Heïdi Sevestre : « Si les glaces du Groenland et de l'Antarctique fondent, le niveau de la mer montera de 65 mètres »
Le One Planet - Polar Summit, premier sommet international consacré aux glaciers et aux pôles, se tient à Paris de mercredi à vendredi. Parmi les scientifiques présents, la glaciologue française Heïdi Sevestre alerte sur l'accélération de la fonte des glaces.
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Heïdi Sevestre, glaciologue française, sur le glacier Larsbreen, dans l'archipel de Svalbard, au nord de la Norvège.
Heïdi Sevestre, glaciologue française, sur le glacier Larsbreen, dans l'archipel de Svalbard, au nord de la Norvège. (Heïdi Sevestre)
Par Julien Boitel
Publié le 7 nov. 2023 à 14:56Mis à jour le 7 nov. 2023 à 15:18
Les pôles et les glaciers jouent un rôle central dans la régulation du climat et de la préservation de la biodiversité. Ils sont les premiers témoins du réchauffement climatique actuel et les scientifiques s'accordent pour dire qu'ils sont de plus en plus menacés.
Du 8 au 11 novembre, le One Planet - Polar Summit, rassemblera des experts du monde entier au Muséum national d'histoire naturelle, à Paris. Une première mondiale sur cette thématique. La glaciologue française Heïdi Sevestre y prendra part. Auteure de « Sentinelle du climat », paru cette année aux éditions HarperCollins, elle souhaite, au-delà de la prise de conscience, des actes forts des politiques.
Que révèlent les dernières études sur les pôles et les glaciers ? Quel est leur état de santé ?
Il est catastrophique. Partout sur la Terre, les glaces, qui sont les meilleurs baromètres du climat, sont en train de sentir les effets du réchauffement climatique et leur fonte s'accélère. L'Arctique se réchauffe quatre fois plus vite que le reste de la Terre et l'Antarctique deux fois plus vite. Le Groenland a perdu en moyenne 270 milliards de tonnes de glace par an entre 2002 et 2023.
La banquise arctique a perdu 40 % de sa taille en quarante ans, soit la superficie de l'Inde, vous imaginez ! On est en train de la détruire. Elle est si sensible. Elle est aussi de moins en moins épaisse et blanche. A la place, on a un océan très sombre. Or, avec sa surface blanche, la banquise a un superpouvoir, celui de renvoyer les rayons du soleil. La banquise est cruciale pour stabiliser les températures et le climat.
Qu'en est-il des glaciers ? Certains sont-ils encore bien portants ?
C'est franchement difficile de trouver un glacier en bonne santé. On parle souvent du Perito Moreno, en Argentine, qui grandissait, mais cela n'est plus le cas depuis quelques années. S'il existe une petite poignée de glaciers stables ou dont la taille augmente, cela ne fait aucun doute que la majorité d'entre eux fondent . C'est dramatique.
Dans les Pyrénées, la situation est terrible. Cet été, le glacier d'Ossoue, le plus grand côté français, a connu un record de fonte, en perdant cinq mètres d'épaisseur. L'ensemble des glaciers des Pyrénées sont voués à disparaître et cela pourrait être le cas d'ici dix à vingt ans. Dans les Alpes, les glaciers suisses ont perdu, ces deux dernières années, 10 % de leur volume.
Les glaciers des montagnes sont les meilleurs châteaux d'eau sur Terre. Ils rejettent une eau douce que l'on utilise pour irriguer nos cultures, pour l'hydroélectricité ou encore pour refroidir nos centrales nucléaires. Ce sont des biens communs qu'il faut préserver.
Quels sont les effets de cet effondrement de la cryosphère ?
Si les glaces du Groenland et de l'Antarctique fondent, le niveau de la mer augmentera d'au moins 65 mètres. C'est énorme. La montée des eaux menace directement les populations côtières. L'augmentation des températures en Arctique fait aussi ralentir les puissants vents qui partent de cette zone polaire, qu'on appelle le « polar jet-stream ». Ses méandres peuvent être à l'origine de changements météorologiques plus extrêmes, des sécheresses plus fortes mais aussi des précipitations plus abondantes dans certains endroits du monde.
Une autre conséquence concerne l'émission de gaz à effet de serre liée au dégel du pergélisol [ou permafrost , NDLR], car ces sols gelés en permanence, au moins pendant deux ans, contiennent du méthane et du CO2. Dans l'hémisphère nord, 23 % des terres sont du pergélisol. C'est notamment le ciment qui fait tenir nos hautes montagnes. Avec le réchauffement des sols, les hautes pierres tombent, les glissements de terrain sont plus nombreux et dangereux pour les populations qui vivent dans ces zones.
Qu'attendez-vous du One Planet - Polar Summit ?
Je salue ce premier sommet polaire. Cela aurait pu être fait il y a cinquante ans mais c'est aujourd'hui, et cela ne sert à rien de regarder derrière. Il faut avancer et rester optimiste. Il est encore possible de limiter la hausse des températures. On espère être entendu.
On attend maintenant des engagements très clairs des Etats. Si on ne lutte pas contre le réchauffement climatique, on n'arrivera pas à protéger la cryosphère et les populations. Car derrière ces glaces, ce sont des vies humaines. On a encore besoin de l'eau des glaciers, cela n'est pas négociable !
Julien Boitel
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