Rappel du premier message :
Religions, parlez-moi d’humour
Marie-Lucile Kubacki - publié le 02/08/2012
Les religions manquent-elles d’humour ? Existe-t-il un humour musulman, juif, chrétien, ou bouddhiste ? Des spécialistes de chacune de ces grandes traditions se sont (sérieusement) penchés sur la question.
llustration tirée de Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les cathos sans jamais oser le demander de Guézou, Presses de la Renaissance
Même si chacun a en réserve des blagues sur le paradis ou des histoires juives, la religion est plus souvent présentée sous un visage austère que souriant. L’idée selon laquelle les religions se méfient du rire est notamment à l’origine du roman d’Umberto Eco, le Nom de la rose, où un moine bénédictin assassine ses semblables pour les empêcher de diffuser un texte d’Aristote sur le rire. L’humour, parce qu’il comporte une part d’irrévérencieux, flirte parfois avec le sacrilège, ce qui explique que toutes les traditions spirituelles se soient penchées sur la question avec plus ou moins de crispations et de peurs. Pourtant, le christianisme, l’islam, le judaïsme et le bouddhisme recèlent des trésors d’humour. Des jeux de l’esprit et du cœur qui nous parlent du sens de la vie et de ce que la foi a de plus intime. Les grands spirituels sont nombreux à avoir fait sourire la foi. Mais ce sourire des religions reste méconnu. Des Marx Brothers à La vérité si je mens, en passant par les films de Woody Allen, tout le monde connaît l’humour juif. par exemple. Moins connues sont ses origines et sa place de premier plan dans la tradition religieuse. Et qu’en est-il des autres traditions ?
« Les juifs prennent l’humour très au sérieux »
Philippe Haddad, rabbin aux Ulis (91).
« Dans l’humour juif actuel, il faut distinguer l’humour ashkénaze, occidental, celui de Woody Allen, et l’humour séfarade, d’Afrique du Nord, à la Gad Elmaleh ou Richard Anconina dans La vérité si je mens. Il est possible que l’humour juif soit né en réaction à l’antisémitisme, aux pogroms, comme un antidote au désespoir. Mais il se nourrit des textes fondateurs. Si, dans l’Ancien Testament, le mot humour n’existe pas tel quel, il y a déjà la notion de rire. Rien que le nom d’Isaac, un des trois patriarches d’Israël, signifie “celui qui rira”. Avec la naissance d’Isaac, c’est le rire qui naît. Pourtant, Isaac est sérieux, il est prêt à donner sa vie pour Dieu, à se laisser ligoter pour être sacrifié. Dans la tradition juive, on interprète ce paradoxe d’un personnage nommé “il rira” et qui pousse l’intransigeance jusqu’à être prêt à donner sa vie pour Dieu en disant que le rire serait l’antidote du sacrifice de l’homme au nom de Dieu... et, donc, l’antidote du fanatisme religieux. Dans le Talmud, on raconte qu’un rabbin, au début du IIe siècle, discutait avec d’autres rabbins de la pureté d’un four. Lui disait qu’il était pur, et les autres affirmaient le contraire. Il dit : “Si j’ai raison, que le caroubier qui se trouve dans le jardin se déplace !” Et il se déplaça. Mais les autres restaient stoïques et ils répondirent : “On n’apporte pas des preuves des caroubiers qui se déplacent.” Il détourna un fleuve, fit des miracles et finit par demander à Dieu qui avait raison. Mais Dieu lui donna tort. Alors, il le fit taire en disant : “Tu nous as donné la Torah, c’est donc à nous d’établir le règlement.” Plus tard, un autre rabbin rencontra le prophète Élie et lui demanda comment réagit Dieu dans les cieux. Élie répondit : “Dieu a ri en disant que ses enfants l’ont vaincu.” Quand les sages discutent, quand il y a de l’intelligence, Dieu rit. C’est une manière de dire que l’humour doit désamorcer le fanatisme ou l’idolâtrie. Il est l’espace nécessaire entre Dieu et l’homme. Ainsi, comme le demande le Talmud, les rabbins commencent presque toujours leur discours à la synagogue par une histoire juive. Les juifs prennent l’humour très au sérieux. »
« Sarah, tu étais avec moi quand il y a eu le pogrom de Varsovie ?
– Oui, oui, mon chéri, j’étais avec toi.
– Tu étais avec moi quand il y a eu le pogrom à Kiev ?
– Oui, oui, j’étais avec toi.
– Et quand il y a eu le pogrom de Lodz ?
– Ah mais tu sais mon chéri, je suis toujours avec toi !
– Sarah, Sarah, je crois que tu me portes la poisse ! »
Religions, parlez-moi d’humour
Marie-Lucile Kubacki - publié le 02/08/2012
Les religions manquent-elles d’humour ? Existe-t-il un humour musulman, juif, chrétien, ou bouddhiste ? Des spécialistes de chacune de ces grandes traditions se sont (sérieusement) penchés sur la question.
llustration tirée de Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les cathos sans jamais oser le demander de Guézou, Presses de la Renaissance
Même si chacun a en réserve des blagues sur le paradis ou des histoires juives, la religion est plus souvent présentée sous un visage austère que souriant. L’idée selon laquelle les religions se méfient du rire est notamment à l’origine du roman d’Umberto Eco, le Nom de la rose, où un moine bénédictin assassine ses semblables pour les empêcher de diffuser un texte d’Aristote sur le rire. L’humour, parce qu’il comporte une part d’irrévérencieux, flirte parfois avec le sacrilège, ce qui explique que toutes les traditions spirituelles se soient penchées sur la question avec plus ou moins de crispations et de peurs. Pourtant, le christianisme, l’islam, le judaïsme et le bouddhisme recèlent des trésors d’humour. Des jeux de l’esprit et du cœur qui nous parlent du sens de la vie et de ce que la foi a de plus intime. Les grands spirituels sont nombreux à avoir fait sourire la foi. Mais ce sourire des religions reste méconnu. Des Marx Brothers à La vérité si je mens, en passant par les films de Woody Allen, tout le monde connaît l’humour juif. par exemple. Moins connues sont ses origines et sa place de premier plan dans la tradition religieuse. Et qu’en est-il des autres traditions ?
« Les juifs prennent l’humour très au sérieux »
Philippe Haddad, rabbin aux Ulis (91).
« Dans l’humour juif actuel, il faut distinguer l’humour ashkénaze, occidental, celui de Woody Allen, et l’humour séfarade, d’Afrique du Nord, à la Gad Elmaleh ou Richard Anconina dans La vérité si je mens. Il est possible que l’humour juif soit né en réaction à l’antisémitisme, aux pogroms, comme un antidote au désespoir. Mais il se nourrit des textes fondateurs. Si, dans l’Ancien Testament, le mot humour n’existe pas tel quel, il y a déjà la notion de rire. Rien que le nom d’Isaac, un des trois patriarches d’Israël, signifie “celui qui rira”. Avec la naissance d’Isaac, c’est le rire qui naît. Pourtant, Isaac est sérieux, il est prêt à donner sa vie pour Dieu, à se laisser ligoter pour être sacrifié. Dans la tradition juive, on interprète ce paradoxe d’un personnage nommé “il rira” et qui pousse l’intransigeance jusqu’à être prêt à donner sa vie pour Dieu en disant que le rire serait l’antidote du sacrifice de l’homme au nom de Dieu... et, donc, l’antidote du fanatisme religieux. Dans le Talmud, on raconte qu’un rabbin, au début du IIe siècle, discutait avec d’autres rabbins de la pureté d’un four. Lui disait qu’il était pur, et les autres affirmaient le contraire. Il dit : “Si j’ai raison, que le caroubier qui se trouve dans le jardin se déplace !” Et il se déplaça. Mais les autres restaient stoïques et ils répondirent : “On n’apporte pas des preuves des caroubiers qui se déplacent.” Il détourna un fleuve, fit des miracles et finit par demander à Dieu qui avait raison. Mais Dieu lui donna tort. Alors, il le fit taire en disant : “Tu nous as donné la Torah, c’est donc à nous d’établir le règlement.” Plus tard, un autre rabbin rencontra le prophète Élie et lui demanda comment réagit Dieu dans les cieux. Élie répondit : “Dieu a ri en disant que ses enfants l’ont vaincu.” Quand les sages discutent, quand il y a de l’intelligence, Dieu rit. C’est une manière de dire que l’humour doit désamorcer le fanatisme ou l’idolâtrie. Il est l’espace nécessaire entre Dieu et l’homme. Ainsi, comme le demande le Talmud, les rabbins commencent presque toujours leur discours à la synagogue par une histoire juive. Les juifs prennent l’humour très au sérieux. »
« Sarah, tu étais avec moi quand il y a eu le pogrom de Varsovie ?
– Oui, oui, mon chéri, j’étais avec toi.
– Tu étais avec moi quand il y a eu le pogrom à Kiev ?
– Oui, oui, j’étais avec toi.
– Et quand il y a eu le pogrom de Lodz ?
– Ah mais tu sais mon chéri, je suis toujours avec toi !
– Sarah, Sarah, je crois que tu me portes la poisse ! »