REPORTAGELes protestants évangéliques et, à un degré moindre, les catholiques cherchent de plus en plus à attirer de nouveaux fidèles, en particulier des personnes de culture musulmane, généralement intéressées par les discussions sur la religion.
La scène a quelque chose de surréaliste. Place de la République, à Paris, une quinzaine de fidèles, dossards « Jésus sauve » en français et en arabe épinglés dans le dos, prient en cercle et à voix haute avant d’entonner des louanges. Ces protestants évangéliques, membres de l’association Tous pour Christ, s’affairent à tour de rôle autour d’une table pliante avec thermos de café, bananes, salades et tracts, bibles, livrets d’Evangile. Tout est gratuit. Leur mission ? « Annoncer la bonne nouvelle. » En clair, évangéliser les passants.
Sous la station Barbès-Rochechouart, dans le 18e arrondissement de Paris, le 25 décembre 2021.
Sous la station Barbès-Rochechouart, dans le 18e arrondissement de Paris, le 25 décembre 2021. JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »
Il y a ceux qui passent leur chemin avec un sourire amusé et ceux qui tracent la route en levant les yeux au ciel. Il y a les habitués du quartier qui ne les voient même plus, les plus démunis qui profitent d’un gobelet de café et d’un sac de victuailles, dans lequel sont glissés un flyer « Connaissez-vous Jésus ? » et un Evangile. Et puis, il y a ceux qui acceptent de prendre le temps d’échanger sur le divin dans l’espace public. Ceux-là sont pour la plupart de confession musulmane. C’est là tout l’enjeu de ces opérations d’évangélisation de rue : face au recul de la religiosité au sein de la société française, convertir les « derniers » croyants.
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Article réservé à nos abonnés Quand les évangéliques s’emploient à convertir les musulmans
« Les musulmans sont la cible principale de ces expéditions, car, en France, ce sont les derniers, ou presque, à croire encore », explique Fatiha Kaouès, sociologue des religions au CNRS, autrice d’une thèse, en 2013, sur le développement du protestantisme évangélique au Moyen-Orient. « Il est beaucoup plus facile de parler religion avec les musulmans, les autres ne sont pas intéressés », confirme Jamel Attar, ex-musulman converti, pasteur à Caen depuis plus de vingt ans.
Sous la station Barbès-Rochechouart, dans le 18e arrondissement de Paris, le 25 décembre 2021.
Sous la station Barbès-Rochechouart, dans le 18e arrondissement de Paris, le 25 décembre 2021. JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »
Athées, agnostiques et catholiques sont peu disposés à parler de Dieu. « Les deux premiers sont assez hermétiques, et les troisièmes considèrent que la religion est une affaire privée », note Corinne, qui souhaite taire son patronyme. La jeune femme travaille à la maison d’édition évangélique La voix des prophètes, dont les productions (brochures, livres, CD, DVD…) cherchent à « rendre le message de la Bible accessible aux non-chrétiens, particulièrement aux personnes d’arrière-plan musulman ». Un objectif désormais partagé par d’autres chrétiens.
« Nous reprenons un peu de souffle »
Depuis peu, Pierre, 30 ans, le fondateur de Tous pour Christ, et sa petite troupe d’évangéliques font face à la concurrence des catholiques, décidés à s’organiser pour « accueillir les musulmans qui toquent à la porte », comme le résume Marc Fromager, directeur exécutif de Mission Ismérie, de l’islam au Christ. Cette association, créée il y a deux ans, regroupe les initiatives de laïcs catholiques similaires en France. Preuve de ce nouvel élan missionnaire, en 2020, le diocèse de Paris a nommé un prêtre chargé de la question musulmane. « En matière d’évangélisation, nous reprenons un peu de souffle, même si nous avons du retard par rapport aux évangéliques », observe ce prêtre, désireux, lui aussi, de garder l’anonymat.
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La scène a quelque chose de surréaliste. Place de la République, à Paris, une quinzaine de fidèles, dossards « Jésus sauve » en français et en arabe épinglés dans le dos, prient en cercle et à voix haute avant d’entonner des louanges. Ces protestants évangéliques, membres de l’association Tous pour Christ, s’affairent à tour de rôle autour d’une table pliante avec thermos de café, bananes, salades et tracts, bibles, livrets d’Evangile. Tout est gratuit. Leur mission ? « Annoncer la bonne nouvelle. » En clair, évangéliser les passants.
Sous la station Barbès-Rochechouart, dans le 18e arrondissement de Paris, le 25 décembre 2021.
Sous la station Barbès-Rochechouart, dans le 18e arrondissement de Paris, le 25 décembre 2021. JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »
Il y a ceux qui passent leur chemin avec un sourire amusé et ceux qui tracent la route en levant les yeux au ciel. Il y a les habitués du quartier qui ne les voient même plus, les plus démunis qui profitent d’un gobelet de café et d’un sac de victuailles, dans lequel sont glissés un flyer « Connaissez-vous Jésus ? » et un Evangile. Et puis, il y a ceux qui acceptent de prendre le temps d’échanger sur le divin dans l’espace public. Ceux-là sont pour la plupart de confession musulmane. C’est là tout l’enjeu de ces opérations d’évangélisation de rue : face au recul de la religiosité au sein de la société française, convertir les « derniers » croyants.
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« Les musulmans sont la cible principale de ces expéditions, car, en France, ce sont les derniers, ou presque, à croire encore », explique Fatiha Kaouès, sociologue des religions au CNRS, autrice d’une thèse, en 2013, sur le développement du protestantisme évangélique au Moyen-Orient. « Il est beaucoup plus facile de parler religion avec les musulmans, les autres ne sont pas intéressés », confirme Jamel Attar, ex-musulman converti, pasteur à Caen depuis plus de vingt ans.
Sous la station Barbès-Rochechouart, dans le 18e arrondissement de Paris, le 25 décembre 2021.
Sous la station Barbès-Rochechouart, dans le 18e arrondissement de Paris, le 25 décembre 2021. JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »
Athées, agnostiques et catholiques sont peu disposés à parler de Dieu. « Les deux premiers sont assez hermétiques, et les troisièmes considèrent que la religion est une affaire privée », note Corinne, qui souhaite taire son patronyme. La jeune femme travaille à la maison d’édition évangélique La voix des prophètes, dont les productions (brochures, livres, CD, DVD…) cherchent à « rendre le message de la Bible accessible aux non-chrétiens, particulièrement aux personnes d’arrière-plan musulman ». Un objectif désormais partagé par d’autres chrétiens.
« Nous reprenons un peu de souffle »
Depuis peu, Pierre, 30 ans, le fondateur de Tous pour Christ, et sa petite troupe d’évangéliques font face à la concurrence des catholiques, décidés à s’organiser pour « accueillir les musulmans qui toquent à la porte », comme le résume Marc Fromager, directeur exécutif de Mission Ismérie, de l’islam au Christ. Cette association, créée il y a deux ans, regroupe les initiatives de laïcs catholiques similaires en France. Preuve de ce nouvel élan missionnaire, en 2020, le diocèse de Paris a nommé un prêtre chargé de la question musulmane. « En matière d’évangélisation, nous reprenons un peu de souffle, même si nous avons du retard par rapport aux évangéliques », observe ce prêtre, désireux, lui aussi, de garder l’anonymat.
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