L'antisémitisme n'a pas disparu en France
SIXTINE DECHANCÉ
CRÉÉ LE 09/04/2015 / MODIFIÉ LE 09/04/2015
Hommage aux victimes de l'école juive Hommage aux victimes de l'école juive "Ozar Hatorah" à la Grande Synagogue de la Victoire" le 26 mars 2012 - © DUPUY FLORENT/SIPA
Le nombre d'infractions à caractère antisémite a explosé en France en 2014. Le rapport annuel de la CNCDH (Commision nationale consultative des droits de l'homme) sur le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie, présenté ce 9 avril à Paris, l'atteste : le chiffre a doublé par rapport à 2013. A titre de comparaison, les faits délictueux à caractère raciste ont connu une hausse légère de 8,5%.
Ces chiffres, transmis par le ministère de l'Intérieur, sont à mettre en perspective avec les sondages également exposés dans le rapport. Car pour la première fois depuis 2009, l'indice global de tolérance est en hausse. Calculé à partir de réactions à des affirmations comme « Il y a trop d'immigrés en France » ou « Les gens du voyage de nationalité française sont des Français comme les autres », cet indicateur permet de prendre la température de l'opinion publique. Dans le détail, on s'aperçoit que la minorité juive est la mieux acceptée, « avec un indice frôlant les 80, supérieur de 6 points à celui des noirs, de 17 points à celui des maghrébins et de 26 à celui des musulmans ».
Christine Lazerges présidente de la CNCDH, souligne néanmoins un paradoxe : « La minorité juive est socialement bien intégrée et reconnue comme telle, mais elle souffre de préjugés qui n'ont pas été déconstruits. » Comme les années précédentes, le rapport dénonce les stéréotypes liés aux juifs, et signale « une progression de l’adhésion des sondés à certains vieux préjugés antisémites, tels que le sentiment que les juifs ont "trop de pouvoir" ou "un rapport particulier à l’argent" ».
S'il est difficile d'expliquer cette résurgence, Tommasso Vitale, chercheur en sciences sociales à Sciences Po, explique que « l'antisémitisme aujourd'hui est corrélé au rejet de l'autre et de l'immigration. Il est aussi lié à l'image d'Israël et au conflit israëlo-palestinien. » Les chiffres mensuels des actes antisémites atteignent ainsi un pic entre juin et août 2014. « Il y a eu comme une importation de la guerre de Gaza. Pendant ces quelques mois, les infractions antisémites ont été très nombreuses, alors que le reste de l'année, les moyennes sont restées relativement stables », analyse Christine Lazerges. Dans ce contexte, de plus en plus de juifs français choisissent d'émigrer en Israël. L'Agence juive en recense plus de 7 000 en 2014, soit deux fois plus que l'année précédente.
Le grand nombre d'incidents antisémites signalés, notamment par rapport aux délits antimusulmans, s'explique en outre, selon Christine Lazerges « par un meilleur accompagnement à porter plainte effectué par les associations issues de la minorité juive ». La baisse de 41 % d'actes antimusulmans en 2014 par rapport à 2013 ne reflète donc pas avec exactitude la réalité des faits, et pendant les trois semaines qui ont suivi les attentats contre Charlie Hebdo, il y en a eu autant que sur l'ensemble de l'année passée.
Une nouvelle fois, la CNCDH rappelle le rôle prépondérant de l'école et de « l'éducation au vivre ensemble » pour enrayer l'intolérance. Dans ses recommandations, la commission met également l'accent sur la sensibilisation des milieux éducatifs, policiers et judiciaires à cette question et sur la nécessité de déployer des moyens de lutte contre les propos haineux qui prolifèrent sur Internet.
SIXTINE DECHANCÉ
CRÉÉ LE 09/04/2015 / MODIFIÉ LE 09/04/2015
Hommage aux victimes de l'école juive Hommage aux victimes de l'école juive "Ozar Hatorah" à la Grande Synagogue de la Victoire" le 26 mars 2012 - © DUPUY FLORENT/SIPA
Le nombre d'infractions à caractère antisémite a explosé en France en 2014. Le rapport annuel de la CNCDH (Commision nationale consultative des droits de l'homme) sur le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie, présenté ce 9 avril à Paris, l'atteste : le chiffre a doublé par rapport à 2013. A titre de comparaison, les faits délictueux à caractère raciste ont connu une hausse légère de 8,5%.
Ces chiffres, transmis par le ministère de l'Intérieur, sont à mettre en perspective avec les sondages également exposés dans le rapport. Car pour la première fois depuis 2009, l'indice global de tolérance est en hausse. Calculé à partir de réactions à des affirmations comme « Il y a trop d'immigrés en France » ou « Les gens du voyage de nationalité française sont des Français comme les autres », cet indicateur permet de prendre la température de l'opinion publique. Dans le détail, on s'aperçoit que la minorité juive est la mieux acceptée, « avec un indice frôlant les 80, supérieur de 6 points à celui des noirs, de 17 points à celui des maghrébins et de 26 à celui des musulmans ».
Christine Lazerges présidente de la CNCDH, souligne néanmoins un paradoxe : « La minorité juive est socialement bien intégrée et reconnue comme telle, mais elle souffre de préjugés qui n'ont pas été déconstruits. » Comme les années précédentes, le rapport dénonce les stéréotypes liés aux juifs, et signale « une progression de l’adhésion des sondés à certains vieux préjugés antisémites, tels que le sentiment que les juifs ont "trop de pouvoir" ou "un rapport particulier à l’argent" ».
S'il est difficile d'expliquer cette résurgence, Tommasso Vitale, chercheur en sciences sociales à Sciences Po, explique que « l'antisémitisme aujourd'hui est corrélé au rejet de l'autre et de l'immigration. Il est aussi lié à l'image d'Israël et au conflit israëlo-palestinien. » Les chiffres mensuels des actes antisémites atteignent ainsi un pic entre juin et août 2014. « Il y a eu comme une importation de la guerre de Gaza. Pendant ces quelques mois, les infractions antisémites ont été très nombreuses, alors que le reste de l'année, les moyennes sont restées relativement stables », analyse Christine Lazerges. Dans ce contexte, de plus en plus de juifs français choisissent d'émigrer en Israël. L'Agence juive en recense plus de 7 000 en 2014, soit deux fois plus que l'année précédente.
Le grand nombre d'incidents antisémites signalés, notamment par rapport aux délits antimusulmans, s'explique en outre, selon Christine Lazerges « par un meilleur accompagnement à porter plainte effectué par les associations issues de la minorité juive ». La baisse de 41 % d'actes antimusulmans en 2014 par rapport à 2013 ne reflète donc pas avec exactitude la réalité des faits, et pendant les trois semaines qui ont suivi les attentats contre Charlie Hebdo, il y en a eu autant que sur l'ensemble de l'année passée.
Une nouvelle fois, la CNCDH rappelle le rôle prépondérant de l'école et de « l'éducation au vivre ensemble » pour enrayer l'intolérance. Dans ses recommandations, la commission met également l'accent sur la sensibilisation des milieux éducatifs, policiers et judiciaires à cette question et sur la nécessité de déployer des moyens de lutte contre les propos haineux qui prolifèrent sur Internet.