Séparatisme : les députés s’offrent un débat sur l’« héritage chrétien »
La commission spéciale qui examine le projet de loi « confortant le respect des principes de la République » a poursuivi ses travaux samedi 23 janvier. Entre un article sur le monde sportif et un autre sur les associations cultuelles, elle s’est offert un débat animé sur les racines « judéo-chrétiennes » de la France.
- Anne-Bénédicte Hoffner,
- le 23/01/2021 à 16:48
- Modifié le 24/01/2021 à 10:42
Eglise de l'Immaculée Conception rue du Rendez-Vous à Paris, le 24 décembre 2020. Les messes de minuit pour le Noël 2020 se déroulent dans l'après-midi et sous la surveillance de la police.JEAN-BAPTISTE QUENTIN/PHOTOPQR/LE PARISIEN/MAXPPPAprès de longs échanges sur le meilleur moyen de protéger les jeunes sportifs du repli communautaire et de l’influence - parfois « plus importante encore que celle des prédicateurs religieux » - des « éducateurs sportifs-recruteurs », le débat, soudain, change de ton. Emmanuelle Ménard (députée non-inscrite de l’Hérault), vient de défendre l’amendement 671 devant la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi « confortant le respect des principes de la République ».
Contrairement à l’engagement du président de la République, elle se propose de réécrire le 1er article de la loi de 1905 comme suit : « L’État français, fort de son héritage chrétien, assure le libre exercice de culte et la liberté de conscience. Ces libertés ne peuvent être contraintes qu’en cas de violation grave et manifeste de l’ordre public ».
Redéfinir le véritable sujet
Depuis le début de l’examen en commission de ce texte phare du quinquennat, la députée est particulièrement assidue. Élue avec le soutien du Front national mais non-inscrite, elle redoute de ne pas avoir voix au chapitre lorsque le projet de loi arrivera dans l’hémicycle. C’est donc ici qu’elle plaide pour redéfinir le véritable sujet du texte à ses yeux : « le radicalisme islamique ».
Associations 1901, confessionnelles, cultuelles, de quoi parle-t-on ?
Cette fois encore, elle espère convaincre les députés de ne pas se tromper de cible. « Cet amendement vise à rappeler d’une part que ce n’est pas la République - simple régime politique - qui garantit la liberté de conscience mais l’État français à travers tous les régimes politiques assumés », fait-elle valoir. « À rappeler également que, par sa présence multiséculaire en France et son lien avec l’histoire de notre nation, l’Église catholique ne peut être simplement traitée tout à fait de la même manière que d’autres cultes arrivés plus récemment dans notre pays ».
Rappels historiques partiels
Les parlementaires présents s’agitent, chacun souhaite répondre. Certains, comme Frédéric Petit (Modem, Français de l’étranger) se font pédagogues : « Je ne suis pas choqué par ce que vous dites lorsque vous rapportez des faits historiques d’ailleurs partiels : car vous auriez pu rappeler aussi que la République ne s’applique pas que dans des territoires marqués par l’Église catholique. Mais cela n’a rien à faire dans la loi ».
Pour le président de séance, François de Rugy (LREM, Loire-Atlantique), certains reproches adressés à l’islam pourraient l’être aussi à l’Église catholique, comme celui de « l’influence étrangère ». « Si je ne me trompe, les évêques sont nommés par le pape et par le nonce, qui n’est généralement pas français », glisse-t-il.
Le remplacement du terme de République par celui d’« État français » - choisi par le maréchal Pétain en 1940 - choque tout autant les députés. « Je remercie Mme Ménard pour sa franchise mais je suis au fond révolté par cet amendement », reconnaît François Cormier-Bouligeon (LREM, Cher), convaincu que la formule signe l’appartenance d’Emmanuelle Ménard à « l’extrême-droite ».
Les grandes orientations politiques du texte
« Penser qu’il peut y avoir d’autres régimes que la République, c’est être contre elle. Vous en avez le droit mais ne faites pas croire qu’il ne s’agit là que d’un détail », complète le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, visiblement très à l’aise dans ce type d’échange. « Peut-être est-ce aussi un lapsus d’avoir oublié le «judéo» dans la mention de notre héritage judéo-chrétien ? » En matière de racines, François de Rugy en rajouterait d’ailleurs plusieurs : « gréco-romaines, franques, sans oublier les celtes chères à mon cœur ».
Toutes ces digressions agacent le rapporteur du texte, Sacha Houlié, qui appelle ses collègues à revenir à « l’examen des amendements ». Pour d’autres, au contraire, elles ont le mérite de permettre « un débat sur les grandes orientations politiques de ce texte ». Celui-ci « devrait même pouvoir se tenir devant l’hémicycle », avance le député de la France insoumise, Alexis Corbière, qui vient de prendre énergiquement la défense de la laïcité, « cette formule magique qui permet que toutes les religions soient traitées pareil du point de vue de la
Séparatisme.