Philippines : la lutte pour la survie des rescapés du typhon
Le Point.fr - Publié le 14/11/2013 à 06:47
Après les heures terrifiantes passées à tenter d'échapper aux vagues géantes, les habitants vivent au ralenti dans un pays dévasté.
Ceux qui ont sauvé leur vie, agrippés à des câbles ou terrés dans des abris en béton lors du passage du typhon Haiyan sur le centre des Philippines, pensaient avoir déjoué le sort : mais pour beaucoup, la lutte pour survivre ne faisait que commencer. Après les heures terrifiantes passées sous des vents hurlants à tenter d'échapper aux vagues géantes s'abattant sur les maisons, les églises et les écoles où les habitants croyaient être à l'abri, les rescapés affrontent depuis plusieurs jours un désastre au ralenti, mais tout aussi éprouvant. Ils errent dans un paysage dévasté, manquent d'eau, de nourriture et de soins médicaux, et les coups de feu résonnent régulièrement.
Sur une route près de l'aéroport de Tacloban (centre), une des villes les plus meurtries par Haiyan, Nelson Matobato, 34 ans, et sa femme, Karen, 29 ans, ont passé la nuit dans un cyclo-pousse. À leur côté, un cercueil de fortune renferme les corps de leurs deux fillettes, de sept et cinq ans. Leurs deux fils, de quatre ans et trois mois, sont portés disparus. "L'eau est arrivée à 7 heures et notre maison a été submergée tout de suite", raconte Nelson, une bougie de mauvaise cire brûlant près de lui. "À 9 heures, nous étions sur le toit. Et puis nous avons tous été emportés lorsque la maison s'est effondrée. Nous ne pouvions rien faire."
Son voisin, Dennis Daray, est assis sur la route, à proximité, avec à ses pieds un sac blanc qui enveloppe le corps de sa soeur. Il attend que les autorités viennent pour récupérer les cadavres. "Les autorités doivent les prendre. Ça commence à sentir", déclare-t-il d'une voix blanche. Angeline Conchas et sa fille de sept ans se sont retrouvées piégées au 2e étage de leur immeuble lorsque les eaux ont brusquement monté. Elles se sont accrochées à un câble électrique pour parvenir à un endroit surélevé et échapper aux flots. "Heureusement que les circuits électriques avaient sauté, sinon nous serions mortes", dit-elle.
Maladies contagieuses
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime qu'un nombre important de survivants souffrent de blessures qui doivent être soignées. La chaleur et l'humidité qui règnent sur les Philippines facilitent les infections, qui peuvent vite dégénérer, voire s'avérer mortelles, dans les conditions actuelles. Les maladies contagieuses risquent de vite se répandre au sein des rares endroits où les survivants s'entassent, et les médecins craignent notamment les épidémies de diarrhée, à cause du manque d'eau potable.
Même les soins de santé élémentaires risquent d'être difficiles à prodiguer, note l'OMS. Ainsi 12 000 naissances sont prévues au cours des 30 jours à venir parmi les 11,3 millions de Philippins affectés par le typhon. Corazon Rubio, une médecin de Tacloban, a survécu au typhon, mais elle se dit terrifiée par ce qui s'est déroulé ensuite. "Ce sont les pillages qui me font peur", dit-elle à l'AFP. Selon les psychiatres, des habitants se livrent au pillage pour répondre à une situation de stress intense et de désespoir, car ils ont tout perdu.
D'autres le font sans doute par nécessité économique. L'Organisation internationale du travail (OIT) estime que trois millions de Philippins ont perdu le moyen de gagner leur vie. La moitié sont des personnes déjà très pauvres, des pêcheurs ou de petits agriculteurs. Le tourisme, autre secteur clé pour l'économie des Philippines, va sans aucun doute être lui aussi affecté. Mais pour le moment, les habitants cherchent d'abord à se nourrir, se vêtir et s'abriter la nuit. "Nous demandons de la nourriture à nos voisins parce que l'aide n'est pas encore là. Nous mangeons une seule fois par jour", déclare Cecilia Beltran, 47 ans, une mère de famille de trois enfants qui fait la queue devant la mairie de Tacloban. "Notre maison n'est plus là. Nous vivons dans une tente. Nous avons récupéré des pots dans les décombres et les avons lavés, ainsi que des vêtements. Nous n'avons plus rien."