédemption par Christ et de la justification du pécheur par le sang du Sauveur. Le clergé, sans cacher ses sentiments de méfiance, traita le comte avec politesse. La plèbe lança des pierres. Beaucoup de personnes (600 - 700) se groupèrent, avides de vérité et de vie chrétiennes. Le troupeau morave de Genève, sans se détacher de l'Eglise établie, devint un sel qui travaillait et une lumière qui brillait. Et quand, au commencement du XIX ème siècle, des jours nouveaux se levèrent sur l'Eglise de la ville, le mouvement, dans une grande mesure, eut pour point de départ les cercles moraves. « Le réveil de Genève (3) fut moins, dans le principe, un réveil nouveau que la conséquence de celui qui s'était opéré lors du passage de Zinzendorf.... Las de n'entendre pour l'ordinaire dans les temples que les froids et impuissants discours d'une morale tout humaine, quelques jeunes gens (Ami Bost, L. Empeytaz et d'autres) demandaient aux assemblées moraves la pâture dont ils sentaient le besoin. C'est là qu'ils allaient chercher cette paix intérieure que seule peut donner une foi simple au Seigneur Jésus Les évangélistes moraves n'avaient certes ni le savoir ni l'éloquence de nos pasteurs, mais ils adressaient, dans un langage simple et tout biblique, les âmes travaillées à Celui qui est venu chercher et sauver ce qui était perdu. Le réveil de Genève, dans sa phase initiale, est essentiellement morave. »
A son retour de Genève, Zinzendorf séjourna à Yverdon. Sa parole y embrasa un feu dont les étincelles, volant d'étape en étape, se répandirent sur de nombreuses localités du jura vaudois et neuchâtelois. Quelques ouvriers de Sainte-Croix, mis en relation avec les réveillés d'Yverdon, emportèrent avec eux les messages de l'Evangile qu'ils avaient entendus. Il se forma des noyaux évangéliques à Sainte-Croix (4), puis à la Côte aux Fées, à Buttes, à Saint-Sulpice, à Travers, aux Ponts de Martel, au Locle. Fidèlement visités par les frères H. Mettetal, Mérillat et autres, ils crûrent dans la grâce et dans la connaissance du Seigneur Jésus. Un grand nombre d'âmes isolées aussi, disséminées dans les montagnes de Travers et des Ponts de Martel, tirèrent un précieux profit de ces ministères, accomplis avec autant de sagesse que de simplicité chrétiennes.
Pendant que ce mouvement, parti de la ville d'Yverdon, se propageait au loin, Dieu créa à Travers un second centre de lumière évangélique, un second point de départ de vie spirituelle aussi. Il donna, en 1788, à ce village le pasteur Péters, placé dès sa jeunesse sous le souffle de la piété morave et lié d'amitié avec quelques frères, s'encourageant les uns les autres à ne plus vouloir parler, dans leurs prédications, que de Jésus-Christ, le Crucifié. Enigme pour bien des gens qui, tout en l'aimant à cause de l'aménité de ses manières, lui en voulaient d'être « Morave » et d'avoir, en religion, des idées hétérodoxes, puisqu'il appelait Jésus « son cher Sauveur et Dieu », Péters réussit néanmoins à organiser, au sein de sa paroisse, un troupeau rempli de vie chrétienne, petite Eglise dans la grande, foyer de riche bénédiction pour plusieurs. Symptôme remarquable aux jours de l'orthodoxie froide et morte dans le pays de Neuchâtel! Témoignage frappant à l'appui de ce fait que l'Eglise de l'Unité faisait valoir, jusque dans les rangs du clergé neuchâtelois, une influence puissante et bénie!
Le jura bernois aussi vit se former une diaspora morave. A Moutier-Grandval se constitua, par l'activité de Henri Mérillat, un groupe d'âmes réveillées et unies les unes aux autres dans l'amour et dans la foi. Plein de respect pour le pasteur du village, mais soutenant avec courage le droit de la libre association religieuse sous le drapeau de Christ, Mérillat dirigea jusqu'en 1825, avec sagesse et fidélité, cette oeuvre dont il avait été l'instrument choisi par Dieu.
Dans tous les cercles de la diaspora française, on se nourrissait, spirituellement, des cantiques moraves mal traduits, fort souvent, péchant contre les règles de la versification, mais respirant l'Esprit de l'Eglise de l'Unité, parlant au coeur de la grâce gratuite de Dieu en Jésus-Christ, et dévoilant les expériences les plus intimes Île l'âme. Plusieurs d'entre eux (5) passèrent dans les recueils de cantiques d'autres Eglises. Quelques-uns devinrent un trésor commun des Eglises du protestantisme français.
L'Idea fidei Fratrum, exposition de la doctrine chrétienne, par Spangenberg, ne jouissait pas d'une moindre estime. Traduit en français, ce livre fut comme une grande lumière éclairant et réchauffant les coeurs. « Des pasteurs s'en servirent pour l'instruction de leurs catéchumènes, ce qui donna à cet enseignement une saveur évangélique qu'on ne retrouvait pas dans la prédication des mêmes hommes. »
http://www.regard.eu.org/Livres.4/Eglise.unite.freres.Moraves/22.html
CHAPITRE XX
L'ÉGLISE DE L'UNITÉ DANS LES PAYS DE LANGUE FRANÇAISE
L'Eglise de l'Unité compte, dans le cercle de ses communautés, quatre paroisses de langue française. Numériquement peu importantes, celles-ci nous semblent cependant offrir de l'intérêt aux lecteurs de ces pages par la longue activité morave qui a précédé leur naissance et qui n'a pas été sans influence sur le développement religieux des Eglises officiellement établies dans la Suisse romande.
Avant la fondation de Herrnhut déjà, Dieu avait préparé pour les Frères un pied-à-terre dans le pays de Montbéliard. C'est là qu'après avoir été réveillé à Halle par A. H. Franke, le ministre Pelletier prêchait l'Evangile en 1716.
Peu après lui, le pasteur Nardin, devint à Blamont-Montécheroux, un moyen de grande bénédiction.
Une douzaine de personnes, à partir de 17 19, s'y groupèrent pour former, en dehors des cadres ecclésiastiques officiels, des réunions intimes d'édification. On les accusa de tendances sectaires, on les cita devant le consistoire, mais le troupeau ne se dispersa pas.
Une vingtaine d'années plus tard, deux voyageurs, le Morave Bez, accompagné de M. Perret-Gentil, descendaient à l'auberge de la Pomme d'or à Montécheroux. Rendu attentif, pendant un séjour en Suisse, à l'esprit franchement évangélique des discours du pasteur Nardin, le messager de l'Eglise de l'Unité s'était senti puissamment attiré vers le foyer de lumière et de vie allumé dans le pays de Montbéliard. L'aubergiste catholique auquel les deux arrivants demandèrent s'il y avait, dans la localité, des personnes pieuses, leur répondit: « je n'en connais que deux, le curé et l'instituteur. » Déçus, mais bien décidés à continuer leurs recherches, ils repartirent pour Montbéliard. Ils y apprirent qu'ils n'avaient qu'à retourner sur leurs pas et furent munis des adresses qu'il leur fallait. Les quelques jours qu'ils passèrent au milieu des réveillés de Montécheroux, laissèrent des traces ineffaçables. « Frère Bez », dit une chronique, « fit une prière et un discours si remplis d'onction qu'il attendrit tous les coeurs. C'est depuis lors qu'on comprit et le péché et la grâce gratuite de Dieu en Jésus-Christ, le Sauveur. »
A côté du troupeau de Montécheroux vint se placer celui de la ville de Montbéliard, où travailla avec bénédiction le pasteur Duvernoy, fidèle ami des Frères et traducteur d'une brochure sur la constitution de l'Eglise de l'Unité.
Des relations fréquentes et intimes s'établirent entre ces petits cercles et Montmirail, en Suisse (1). Et quand, en 1756, se fut formée, sur les bords du Rhin, la colonie morave de Neuwied, plusieurs familles s'y transportèrent pour se joindre à l'Eglise des Frères.
Pendant que ces choses se passaient à Montbéliard (encore appartenant alors à la famille princière du Wurtemberg), les messagers de l'Eglise avaient déjà commencé à parcourir la France, cherchant des disciples de Christ et des âmes inquiètes de leur salut. A partir de 1740, nous trouvons les Cossart, les Molther, les Knoll, à Paris, à Montauban, à Bordeaux, à Saint-Hippolyte-le-Fort, à Lyon, à Nîmes, à Orange, à Marseille, « annonçant partout l'efficace du sang de Jésus ». L'un d'eux, Knoll, fit, en divers lieux, des séjours de trois mois. A Nîmes, à Marseille et à Bordeaux son passage provoqua des impressions durables, malgré l'inimitié du clergé romain. Ici encore, de précieux rapports se nouèrent entre les petits noyaux des amis et l'Eglise de l'Unité. Bon nombre de lettres s'échangèrent entre la France et Herrnhut, dans les premières années du XIX ème siècle. Le professeur Bonnard à Montauban, entre autres, écrivit ces lignes (1809) : « Aussi longtemps que je vivrai, si le Seigneur m'en fait la grâce, je souhaite n'être avec vous qu'un coeur et qu'une âme; vous m'êtes très chers à cause de votre foi. »
Ainsi se jetèrent dans le sol de la France les racines de ce qu'on appelait « le moravisme ». L'activité de l'Eglise de l'Unité s'y poursuivit sans interruption jusqu'à la guerre franco-allemande de 1870-1871 Elle avait son centre à Saint-Hippolyte-le-Fort, d'où la politique fit partir le dernier ouvrier de la diaspora morave, Bönhof.
Dans le pays de Montbéliard seul, le travail de l'Eglise de l'Unité continua sans obstacles jusqu'à nos jours. Il traversa, entre 1830 et 1840, une crise pénible; le foyer évangélique de Montécheroux (en 1839) était près de s'éteindre; mais Dieu, par le fidèle ministère du frère Schippang, établi au Locle et visitant de là le pays de Montbéliard deux fois par an, ralluma le feu et ramena la vie. Plus tard, il donna à ces contrées, dans la personne de Théodore Schütz (décédé 1875), un évangéliste aussi fervent d'esprit que puissant et humble. Le visage toujours serein, le coeur affermi par la grâce, se dépensant au service d'une tâche souvent au delà de ses forces physiques, ce frère devint pour de nombreuses âmes un conducteur à Christ et un sage et ferme pédagogue spirituel.
Sur les bords de la Thièle, près Neuchâtel, Abraham Tribolet construisit, vers 1620, un château et établit des jardins. François de Langes, baron de Lubières, ayant acquis le domaine en 1716, l'appela Montmirail. C'est sous ce nom qu'il passa, en 1722, entre les mains des de Watteville.
On sait les rapports d'intimité dans lesquels plusieurs membres de cette famille se trouvaient avec le comte de Zinzendorf. Il est naturel, dès lors, que Montmirail soit devenu le pied-à-terre des messagers de l'Eglise de l'Unité en Suisse (2). Dans l'espoir de pouvoir offrir un lieu de refuge aux protestants persécutés en France et dans les vallées vaudoises du Piémont, l'Eglise acheta, en 1742, la propriété; mais, soit la Vénérable Classe de Neuchâtel, soit les autorités du canton, s'opposèrent à la réalisation de ce plan qui échoua. Dieu avait réservé Montmirail pour une oeuvre tout à la fois plus modeste et plus grande.
Le synode de 1764 proposa d'y établir une maison d'éducation, ce qui eut lieu en 1766. Dieu, pendant plus de cent vingt ans, et au milieu de toutes les péripéties que traversa le canton de Neuchâtel au point de vue religieux et politique, bénit visiblement cet établissement, auquel il fut donné de rendre à des milliers d'élèves (près de 3700 jusqu'en 1887) des services d'une inappréciable valeur. La maison pour laquelle on avait choisi la devise: Paix, amour et simplicité (Nicolas de Watteville), ne tarda pas, en outre, à devenir, pour ses alentours, un foyer de vie et de lumière chrétiennes.
Les membres de la diaspora morave regardèrent à elle comme à une sorte de mère, toujours prête à les accueillir au nom du Seigneur. A l'heure de la révolution de 1831, elle reçut, dans la période de détresse générale, quelques familles d'opinion fort différente qui s'étaient réfugiées à la campagne. Protégée par Dieu, elle protégea les autres !
Plus de soixante-dix ans après la fondation de l'institution de Montmirail, le Seigneur ouvrit pour l'Eglise de l'Unité un nouveau champ d'activité dans la Suisse romande. Quelques pères de famille de Bâle, désireux de posséder dans la Suisse romande une maison d'éducation chrétienne pour leurs fils, établirent à Lausanne, en 1837, un pensionnat pour jeunes gens. L'institution, placée d'abord sous la direction de l'Eglise morave, finit par passer entièrement entre les mains de celle-ci qui en fit l'acquisition. Grâce à la bénédiction de Dieu qui accompagna le long et fidèle travail de H. B. Reichel, et de son excellente épouse, l'oeuvre prospéra à vue d'oeil. De nombreux élèves (1370 jusqu'en 1887) firent dans la pension des séjours richement bénis pour plusieurs. La vieille maison de la Cité jouissait d'un respect général et répandait dans la ville sa modeste lumière. Aussi ne fut-ce pas sans regret que Lausanne, en 1873, vit le pensionnat transféré au château de Prangins, près Nyon, que l'Eglise de l'Unité, ensuite d'un paragraphe nouveau, généreusement intercalé dans la loi vaudoise par le Grand Conseil du canton, avait reçu la permission d'acheter à cet effet.
Mais ce ne fut pas aux élèves de ces deux établissements que se borna, dans la Suisse française, l'influence de l'Eglise morave.
L'on se souvient qu'en 1741, le comte de Zinzendorf, obéissant à un appel intérieur, s'était rendu à Genève avec un nombreux cortège de frères et de soeurs. Arrivé dans cette ville à l'heure où l'incrédulité y faisait de grands progrès et où la philosophie française, quoique combattue par le clergé, gagnait de nombreux et fervents adeptes, il s'empressa d'établir des réunions publiques pour proclamer les grandes vérités de la rédemption par Christ et de la justification du pécheur par le sang du Sauveur. Le clergé, sans cacher ses sentiments de méfiance, traita le comte avec politesse. La plèbe lança des pierres. Beaucoup de personnes (600 - 700) se groupèrent, avides de vérité et de vie chrétiennes. Le troupeau morave de Genève, sans se détacher de l'Eglise établie, devint un sel qui travaillait et une lumière qui brillait. Et quand, au commencement du XIX ème siècle, des jours nouveaux se levèrent sur l'Eglise de la ville, le mouvement, dans une grande mesure, eut pour point de départ les cercles moraves. « Le réveil de Genève (3) fut moins, dans le principe, un réveil nouveau que la conséquence de celui qui s'était opéré lors du passage de Zinzendorf.... Las de n'entendre pour l'ordinaire dans les temples que les froids et impuissants discours d'une morale tout humaine, quelques jeunes gens (Ami Bost, L. Empeytaz et d'autres) demandaient aux assemblées moraves la pâture dont ils sentaient le besoin. C'est là qu'ils allaient chercher cette paix intérieure que seule peut donner une foi simple au Seigneur Jésus Les évangélistes moraves n'avaient certes ni le savoir ni l'éloquence de nos pasteurs, mais ils adressaient, dans un langage simple et tout biblique, les âmes travaillées à Celui qui est venu chercher et sauver ce qui était perdu. Le réveil de Genève, dans sa phase initiale, est essentiellement morave. »
A son retour de Genève, Zinzendorf séjourna à Yverdon. Sa parole y embrasa un feu dont les étincelles, volant d'étape en étape, se répandirent sur de nombreuses localités du jura vaudois et neuchâtelois. Quelques ouvriers de Sainte-Croix, mis en relation avec les réveillés d'Yverdon, emportèrent avec eux les messages de l'Evangile qu'ils avaient entendus. Il se forma des noyaux évangéliques à Sainte-Croix (4), puis à la Côte aux Fées, à Buttes, à Saint-Sulpice, à Travers, aux Ponts de Martel, au Locle. Fidèlement visités par les frères H. Mettetal, Mérillat et autres, ils crûrent dans la grâce et dans la connaissance du Seigneur Jésus. Un grand nombre d'âmes isolées aussi, disséminées dans les montagnes de Travers et des Ponts de Martel, tirèrent un précieux profit de ces ministères, accomplis avec autant de sagesse que de simplicité chrétiennes.
Pendant que ce mouvement, parti de la ville d'Yverdon, se propageait au loin, Dieu créa à Travers un second centre de lumière évangélique, un second point de départ de vie spirituelle aussi. Il donna, en 1788, à ce village le pasteur Péters, placé dès sa jeunesse sous le souffle de la piété morave et lié d'amitié avec quelques frères, s'encourageant les uns les autres à ne plus vouloir parler, dans leurs prédications, que de Jésus-Christ, le Crucifié. Enigme pour bien des gens qui, tout en l'aimant à cause de l'aménité de ses manières, lui en voulaient d'être « Morave » et d'avoir, en religion, des idées hétérodoxes, puisqu'il appelait Jésus « son cher Sauveur et Dieu », Péters réussit néanmoins à organiser, au sein de sa paroisse, un troupeau rempli de vie chrétienne, petite Eglise dans la grande, foyer de riche bénédiction pour plusieurs. Symptôme remarquable aux jours de l'orthodoxie froide et morte dans le pays de Neuchâtel! Témoignage frappant à l'appui de ce fait que l'Eglise de l'Unité faisait valoir, jusque dans les rangs du clergé neuchâtelois, une influence puissante et bénie!
Le jura bernois aussi vit se former une diaspora morave. A Moutier-Grandval se constitua, par l'activité de Henri Mérillat, un groupe d'âmes réveillées et unies les unes aux autres dans l'amour et dans la foi. Plein de respect pour le pasteur du village, mais soutenant avec courage le droit de la libre association religieuse sous le drapeau de Christ, Mérillat dirigea jusqu'en 1825, avec sagesse et fidélité, cette oeuvre dont il avait été l'instrument choisi par Dieu.
Dans tous les cercles de la diaspora française, on se nourrissait, spirituellement, des cantiques moraves mal traduits, fort souvent, péchant contre les règles de la versification, mais respirant l'Esprit de l'Eglise de l'Unité, parlant au coeur de la grâce gratuite de Dieu en Jésus-Christ, et dévoilant les expériences les plus intimes Île l'âme. Plusieurs d'entre eux (5) passèrent dans les recueils de cantiques d'autres Eglises. Quelques-uns devinrent un trésor commun des Eglises du protestantisme français.
L'Idea fidei Fratrum, exposition de la doctrine chrétienne, par Spangenberg, ne jouissait pas d'une moindre estime. Traduit en français, ce livre fut comme une grande lumière éclairant et réchauffant les coeurs. « Des pasteurs s'en servirent pour l'instruction de leurs catéchumènes, ce qui donna à cet enseignement une saveur évangélique qu'on ne retrouvait pas dans la prédication des mêmes hommes. »
http://www.regard.eu.org/Livres.4/Eglise.unite.freres.Moraves/22.html